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L’amélioration de la qualité du service fourni au client : un enjeu central dans la rémunération de certains distributeurs de produits financiers

Pour rappel, et dans la limite des services qu’ils sont autorisés à fournir, en cas de fourniture d’un service de conseil en investissement de manière indépendante ou de gestion de portefeuille pour le compte de tiers, un prestataire de services d’investissement (PSI), une société de gestion de portefeuille (SGP) ou un conseiller en investissement financier (CIF) ne peuvent pas percevoir, en les conservant, des rémunérations, des commissions ou des avantages non monétaires (à l’exception des avantages non monétaires mineurs) de la part d’un tiers – par exemple, un producteur du produit financier.

Ce principe est notamment rappelé, d’une part, aux articles L. 533-12-2 et L. 533-12-3 du code monétaire et financier (pour les SGP par renvoi de l’article L. 532-9, VII du code monétaire et financier) et 314-18 du Règlement général de l’Autorité des Marches Financiers (AMF) pour les PSI ; et, d’autre part, aux articles L. 541-8-1, 7° du code monétaire et financier et 325-16 du Règlement général de l’AMF pour les CIF.

Rappel relatif à la notion de conseil en investissement « de manière indépendante » 

Un conseil est fourni de manière indépendante lorsque le distributeur permet d’évaluer un éventail suffisant d’instruments financiers disponibles sur le marché et qui sont suffisamment diversifiés, quant à leur type et à leurs émetteurs ou à leurs fournisseurs, pour garantir que les objectifs d’investissement de ses clients puissent être atteints de manière appropriée. Il ne doit pas se limiter aux instruments financiers émis ou fournis par des entités ayant des liens étroits avec lui-même ou d’autres entités avec lesquelles il a des relations juridiques ou économiques, telles que des relations contractuelles si étroites qu’elles présenteraient le risque de nuire à l’indépendance du conseil fourni.

Dans ce contexte, la rémunération du distributeur de produits financiers ne peut notamment plus se faire que par le biais d’honoraires réglés par ses clients (et non plus par l’intermédiaire de rétrocessions versées par le producteur). En d’autres termes, dans l’hypothèse de la perception de rétrocessions de la part de tiers, le distributeur doit les reverser aux clients.

Ce principe vise, notamment, à prévenir les situations potentielles de conflits d’intérêts. En effet, la réception de rémunérations, de commissions ou d’avantages non monétaires de la part de tiers est de nature à biaiser la recommandation ou les choix d’investissement au détriment de l’impartialité requise. Pour rappel, des restrictions avaient déjà été mises en place par certains États européens il y a près d’une dizaine d’années (au Royaume-Uni et aux Pays-Bas notamment).

Cas du conseil « non indépendant » et autres services d’investissement

À l’inverse, en cas de fourniture du service de conseil en investissement « de manière non indépendante », ou de tout autre service d’investissement – à l’exception de celui de gestion de portefeuille pour compte de tiers -, la perception par le distributeur de rémunérations, de commissions ou d’avantages non monétaires demeure possible, sous réserve de respecter les conditions cumulatives suivantes :

  1. Le client doit en être clairement informé.
  2. Le distributeur doit agir d’une manière honnête, loyale et professionnelle, au mieux des intérêts du client.
  3. La rémunération, la commission ou l’avantage non monétaire rétrocédé doit avoir pour objet d’améliorer la qualité du service fourni au client.

En ce qui concerne l’information du client, l’obligation reposant sur le distributeur est celle de fournir des informations avant et après la fourniture du service.

Ainsi, avant la fourniture du service d’investissement, le distributeur doit fournir au client des informations sur l’existence, la nature et le montant du versement ou de l’avantage concerné.

De plus, lorsque le distributeur n’est pas en mesure de déterminer le montant exact du paiement ou de l’avantage reçu, il doit fournir des informations relatives à la méthode de calcul pour déterminer ce montant.

Après la fourniture initiale du service – au moins une fois par an et tant qu’il reçoit des rémunérations, des commissions ou des avantages dans la durée en rapport avec la fourniture du service d’investissement -, le distributeur doit fournir au client une information individualisée portant sur le montant réel du, ou des, paiements ou avantages reçus.

En outre, le distributeur doit agréger l’ensemble des coûts et des frais liés à la fourniture d’un, ou plusieurs, service(s) d’investissement ; les paiements provenant de tiers reçus par le distributeur en lien avec le service fourni à un client doivent être présentés séparément ; tandis que les coûts et frais agrégés doivent être cumulés et exprimés en montant absolu et en pourcentage.

