Abandonnant sa jurisprudence antérieure, le Conseil d’Etat vient d’admettre l’imputation sur l’IS au taux réduit des crédits d’impôt attachés à des revenus de valeurs mobilières étrangères.
Prenant acte de la jurisprudence antérieure du Conseil d’Etat (CE, 29 octobre 2012, n° 337253, SA Crédit Agricole), l’Administration a récemment mis à jour sa doctrine relative aux modalités de calcul des crédits d’impôts afférents à des revenus mobiliers de source étrangère « règle du butoir » (BOI-IS-RICI-30-10-20-20- 20170201). Elle a indiqué, à cette occasion, que l’excédent du crédit d’impôt afférent aux revenus de capitaux mobiliers de source étrangère, qui ne pouvait être imputé sur le montant de l’IS dû au taux normal, ne pouvait l’être sur l’IS dû au taux réduit (§ 70), quand cela est admis pour l’excédent du crédit d’impôt afférent à des revenus de source française (§ 50).
Le Conseil d’Etat, suivant son rapporteur public Emilie Bokdam-Tognetti, abandonne la position qu’il avait adoptée en 2012, fondée sur les dispositions du droit interne (CE, 26 juin 2017, n° 386269, SA Crédit agricole). Dans ses conclusions, cette dernière considère que le b du 1 de l’article 220 du CGI relatif aux revenus mobiliers de source étrangère selon lequel « l’imputation est limitée au montant du crédit correspondant à l’impôt retenu à la source à l’étranger, tel qu’il est prévu par les conventions internationales », est une simple règle de butoir en montant et non en cible d’imputation.
Le Conseil d’Etat admet ainsi que l’imputation du crédit d’impôt attaché aux revenus mobiliers de source étrangère perçus au cours d’un exercice s’opère sur l’impôt sur les sociétés à la charge du bénéficiaire de ces revenus, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que cet impôt est dû au taux normal ou au taux réduit. Il n’y a donc plus lieu de « tunnelliser » ou compartimenter l’imputation des crédits d’impôt afférents aux revenus de source étrangère.
Lorsque la retenue à la source à laquelle sont soumis certains revenus de capitaux mobiliers ouvre droit à un crédit d’impôt, le délai de réclamation court jusqu’au 31 décembre de la deuxième année suivant la date de mise en recouvrement (LPF, art. R*196-1, a, BOI-CTX-PREA-10-40-20140625). Les contribuables concernés devraient donc, lorsqu’ils y ont intérêt, faire valoir leurs droits.
On notera que le rapporteur public plaidait, par ailleurs, pour que ce crédit d’impôt s’impute également sans distinction selon que la société en question est déficitaire ou non. Considérant, toutefois, que le silence de la loi s’opposerait à la création prétorienne d’une faculté de report, elle a, dans une affaire rendue le même jour, proposé au Conseil d’Etat, qui l’a suivie, de transmettre une QPC au Conseil constitutionnel sur ce point (CE, 26 juin 2017, n° 406437, Société BPCE).
La réponse du Conseil constitutionnel à la QPC est très attendue
Ce revirement de jurisprudence rapide est bienvenu et met fin à une différence de traitement entre les revenus de source française et les revenus de source étrangère. Par ailleurs, la réponse du Conseil constitutionnel à la QPC est très attendue car s’il adoptait une position favorable, les crédits d’impôts pourraient enfin être utilisés quelle que soit la situation de la société et ne plus tomber en nonvaleur en cas de situation déficitaire comme c’est le cas aujourd’hui. Ceci reste donc une position à surveiller afin de pouvoir bénéficier d’un éventuel élargissement des mécanismes d’imputation.