Le Conseil d’État juge, en se fondant sur la clause relative à l’élimination de la double imposition de l’ancienne convention franco-britannique, que le crédit d’impôt spécifique (avoir fiscal britannique) attribué aux résidents français bénéficiant de dividendes de source britannique, est un complément de revenu entrant dans la base imposable du bénéficiaire en France, alors même qu’aucune disposition de droit interne ne prévoit une telle inclusion dans l’assiette de l’IS.
Eléments de contexte – Modalités d’imposition des dividendes de source britannique perçus par un résident français en application de l’ancienne convention France/UK
Les dispositions relatives aux dividendes (art. 9) de l’ancienne convention franco-britannique (du 22 mai 1968) prévoyaient, en substance :
- Un partage de l’imposition, entre le UK et la France, des dividendes de source britannique perçus par un résident français,
- L’attribution à ce résident français d’un crédit d’impôt égal au crédit d’impôt disponible au UK pour s’acquitter de l’impôt afférent à ces dividendes (disposition ayant pour objet d’étendre aux résidents fiscaux français le bénéfice de l’avoir fiscal dont les résidents britanniques percevant des dividendes de source britannique disposaient eux-mêmes)
- Le calcul de l’impôt, au UK, sur une assiette composée de la somme du montant des dividendes et de l’avoir fiscal britannique.
Les dispositions de l’article 24, relatives à l’élimination de la double imposition, prévoyaient, elles, que le résident de France percevant des dividendes de source britannique ayant supporté l’impôt au Royaume-Uni, bénéficiait en France d’un crédit d’impôt correspondant au montant de l’impôt payé au Royaume-Uni ne pouvant excéder le montant de l’impôt français afférent aux revenus correspondants, et imputable sur les impôts dans l’assiette desquels ces revenus sont compris.
L’histoire
Une société française a perçu des dividendes de source britannique au titre des exercices clos de 2005 à 2009, au titre desquels elle a bénéficié de l’avoir fiscal britannique.
Un litige s’est noué avec l’administration fiscale française, portant, notamment, sur la prise en compte dans la base imposable en France, de cet avoir fiscal britannique.
La décision du Conseil d’État
Devant le Conseil d’État, la société arguait, en substance, qu’aucune disposition de droit français ne prévoyait la prise en compte de cet avoir fiscal britannique dans ses résultats imposables en France, et qu’une convention fiscale ne pouvait pas, par elle-même, servir de base légale à une imposition (principe de subsidiarité des conventions fiscales).
Sur le principe de subsidiarité
Reprenant le raisonnement dégagé dans sa décision HSBC Bank PLC Paris Branch (CE, 31 mai 2022, n°461519), le Conseil d’État distingue 2 situations :
- Sur la répartition du droit d’imposer prévue par la convention (principe de subsidiarité) : conformément à sa jurisprudence antérieure, le Conseil d’État rappelle, que par application du principe de subsidiarité des conventions fiscales, il incombe au juge de l’impôt saisi d’une contestation relative à l’application d’une convention, de se placer d’abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l’imposition contestée a été valablement établie avant de déterminer si la convention fait ou non obstacle à l’application de la loi fiscale (CE, 28 juin 2002, n°232276, Sté Schneider Electric).
- Sur les modalités d’élimination des doubles impositions prévues par la convention (effet direct) : il précise qu’il appartient néanmoins au juge, pour la mise en œuvre des stipulations d’une convention qui sont relatives, non à la répartition du pouvoir d’imposer entre les 2 États, mais aux modalités d’élimination des doubles impositions, de faire application des « stipulations claires » de la convention.
Sur la base taxable
Le Conseil d’État juge qu’il résulte de la combinaison des articles 9 (dividendes) et 24 (élimination de la double imposition) de l’ancienne convention franco-britannique, que l’imputation, sur l’impôt dû en France à raison de dividendes de source britannique, du crédit d’impôt conventionnel égal à l’impôt versé au UK sur une base constituée de la somme des dividendes et de l’avoir fiscal britannique, est subordonnée à l’inclusion de celui-ci dans les bases de l’impôt dû en France.
Notons que cette décision ne présente désormais plus qu’un intérêt contentieux, la nouvelle convention franco-britannique du 19 juin 2008 ne prévoyant plus l’octroi aux résidents français percevant des dividendes de source britannique de l’avoir fiscal britannique (art. 11 nouveau).
En revanche, elle confirme l’application directe des stipulations claires des conventions fiscales relatives aux modalités d’élimination des doubles impositions.