Imposition dont la contrariété au droit de l’UE a été révélée par une décision postérieure de la CJUE (LPF, art. R. 211-1)

Par 5 arrêts du 19 mai 2025, le Conseil d’État juge que lorsqu’une décision de la CJUE révèle in fine la contrariété d’une imposition au droit de l’UE, le contribuable peut s’en prévaloir pour solliciter un réexamen de sa situation par l’Administration dans le cadre de la procédure de l’article R. 211-1 du LPF.

L’Administration est alors tenue d’y faire droit (absence de caractère gracieux).

Eléments de contexte

Dans l’hypothèse où une erreur d’imposition a été commise au préjudice du contribuable, l’Administration dispose (de sa propre initiative ou à la suite de démarches effectuées par le contribuable), de la faculté de prononcer d’office le dégrèvement ou la restitution des impositions considérées, et ce, jusqu’au 31 décembre de la 4e année suivant celle de l’expiration du délai de réclamation – ou en cas d’instance, de la notification de la décision juridictionnelle (LPF, art. R. 211-1).

Le Conseil d’État a précisé que la faculté dont dispose l’Administration de faire usage de ce pouvoir de réparation revêt un caractère purement gracieux. Le refus d’accorder un dégrèvement sur ce fondement est dès lors insusceptible de faire l’objet d’un recours (CE, 19 juin 2017, n°403096, GBL Energy).

L’histoire

Pour mémoire, plusieurs sociétés déficitaires étrangères ont introduit, il y a des années de cela, des contentieux visant à contester, sur le terrain de la liberté de circulation des capitaux, l’imposition subie à raison de la retenue à la source acquittée au taux conventionnel sur les dividendes perçus de sociétés françaises dans lesquelles elles détenaient des participations inférieures à 5 %.

Le Conseil d’État a, pendant de longues années, refusé de faire droit à cet argument (notamment, arrêts du 9 mai 2012, n° 342221 et 342222, GBL Energydu 25 novembre 2015, n° 373128, Sté Kermadec, du 15 juin 2016, n° 381196, Société Frère Bourgeois, et du 21 novembre 2016, n° 390506 et 390497, Groupe Bruxelles Lambert), avant que la CJUE ne prenne formellement position sur la question dans le cadre d’une demande de décision préjudicielle et ne conclue à l’existence d’une restriction à la liberté de circulation des capitaux (CJUE, aff. C-575/17 du 22 novembre 2018, Sofina). Rappelons que le législateur est ensuite venu en tirer les conséquences dans le cadre de la LF 2020.

Les sociétés étrangères concernées – alors même qu’elles avaient fait l’objet de décisions défavorables, devenues définitives, du juge de l’impôt français – ont alors sollicité de l’Administration, en se prévalant de la décision postérieure de la CJUE de 2018, un dégrèvement des RAS litigieuses, sur le fondement des dispositions de l’article R. 211-1 du LPF.

La décision du Conseil d’État

Le Conseil d’État rappelle que la décision de l’Administration de faire usage des pouvoirs que lui confère l’article R. 211-1 du LPF revêt en principe un caractère purement gracieux – de sorte que le refus d’accorder un dégrèvement sur ce fondement est insusceptible de recours.

Il ménage toutefois une exception nouvelle à ce principe, par application du principe européen de « coopération loyale » (TFUE, art. 4§3, tel qu’interprété notamment par la CJCE, 13 janvier 2004, C-453/00).

Ainsi, lorsque le rejet d’une réclamation relative à l’impôt est devenu définitif à la suite d’une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort qui s’avère, au vu d’une jurisprudence de la CJUE postérieure, fondée sur une interprétation erronée du droit de l’Union et que le contribuable concerné, après avoir pris connaissance de cette jurisprudence, a demandé le réexamen de sa situation à l’Administration sur le fondement de l’article R. 211-1 du LPF, l’Administration est alors tenue d’y faire droit, afin de tenir compte de l’interprétation de la disposition pertinente entre-temps retenue par la CJUE.

La décision prise par l’Administration dans ce cadre ne présente dès lors pas un caractère gracieux et est en conséquence susceptible de recours devant les juridictions, et les dégrèvements ou restitutions prononcés dans de telles circonstances doivent donner lieu au paiement d’intérêts moratoires.

Cette décision du Conseil d’État offre de nouvelles perspectives aux contribuables.

Photo de Alice de Massiac
Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

Photo de Clara Maignan
Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.