Extension du Fonds Réparation à la filière textile dans le cadre de la Responsabilité Elargie des Producteurs (REP)

Chaque année en France, pas moins de 700 000 tonnes de vêtements sont jetées. Afin de s’engager dans la lutte contre le gaspillage, dans un monde où la mode, et particulièrement la fast-fashion, est responsable de 8 à 10 % des émissions mondiales de CO2 selon l’ONU, l’Etat français met en place une aide financière sous la forme d’un bonus de réparation textile prévu pour l’automne 2023.

Celle-ci incarne la consécration de la réforme engagée par la loi AGEC du 10 février 2020 qui promeut une économie circulaire dans un contexte de mutation des modèles de distribution et de consommation. Ce nouveau fonds complète ainsi les fonds dédiés depuis 2022 aux filières des équipements électriques et électroniques, des jouets, des articles de sport et de loisir, et des articles de bricolage et de jardin.

Retour sur le régime de la Responsabilité Elargie des Producteurs (REP)

La réglementation relative à la REP s’est considérablement développée en France avec notamment la loi n°2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite « loi AGEC ».  Celle-ci a modifié les règles applicables à la REP en créant de nouvelles filières ou en élargissant le périmètre de celles préexistantes (article L.541-10-1 du code de l’environnement).

Les obligations des producteurs

La REP repose sur le principe selon lequel les producteurs, c’est-à-dire les personnes physiques ou morales qui élaborent, fabriquent, manipulent, traitent, vendent ou importent des produits générateurs de déchets, sont responsables du financement et de l’organisation de la prévention et de la gestion des déchets issus de ces produits en fin de vie.

De ce fait, ils doivent adopter une démarche dite « d’éco-conception des produits ». Cela signifie qu’ils ont la responsabilité de :

  • favoriser l’allongement de la durée de vie des produits concernés en assurant au mieux à l’ensemble des réparateurs professionnels et particuliers, des moyens indispensables à une maintenance efficiente 
  • soutenir les réseaux de réemploi, de réutilisation et de réparation sur le modèle de ceux gérés par les structures de l’économie sociale et solidaire 
  • contribuer à des projets d’aide au développement en matière de collecte et de traitement de leurs déchets et de développer le recyclage des déchets issus de ces produits

De manière générale, les producteurs choisissent de s’organiser collectivement pour assurer ces obligations dans le cadre d’éco-organismes à but non lucratif, agréés par les pouvoirs publics. Pour chaque produit mis sur le marché, les producteurs versent à l’éco-organisme auquel ils ont adhéré une contribution financière, appelée écocontribution, permettant de financer l’ensemble des obligations des producteurs telles que les coûts de prévention, le réemploi, la collecte, le tri, le recyclage des déchets, la sensibilisation, etc. (article L. 541-10-2 du code de l’environnement).

Il existe aujourd’hui une douzaine de filières REP en France comme celles des déchets issus des emballages ménagers, des équipements électriques et électroniques (DEEE) ou encore des textiles. La loi AGEC a prévu de créer, entre 2021 et 2025, une dizaine de filières supplémentaires. Les fonds sont créés, par filière, afin de favoriser la mise en œuvre de cette REP.

L’enregistrement auprès de l’ADEME et la transmission des informations

Depuis le 1er janvier 2022, les producteurs soumis au principe de la REP s’enregistrent auprès de l’Agence de la Transition Écologique (ADEME), qui leur délivre un identifiant unique (article L.541-10-13 du Code de l’environnement), suivant les précisions apportées par l’arrêté du 11 février 2022.

Pour s’enregistrer auprès de l’ADEME et obtenir leur identifiant unique de REP, les producteurs doivent transmettre à l’ADEME, au moyen du téléservice SYDEREP, des informations concernant leurs produits et la gestion des déchets issus de ces produits. Cette réglementation s’applique également aux entreprises étrangères qui peuvent désigner un mandataire en France afin de se conformer à ces obligations.

Lorsque le producteur adhère à un éco-organisme, il lui confie le soin de réaliser les démarches d’inscription au registre auprès de l’ADEME. Dans les mêmes conditions, l’éco-organisme se charge de transmettre l’identifiant unique délivré par l’ADEME au producteur ou, le cas échéant, à son mandataire.

La nature et la mise à disposition des données relatives aux filières

En application des dispositions de la loi AGEC, un arrêté du 12 décembre 2022 est venu préciser la nature et les modalités de transmission des données visées par les articles L. 541-10-13 à L. 541-10-15 et D. 541-20 du Code de l’environnement.

