La CAA de Nantes juge que la créance relative à une prestation de services, bien qu’achevée à la clôture de l’exercice ne peut être regardée comme certaine dans son principe et son montant, dès lors que son paiement est soumis à une condition suspensive (obtention d’un agrément spécifique au cas d’espèce), non encore réalisée.
Rappel
La loi fiscale fixe des règles précises de rattachement des produits correspondant à des créances, lesquelles varient selon qu’il s’agit de ventes, de prestations de services ou de travaux d’entreprise donnant lieu à réception (CGI, art. 38, 2 bis).
S’agissant des prestations de services, les créances doivent, en principe, être rattachées à l’exercice au cours duquel intervient l’achèvement de la prestation.
L’exercice de rattachement des produits relatifs aux travaux d’entreprise donnant lieu à réception complète ou provisoire est celui au cours duquel intervient la réception, même si elle est provisoire ou faite avec réserve, ou la mise à la disposition du maître de l’ouvrage si celle-ci est effectuée à une date antérieure à celle de la réception.
Il importe peu, à cet égard, que les créances en question n’aient pas été effectivement payées, dès lors qu’elles sont certaines dans leur principe et leur montant.
L’histoire
L’affaire s’inscrivait dans le cadre du dispositif des certificats d’énergie et du programme « isolation des combles à un euro ». Ce dispositif repose sur une obligation triennale de réalisation d’économies d’énergie imposée par les pouvoirs publics aux fournisseurs d’énergie, dont ils peuvent notamment se libérer en acquérant des certificats d’économie d’énergie (un tel certificat correspondant à un kilowattheure d’énergie finale économisée).
L’isolation des combles perdus pour une surface illimitée coûte un euro au bénéficiaire éligible sous conditions de revenus, l’opération étant subventionnée par le dispositif de certificats d’économie d’énergie.
Dans ce cadre, 3 sociétés ont conclu un contrat tripartite :
- Une société était chargée de rechercher les particuliers éligibles au dispositif ;
- Une deuxième société effectuait les travaux d’isolation, puis constituait et adressait le dossier du client à la troisième société ;
- La troisième société vérifiait et pré-validait le dossier, avant de l’adresser au Pôle national des certificats d’économie d’énergie pour validation.
Ce n’était qu’à l’issue de cette validation par le Pôle national des certificats d’économie d’énergie que la société réalisant les travaux était payée par la société d’économie d’énergie, par l’intermédiaire de la première société.
A l’issue d’une vérification de comptabilité, l’Administration a relevé que la société réalisant les travaux d’isolation avait facturé, en 2017, 100 chantiers, mais qu’elle n’avait comptabilisé au titre de l’exercice qu’une toute petite partie des créances y afférentes.
La société faisait valoir que ces créances n’étaient devenues acquises – c’est-à-dire déterminées dans leur principe et leur montant – qu’après validation par le Pôle national des certificats d’économie d’énergie, laquelle n’était intervenue, pour la plupart des dossiers, qu’après le 31 décembre 2017.
L’Administration considérait, elle, que dès lors que les prestations de services effectuées par la société (les travaux d’isolation) étaient achevées au 31 décembre 2017, les créances correspondantes étaient certaines dans leur principe et dans leur montant à la clôture de l’exercice 2017 et devaient donc lui être rattachées.
La décision de la CAA de Nantes
La CAA de Nantes confirme le traitement fiscal retenu par la société (absence de rattachement à l’exercice 2017) en se fondant sur les éléments suivants :
- Le contrat tripartite prévoyait que la société réalisant les travaux d’isolation ne serait payée qu’après validation du dossier par le Pôle national des certificats d’économie d’énergie ;
- Cette condition préalable au paiement devait s’analyser comme une condition suspensive, au sens de l’article 1304 du Code civil ;
- Les prix mentionnés sur les contrats étaient susceptibles de varier en fonction, notamment, du cours du certificat d’économie d’énergie.
La Cour en conclut donc que les créances litigieuses ne pouvaient, dès lors, être regardées comme certaines, ni dans leur principe, ni dans leur montant, au 31 décembre 2017.
Est sans incidence à cet égard la circonstance – non contestée par la société elle-même – que la probabilité d’un refus de validation par le Pôle national des certificats d’économie d’énergie était très faible.
On notera que cette décision est en ligne avec une décision du Conseil d’Etat relative à une livraison de biens assortie d’une condition suspensive (CE, 24 septembre 2003, n°237115, Sté éditions Godefroy).