Energie durable : l’Union européenne adopte un nouveau règlement pour encadrer le cycle de vie des batteries

Le droit de l’Union s’est enrichi d’un nouveau Règlement (UE) 2023/1542 du 12 juillet 2023 relatif aux batteries et aux déchets de batteries , qui modifie la directive 2008/98/CE sur la gestion des déchets et abroge la directive 2006/66/CE du 6 septembre 2006 relative aux piles et aux accumulateurs.

L’adoption de ce texte s’inscrit dans la « nouvelle stratégie de croissance de l’Europe » qui tend à la réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre à zéro d’ici 2050 1. Il s’inscrit également dans l’exécution du plan d’action européen de 2018 plaçant les batteries au centre de sa politique industrielle.2

Étant donné le développement du marché des véhicules électriques en raison de l’interdiction de la vente de voitures neuves à moteur thermique dès 2035 sur le marché de l’Union européenne et dans un contexte de transition énergétique avec l’accroissement de l’utilisation d’appareils électroniques à batteries au quotidien, tels que les téléphones ou les ordinateurs portables, le Règlement a pour ambition de mettre en place une économie circulaire spécifique ainsi que de « réduire les incidences environnementales et sociales tout au long du cycle de vie de la batterie »3.

Entrée en vigueur et application du Règlement

Le Règlement est entré en vigueur le 17 août 2023. Il est toutefois prévu une mise en œuvre différée et des calendriers différenciés pour chacune des mesures du texte.

A titre d’exemple, les exigences en matière de performance et de durabilité seront applicables selon la nature de la batterie considérée.

Pour les batteries portables d’utilisation courante, ce sera à compter du 18 août 2028 ou 24 mois après la date d’entrée en vigueur de l’acte délégué visé au paragraphe 2 de l’article 9 du Règlement.

Pour les batteries industrielles rechargeables, MTL et de véhicules électriques, ce sera à partir du 18 août 2027 ou 18 mois après la date d’entrée en vigueur de l’acte délégué visé au paragraphe 5, premier alinéa.

Le Règlement est applicable directement  dans les Etats-membres conformément aux dispositions de l’article 288 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE). Rappelons que contrairement aux directives européennes qui nécessitent une loi de transposition pour être applicables au niveau national, les règlements sont d’application directe.

Quelles sont les batteries visées par le Règlement ?

Le nouveau texte s’applique largement aux batteries ayant été produites, importées, mises « sur le marché ou mises en service […] au sein de l’Union »4.

Il s’applique plus précisément à toutes les catégories de batteries, indépendamment de leurs caractéristiques (forme, volume, composition, finalité, etc.- article 1,3 du Règlement), parmi lesquelles :

  • les batteries de véhicules électriques (article 1,3 du Règlement)
  • les batteries destinées « aux moyens de transports légers » ou « MTL » telles que celles qui équipent les vélos et trottinettes électriques (article 1,3 du Règlement)
  • les batteries industrielles qui comprennent les véhicules utilisés pour la traction d’autres véhicules de transport (dans les domaines ferroviaire, nautique, aérien ou tout-terrain) et les batteries destinées à être utilisées pour des activités industrielles, des infrastructures de communication, des activités agricoles ou la production et la distribution d’énergie électrique (article 1,3 du Règlement)
  • les batteries portables qui sont utilisées pour la traction de véhicules sur roues considérés comme étant des jouets au sens de la directive 2009/48/CE du Parlement européen et du Conseil 5

L’application de tout ou partie du Règlement sera conditionnée par l’appartenance, ou non, des batteries à une, ou plusieurs, catégories. Lorsqu’une batterie relève de plusieurs catégories, elle est présumée « relever de la catégorie à laquelle les exigences les plus strictes s’appliquent (article 1,3 du Règlement .

Il convient de préciser que le Règlement ne s’applique que partiellement à certaines catégories de batteries, à savoir, « les batteries qui sont incorporées ou qui sont spécifiquement conçues pour être incorporées » (article 1,3 du règlement ) ou encore aux batteries usagées, pour lesquelles il n’existe que des exigences minimales pour leur transfert (Annexe XIV du Règlement).

Quels opérateurs sont concernés par le Règlement ?

Le champ d’application du Règlement couvre tous les intervenants du cycle de vie des batteries.

Ces derniers sont définis à l’article 3 du Règlement comme :

« Le fabricant, le mandataire, l’importateur, le distributeur ou le prestataire de services d’exécution des commandes ou toute autre personne physique ou morale qui est soumise à des obligations liées à la fabrication, la préparation en vue d’un réemploi, la préparation en vue d’une réaffectation, la réaffectation ou le remanufacturage des batteries, la mise à disposition ou la mise sur le marché́ de batteries, y compris en ligne, ou leur mise en service ».

