Intérêts de retard et mention expresse

Une société n’est pas fondée à demander le bénéfice de la mention expresse, prévue par les dispositions de l’article 1727, II du CGI, dès lors que les indications qu’elle a portées à la connaissance de l’Administration étant incomplètes et équivoques, et qu’elles ne permettaient pas d’apprécier si les conditions du régime de sursis d’imposition dont elle revendiquait le bénéfice étaient réunies.

Pour rappel, le bénéfice de la « mention expresse », prévue par l’article 1727, II, 2° du CGI, permet à un contribuable de se prémunir contre l’application d’intérêts de retard aux impôts redressés dans l’hypothèse où l’administration fiscale retiendrait une analyse différente de la sienne. Afin de bénéficier de cette garantie, le contribuable « mentionne » par une indication expresse portée sur la déclaration ou dans une note annexée, les motifs de droit ou de fait qui le conduisent à ne pas reporter des éléments d’imposition, en totalité ou en partie, ou à leur donner une qualification qui entraînerait, si elle était fondée, une taxation atténuée.

Pour que ces motifs puissent être admis, ils ne doivent présenter aucune équivoque et doivent mettre l’Administration en mesure d’apprécier s’il est possible d’admettre les explications du contribuable ou s’il convient au contraire de rectifier la situation litigieuse (BOI-CF-INF-10-10-10 15/12/2021, n°70).

Seuls les contribuables qui ont régulièrement déposé les déclarations auxquelles ils étaient tenus peuvent être admis au bénéfice de la mention expresse. En revanche, la mention expresse ne protège pas le contribuable de l’application des pénalités prévues en cas de manquement délibéré ou de manœuvres frauduleuses.

L’histoire

Au cours de l’année 2011, une société, considérant avoir reçu les titres d’une de ses filiales dans le cadre d’une opération de scission bénéficiant d’un sursis d’imposition, les a exclus de son résultat imposable et a joint une note explicative à sa déclaration de résultats.

À l’issue d’une vérification de comptabilité, l’Administration considère en revanche que les titres reçus l’ont été dans le cadre d’une distribution de dividendes en nature imposable. Elle a en conséquence notifié des cotisations supplémentaires d’IS et de contributions sociales, assorties de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 CGI.

La requérante n’obtient pas gain de cause devant les juges du fond, ni sur le principal, ni sur les intérêts de retard. Devant le Conseil d’État, le pourvoi se limite à l’application des intérêts de retard.

La décision

Le Conseil d’État rappelle qu’une indication expresse du contribuable, au sens de l’article 1727, II du CGI doit comporter des éléments exacts, précis et circonstanciés sur les motifs de droit et de fait qui justifient l’absence de déclaration d’une somme afin de mettre l’Administration en mesure d’apprécier si les conditions d’application des dispositions invoquées sont remplies.

Par suite, il note que la société avait effectivement joint à sa déclaration de résultat 2011 une annexe avec les éléments suivants :

  • La décision prise par une filiale de la société de séparer ses deux activités ;
  • La décision prise à l’issue des AG de 2011, de scinder les deux activités de la filiale en attribuant une des deux branches d’activité aux actionnaires de la filiale ;
  • La réception par la société (actionnaire de la filiale) d’actions d’une des branches d’activité ;
  • La société analyse l’opération en une scission justifiant que les actions reçues bénéficient d’un sursis d’imposition.

Néanmoins, le Conseil d’État relève que lors de l’AG de 2011, la filiale a décidé de distribuer un « dividende exceptionnel » sous la forme d’actions au profit de ses actionnaires, et non pas de procéder à une scission.

Dès lors, il juge que les indications que la société a portées à la connaissance de l’Administration étaient incomplètes et équivoques, et qu’elles ne permettaient pas à cette dernière d’apprécier si les conditions du régime de sursis d’imposition, dont la société revendiquait le bénéfice, étaient réunies.

Par suite, il conclut que la Cour n’a pas commis d’erreur de droit et n’a pas davantage dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en déduisant que la société n’était pas fondée à demander le bénéfice de la mention expresse, prévue par les dispositions de l’article 1727, II du CGI.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Myriam Mouloudj

Myriam, Avocate, possède une expérience de près de 15 ans en fiscalité. Arrivée chez Deloitte Société d’Avocats en 2006, elle réintègre le cabinet en 2019 pour rejoindre le Comité Scientifique […]