Ainsi, la première période de transmission des informations intervient en 2023 pour les informations relatives à l’année civile 2022. Elle concerne les filières REP pour lesquelles au moins un éco-organisme a été agréé à la date d’entrée en vigueur de l’arrêté, soit au 15 décembre 2022.

L’établissement d’un Fonds Réparation suivant le cahier des charges de la filière REP des Textiles d’habillement, du Linge de maison et des Chaussures (TLC)

L’application concrète du Fonds Réparation : le « Bonus Réparation » textile

Le 11 juillet dernier, l’ancienne secrétaire d’Etat à la Transition Écologique, et actuelle ministre déléguée à l’Egalité femmes-hommes, Bérangère Couillard, déclarait : « À partir d’octobre, les consommateurs vont pouvoir être accompagnés dans la réparation de leurs vêtements et [de leurs] chaussuresle bonus réparation textile va permettre à tous les Français qui souhaitent faire réparer un produit d’être accompagnés financièrement ».

En pratique, le consommateur qui optera pour une réparation pourra s’adresser à un réparateur labélisé qui appliquera une réduction à la facture, le Fonds versant ensuite la différence au réparateur.

Refashion, l’éco-organisme de la filière TLC, encourage ainsi les consommateurs français à faire réparer leurs vêtements et leurs chaussures à l’aide d’une contribution financière, reversée grâce aux écocontributions des producteurs. Ce Bonus Réparation prend la forme d’une remise sur facture pour le consommateur pouvant aller, par exemple, jusqu’à 25 € pour un ressemelage de chaussures en cuir. Son lancement,  prévu à l’automne 2023, concernera près de 500 commerçants labellisés par l’Etat.

De plus, des « Actions Complémentaires » au bonus sont instaurées afin de garantir le succès du Bonus Réparation. Celles-ci ont pour objectif de faire connaître le dispositif et de réaliser des formations sur les problématiques propres au métier.

La labellisation au Fonds Réparation, une perspective pour les réparateurs

Afin de bénéficier et de proposer le Bonus Réparation à leurs clients, les commerçants réparateurs doivent obtenir le label délivré par Refashion. « Le but, c’est d’accompagner tous ceux qui font les réparations », a déclaré Mme Couillard, évoquant les ateliers mais « également les enseignes » qui proposent ce service, dans l’objectif de « recréer des emplois ».

Ainsi, toutes les entreprises proposant des services de réparation de vêtements ou chaussures, artisans, marques et distributeurs, peuvent être concernés par la labellisation et en faire la demande.

L’objectif initial d’incitation à la réparation est couplé d’avantages pour le réparateur, tels que la fidélisation de la clientèle ou encore l’offre de services supplémentaires. Enfin, la labellisation permet d’accéder au dispositif d’Actions Complémentaires. 

A long terme, les objectifs du Fonds Réparation

L’éco-organisme s’est vu fixer comme objectif de consacrer 154 millions d’euros de fonds pour financer les réparations entre 2023 et 2028, dont 7,3 millions cette année. Dans cette optique, Refashion cible une augmentation de 35 % du volume de vêtements et chaussures réparés d’ici à 2028.

Suivant le principe du « pollueur-payeur », l’éco-organisme souhaite contraindre les marques à davantage de traçabilité. L’encadrement légal entend ainsi favoriser la structuration du secteur du recyclage dans une optique de développement durable. Par ailleurs, la Ministre a soulevé l’espoir de soutenir financièrement les organismes spécialisés dans le réemploi et les vêtements de seconde main.

 

 

Photo de Muriel Féraud-Courtin
Muriel Féraud-Courtin

Muriel Féraud-Courtin, Avocat Associée, a acquis une expérience de plus de 25 ans en droit des affaires et travaille en étroite coopération avec les avocats du réseau international Deloitte Legal. […]

Mélina Dechancé

Mélina est Avocate (Manager) en droit des affaires. Elle rejoint le cabinet Deloitte Legal en 2015. Elle acquis une expérience principalement en matière de droit des contrats, droit bancaire et […]

Nabila Chikhi

Nabila a rejoint Deloitte Société d’Avocats en 2022 et travaille en tant qu’avocate dans le département Droit commercial. Nabila intervient pour le compte d’une clientèle nationale et internationale sur des […]