Chaque opérateur économique se voit ainsi imposer de nouvelles obligations par le Règlement, notamment l’obligation de mettre sur le marché des batteries conformes aux nouvelles exigences prévues.6

Quelles sont les nouvelles exigences du Règlement ?

Le Règlement prévoit de nouvelles exigences en matière de durabilité, de sécurité et de performance énergétique des batteries, qui varient selon la catégorie de batterie.

Afin que les batteries ne puissent pas représenter un danger pour la santé humaine et pour l’environnement, les opérateurs économiques doivent s’assurer de respecter :

  • les restrictions relatives aux substances dangereuses (article 7 du Règlement) : à titre d’exemple, l’annexe I du Règlement prévoit que « Les batteries, incorporées ou non dans des appareils, ne doivent pas contenir plus de 0,0005 % de mercure (exprimé en Hg métal) en poids.»
  • les pourcentages de contenu recyclé de cobalt, de plomb, de lithium ou de nickel (qui seront fixés d’ici à 2031 et réévalués à la hausse en 2036 (article 8 du Règlement))
  • les exigences de performance et de durabilité pour les batteries industrielles rechargeables et les batteries de véhicules électriques (Articles 9 et 10 et Annexe IV, partie A du Règlement

Le Règlement prévoit également une obligation de mettre sur le marché des produits dont la batterie est facilement retirable et remplaçable par l’utilisateur final pendant toute la durée de vie du produit (article 11,1  du Règlement) , et dont les modalités et dérogations sont précisées par diverses dispositions.

Les systèmes de stockage d’énergie par batterie stationnaire doivent également répondre aux exigences de sécurité fixées par le Règlement et ses annexes. (article 12  du Règlement) 

Selon l’article 15 du Règlement, les batteries seront considérées comme conformes si elles répondent aux exigences :

Quelles sont les nouvelles obligations pesant sur les opérateurs économiques ?

En sus des obligations de conformité des batteries précitées, le nouveau Règlement impose à l’ensemble des opérateurs économiques de nouvelles obligations fort extensives.

L’obligation d’information de l’utilisateur final est renforcée à plusieurs égards concernant l’état de santé et la durée de vie des batteries (article 14  du Règlement) ou les instructions et informations de sécurité concernant l’utilisation, le retrait et le remplacement des batteries.(article 11,1 du Règlement)

Cette obligation s’applique également à la prévention et la gestion des déchets de batteries pour les catégories de batteries que les producteurs ou les organisations fournissent sur le territoire d’un État membre.(article 74  du Règlement)

Le Règlement, on l’a déjà mentionné, prévoit des exigences en matière d’étiquetage et de marquage (article 13  du Règlement). Selon la catégorie dont relève la batterie et l’échéancier indiqué par le nouveau texte, il sera obligatoire d’apposer des étiquettes relatives aux informations générales des batteries (article 13,1  du Règlement) , sur leur capacité (article 13,2  du Règlement) , la durée moyenne minimale d’utilisation ou leur capacité de rechargement ou non (article 13,3  du Règlement) , ainsi que leur composition (article 13,5  du Règlement). Enfin, un QR Code pour avoir accès aux informations telles que le passeport de batterie est exigé (article 13,6 a)  et Annexe III du Réglement).

Une nouvelle obligation de déclaration d’empreinte carbone est prévue à l’article 7 du Règlement pour les « batteries de véhicules électriques, les batteries industrielles rechargeables d’une capacité supérieure à 2 kWh et les batteries MTL ».

Pour certaines catégories de batteries comme celles des véhicules électriques, l’empreinte carbone devra prendre la forme « d’une étiquette visible, bien lisible et indélébile indiquant la classe de performance liée à l’empreinte carbone de la batterie […] et déclarant la classe de performance liée à l’empreinte carbone à laquelle correspond le modèle de batterie concerné d’une unité́ de fabrication » (Article 7, 2. du Règlement).

La mise en œuvre de cette obligation sera échelonnée. Elle s’appliquera :

  • à partir du 18 février 2025 pour les batteries de véhicules électriques
  • à partir du 18 février 2026 pour les batteries industrielles rechargeables, à l’exception de celles à stockage exclusivement externe
  • à partir du 18 août 2028 pour les batteries MTL
  • à partir du 18 août 2030 pour les batteries industrielles rechargeables à stockage externe (Article 7 du Règlement)

La déclaration devra être accessible au moyen d’un Code QR. Le Règlement précise que lorsqu’elle n’est pas accessible au moyen du code QR, la déclaration relative à l’empreinte carbone accompagne la batterie, ce dont il faut comprendre « physiquement » au moyen d’un support corporel (Article 7,1 du Règlement).

Un seuil maximal d’empreinte carbone sur l’ensemble du cycle de vie d’une batterie devra être respecté à partir du 18 février 2028 pour les batteries de véhicules électriques puis à des dates ultérieures (allant jusqu’à août 2033) pour les autres types de batteries fixées par un échéancier figurant à l’article 7, point 3 du Règlement.

