L’arrêt Generali Vie, rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 23 novembre 2017 (pourvoi n° 16-22.620, à paraître au Bulletin) fera sursauter le juriste mollement endormi dans ses manuels !
Et pourtant… la « vieille dame » qu’est la Cour régulatrice, comme (presque) toujours, ne se trompe pas dans sa lecture des textes.
Au visa du code monétaire et financier (L213-5), du code de commerce (L228-38) et du code des assurances (R131-1 et 332-2), l’arrêt indique que :
La qualification d’obligation n’est pas subordonnée à la garantie de remboursement du nominal du titre.
Evidemment, cela semble, à première lecture, contredire les auteurs qui écrivent que « les obligations sont des titres négociables, émis par une société qui emprunte un capital important… et divise sa dette en un grand nombre de coupures. Chaque obligataire a une créance ferme contre la société pour le paiement de l’intérêt promis et le remboursement du capital prêté » (Ripert et Roblot, par M. Germain et V. Magnier). Ou ceux qui indiquent que « l’émission de titres de créances est donc une forme de prêt d’argent » et qu’en émettant une obligation « la société émettrice garantit, au moins sur le plan juridique, le versement d’un intérêt et le remboursement du capital prêté » (A. Couret, H. Le Nabasque, M.L. Coquelet, T. Granier, D. Poracchia, A. Raynouard, A. Reygrobellet et D. Robine).
La lecture des textes en visa de l’arrêt de cassation impose sans conteste la conséquence retenue : une obligation est un titre de créance, que la loi (art. L213-5 code monétaire et financier) définit comme :
- un titre négociable
- conférant dans une même émission les mêmes droits de créance
- pour une même valeur nominale
L’obligation relève de la catégorie titres de créance, lesquels « représentent chacun un droit de créance sur la personne morale ou le fonds commun de titrisation qui les émet » (art. L213-0-1 cmf).
La cour d’appel de Paris, suivant en cela l’opinion commune, mais donc non « légale », avait considérée, au visa des mêmes textes, qu’une obligation « est donc un titre de créance représentatif d’un emprunt et dont le détenteur, outre la perception d’un intérêt, a droit au remboursement du nominal à l’échéance » (Cour d’appel de Paris, Pôle 2, Ch. 5, 21 juin 2016).
Comme cela a été argumenté, de manière convaincante (G. Endréo), la Cour d’appel ajoutait ainsi à la définition légale trois éléments qui n’y figuraient pas. Contrairement à ses affirmations :
- la qualification en une obligation ne suppose pas une créance représentative d’un emprunt, même si, pratiquement, c’est le plus souvent le cas
- le souscripteur n’a pas nécessairement droit à la perception d’un intérêt, et, outre les « coupons zéro », il existe des titres subordonnés ou hybrides sans versement nécessaire d’intérêts
- le souscripteur n’a pas un droit systématique au remboursement du nominal et il existe des titres qui remettent en cause le remboursement du nominal en cas de survenance d’un événement (les CAT bonds, ou credit linked notes, ou titres hybrides)
On peut regretter la confusion que cela instaure entre le langage courant et le langage du droit, on peut regretter également que les réformes des instruments financiers n’aient pas tenté de mieux circonvenir les notions. La doctrine avait pourtant suggéré la distinction entre titre de capital et titre d’emprunt…
Il n’en reste pas moins que la loi ne lie pas un titre obligataire à un emprunt dont le souscripteur devrait nécessairement recevoir le remboursement du capital et du nominal du titre.
Cela est parfaitement cohérent avec la notion de titre de créance : une créance est un droit personnel qui, hormis les cas où elle résulte d’une obligation défini par la loi, trouve sa source dans une volonté (un contrat) qui en détermine les contours. D’où l’importance du rôle du régulateur et du prospectus, afin que l’investisseur sache, au-delà des noms employés, quel est le risque qu’il encourt.