Justification et contrôle de l’amélioration du service fourni

C’est certainement au niveau de la capacité pour le distributeur de prouver le respect des deux autres conditions – celle de l’amélioration de la qualité du service fourni au client et de sa capacité à agir au mieux des intérêts des clients – que les interrogations des professionnels concernés se sont concentrées ces dernières années.

Sur ce point, l’AMF a tenté de clarifier son positionnement afin d’offrir davantage de lisibilité aux distributeurs. Ainsi, une rémunération, une commission ou un avantage non monétaire est présumé améliorer la qualité du service concerné pour le client si les conditions cumulatives suivantes sont remplies :

  • Il est justifié par la fourniture au client d’un service supplémentaire ou d’un service de niveau plus élevé, proportionnel à l’incitation reçue.
    On peut citer, par exemple, la fourniture d’un accès, à un prix compétitif, à une large gamme d’instruments financiers susceptibles de répondre aux besoins du client, y compris un nombre approprié d’instruments financiers de producteurs tiers sans liens étroits avec le distributeur ; ou la fourniture d’un, ou plusieurs, outils à valeur ajoutée ; ou, encore, la fourniture de rapports périodiques relatifs aux performances des instruments financiers et aux coûts et frais qui y sont associés.
  • Il ne bénéficie pas directement au distributeur, à l’un ou plusieurs de ses actionnaires ou à tout membre de son personnel, et ce, sans que le client n’en retire de bénéfice tangible.
  • Il est justifié par la fourniture au client d’un service fourni dans la durée, en rapport avec l’incitation reçue dans la durée.

En outre, le distributeur doit conserver les justificatifs lui permettant d’établir cette amélioration de la qualité du service fourni au client, notamment pour pouvoir en justifier en cas de contrôle de son autorité de supervision.

Se pose souvent la question d’exemple de justifications susceptibles d’être appréciées positivement par l’AMF. Sans prétention d’exhaustivité, celle-ci a apporté des précisions dans sa doctrine en distinguant selon les services d’investissement concernés. Ainsi, à titre d’exemples, en ce qui concerne la fourniture d’un service d’exécution d’ordres pour compte de tiers ou de réception-transmission d’ordres non précédée d’un service de conseil, la perception par un distributeur de rémunérations dans la durée en suite desdits services d’investissement sera considérée légitime par l’AMF uniquement si elles s’accompagnent de la fourniture dans la durée d’un ou plusieurs outils à valeur ajoutée, tel qu’un outil d’information objective pour aider le client à prendre des décisions d’investissement ou de lui permettre de suivre, d’évaluer et d’adapter la gamme d’instruments financiers dans lesquels il a investi ou de la fourniture de rapports périodiques relatifs aux performances des instruments financiers et aux coûts et frais qui y sont associés.

Obligations complémentaires

Bien entendu, d’autres obligations pèsent sur les distributeurs.

On citera, par exemple, sous réserve du statut réglementaire du distributeur, le fait de définir et de formaliser les dispositifs et les procédures d’identification, puis de classifier les types d’incitations et de rémunérations reçues – en tenant compte de la nature, de l’importance, de la complexité et de la diversité des services d’investissement fournis et des activités exercées.

Mais également, le fait de faire participer la fonction de conformité et les instances dirigeantes à l’adoption de ces dispositifs et procédures ; ou, encore, que des contrôles de conformité soient mis en place pour vérifier le respect des règles relatives aux incitations et rémunérations.

Toutefois, il convient d’être rappelé que, comme l’a mentionné l’AMF dans sa décision récente n° 9 du 15 septembre 2025, les distributeurs ne sont pas les seuls à devoir être en mesure de justifier de l’amélioration du service fourni au client final. Les producteurs de produits financiers sont également tenus de se conformer à cette obligation (en l’espèce, l’obligation incombant à la société de gestion de portefeuille Altaroc découlait de l’article 24 du règlement délégué 231/2013). Cette jurisprudence récente de l’AMF ne fait donc que rappeler que cette obligation pèse des deux côtés de la chaîne de distribution et non pas uniquement du côté des intermédiaires distributeurs.

Dans ce cadre, nous ne saurions que trop recommander aux distributeurs et aux producteurs de produits financiers de tenir compte des éléments rappelés ci-dessus en vue de mettre à jour, le cas échéant, leurs dispositifs et procédures internes ainsi que leurs conventions de distribution.

  • Thibault Jézéquel

    Thibault Jézéquel, Avocat Associé, exerce son activité au sein de l’équipe de droit des affaires du cabinet. Il est spécialiste…