Le chapitre VIII du Règlement relatif à la gestion des déchets de batteries prévoit que les États membres devront désigner, au plus tard le 18 novembre 2025, une ou plusieurs autorités compétentes pour assurer la surveillance et vérifier le respect, par les producteurs et les organisations compétentes en matière de responsabilité des producteurs, de leurs obligations en matière de gestion des déchets. Il contient en particulier une série de mesures et d’obligation à la charge des producteurs et distributeurs qui feront l’objet d’une surveillance et de vérifications par les organismes compétents. Il prévoit notamment la création d’un registre des producteurs, leur soumission à la responsabilité élargie du producteur pour les batteries qu’ils mettent à disposition sur le marché pour la première fois sur le territoire d’un État membre, la mise en place d’un système de collecte des déchets pour chaque type de batteries, des dispositions sur le recyclage et le transfert des déchets de batterie. Ces obligations seront, pour l’essentiel, applicable à compter du 18 août 2025.

Un nouveau passeport de batterie

Une des mesures phares est l’institution d’un passeport de batterie, c’est-à-dire un enregistrement électronique qui sera, à partir du 18 février 2027, associé à chaque batterie MTL, chaque batterie industrielle d’une capacité supérieure à 2 kWh et à chaque batterie de véhicule électrique mise sur le marché ou mise en service.

Le passeport de batterie, qui sera accessible via un code QR, contiendra des informations relatives au modèle de batterie et des informations spécifiques à la batterie en question, y compris celles résultant de son utilisation, et permettra d’assurer la traçabilité de celle-ci tout au long de sa vie. Le passeport cessera d’exister après que la batterie aura été recyclée (Article 77 du Règlement).

Un devoir de diligence relatif aux batteries pour certains opérateurs économiques

Prenant en compte le problème de disponibilité des matières premières utilisées pour la fabrication des batteries (cobalt, nickel, etc.), tel que relevé par la Cour des comptes européennes dans un rapport en juin 2023 7, le nouveau règlement impose à certains opérateurs économiques, à savoir les entreprises et les groupes qui réalisent un chiffre d’affaires égal ou supérieur à 40 millions d’euros, de veiller à la bonne gestion de ces ressources par un système de gestion et l’adoption d’une politique en matière de devoir de diligence à l’égard des batteries (Article 48 et 49 du Règlement). 

A cette fin, le Règlement prévoit à la charge des opérateurs économiques (Article 47,1 du Règlement) concernés une obligation de gestion des risques associés à leur propre chaîne d’approvisionnement dans le cadre de leur système de gestion des risques (Article 50 du Règlement).

En cas de non-conformité au devoir de diligence (Article 84 du Règlement) , le Règlement prévoit que l’État membre ayant constaté qu’un opérateur économique ne respecte pas ses obligations doit demander à y mettre fin ou, à défaut, de prendre toutes les mesures nécessaires pour restreindre ou interdire la mise sur le marché de la batterie à risque, voire d’assurer son retrait du marché ou rappel en cas de non-conformité grave.

Le « Règlement batterie » impose ainsi un cadre contraignant et extensif, qu’un opérateur économique concerné, et l’on a vu que le champ d’application ratione personae est large, ne peut pas ignorer. L’enjeu est de taille car il s’agit de s’assurer que le développement de l’usage des batteries, présenté comme une des solutions aux enjeux de la trajectoire de décarbonation, ne se transforme pas en lui-même en une atteinte à la durabilité de l’espace, en particulier économique européen.


1 Paragraphe (1) de l’introduction du règlement 2023/1542 du Parlement Européen et du conseil du 12 juillet 2023

Batteries de voitures électriques : quelle stratégie pour l’UE ? | vie-publique.fr

Communiqué de presse du 10 juillet 2023 du Conseil de l’Europe

4 Voir champ d’application décrit aux considérant 15 et à l’Article 1er du Règlement

5  Directive 2009/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 relative à la sécurité des jouets (JO L 170 du 30.6.2009, p.1).

6   Chapitres VI et VII du Règlement. Article 62 pour les distributeurs et Article 64 pour les utilisateurs finaux.

7   https://www.eca.europa.eu/fr/publications/SR-2023-15

Photo de Muriel Féraud-Courtin
Muriel Féraud-Courtin

Muriel Féraud-Courtin, Avocat Associée, a acquis une expérience de plus de 25 ans en droit des affaires et travaille en étroite coopération avec les avocats du réseau international Deloitte Legal. […]

Mélina Dechancé

Mélina est Avocate (Manager) en droit des affaires. Elle rejoint le cabinet Deloitte Legal en 2015. Elle acquis une expérience principalement en matière de droit des contrats, droit bancaire et […]

Anne-Juliette Thomas

Stagiaire in Tax and Legal → Legal Droit Commercial.

Mélissa Doyen

Stagiaire in Tax and Legal → Legal Droit Commercial.