Le Parlement adopte une loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 !

Le projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 a été adopté définitivement le 22 mars par l’Assemblée nationale et le Sénat, à l’issue d’un accord trouvé en commission mixte paritaire. Les mesures qui nous intéressent tout particulièrement (mesures d’urgence économique) n’ont été que peu modifiées.

L’état d’urgence sanitaire

Pour mémoire, ce texte comprend des mesures sur l’état d’urgence sanitaire, des mesures d’urgence et d’adaptation économique et des dispositions électorales.

L’état d’urgence sanitaire (nouveau chapitre introduit dans le Code de la santé) a été voté le 22 mars et est entré en vigueur, pour une durée d’application de 2 mois, sa reconduction supposant l’adoption d’une loi.

Cet état d’urgence sanitaire confère à l’exécutif des pouvoirs exorbitants du droit commun. Il autorise notamment le Gouvernement à procéder, le cas échéant, à toute réquisition de biens et services (l’indemnisation étant alors régie par le Code de la défense), à adopter des mesures de contrôle des prix et à limiter la liberté d’entreprendre, ces mesures devant être proportionnées.

Les mesures pouvant être prises par ordonnance

Les mesures d’urgence et d’adaptation économique, regroupées pour l’essentiel à l’article 7 (nouvelle numérotation à venir), permettent au Gouvernement de prendre par ordonnance (donc adoption beaucoup plus rapide), dans un délai de 3 mois à compter de la publication de la loi, toute mesure pouvant entrer en vigueur rétroactivement au 12 mars 2020 et relevant normalement du domaine de la loi.

Sont listées un grand nombre de mesures et notamment :

  • Toute mesure d’aide directe ou indirecte aux entreprises dont la viabilité est mise en cause, notamment par la mise en place de mesures de soutien à la trésorerie de ces entreprises ainsi que d’un fonds dont le financement sera partagé avec les régions 
  • Un certain nombre de mesures en matière de droit du travail permettant de :
    • renforcer et étendre le recours au chômage partiel ; il a été précisé, à l’issue des débats, que cette mesure était susceptible de concerner toutes les entreprises, quelle que soit leur taille,
    • de permettre à un accord d’entreprise ou de branche d’autoriser l’employeur à imposer ou à modifier les dates de prise d’une partie des congés payés dans la limite de 6 jours ouvrables, en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités de prise de ces congés
    • permettre à tout employeur d’imposer ou modifier unilatéralement des jours de réduction du temps de travail et des jours de repos affectés sur le compte épargne-temps du salarié
    • déroger aux règles du Code du travail et aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical pour les entreprises relevant d’un secteur particulièrement nécessaire à la sécurité ou à la continuité économique et sociale
    • modifier les modalités d’information et de consultation des instances représentatives du personnel (notamment le CSE) et suspension des processus en cours d’élection de ces comités
  • Adapter le droit de la concurrence et le fonctionnement des organisations et associations d’organisations de producteurs (ce qui n’était pas prévu par le projet initial) 
  • Des mesures visant à modifier le droit des procédures collectives et des entreprises en difficulté afin de prendre en compte les effets de la crise sanitaire sur les entreprises et les exploitations 
  • Des mesures portant sur l’aménagement des obligations réciproques des entreprises privées vis-à-vis de leurs clients et fournisseurs, notamment en termes de délais de paiement et de pénalités, en particulier en matière de contrat de voyage et de séjours dits à forfait 
  • Des mesures propres à la commande publique et aux contrats publics visant à adapter les règles de délais de paiement, d’exécution et de résiliation, et notamment celles relatives aux pénalités contractuelles 
  • Des mesures permettant de reporter ou d’étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux commerciaux et professionnels, de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d’être appliquées en cas de non-paiement de ces factures, au bénéfice des seules microentreprises, au sens du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie (nb : le texte originel prévoyait de faire bénéficier de cette mesure les « très petites entreprises ») 
  • Des mesures adaptant les délais applicables au dépôt et au traitement des déclarations et demandes présentées aux autorités administratives, les délais et les modalités de consultation du public ou de toute instance ou autorité, préalables à la prise d’une décision par une autorité administrative, et, le cas échéant, les délais dans lesquels cette décision peut ou doit être prise ou peut naitre ainsi que les délais de réalisation par toute personne de contrôles, travaux et prescriptions de toute nature imposées par les lois et règlements, à moins que ceux-ci ne résultent d’une décision de justice 
  • Des mesures adaptant, interrompant, suspendant ou reportant le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, cessation d’une mesure ou déchéance d’un droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation, cessation d’une mesure, à l’exception des mesures privatives de liberté et des sanctions. En séance, Nicole Belloubet a confirmé la suspension des délais de recours des justiciables
  • Des mesures adaptant les règles relatives à la compétence territoriale et aux formations de jugement des juridictions de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire, ainsi que les règles relatives aux délais de procédure et de jugement, à la publicité des audiences et à leur tenue, au recours à la visioconférence devant ces juridictions et aux modalités de saisine de la juridiction et d’organisation du contradictoire devant les juridictions autres que pénales 
  • Des mesures relatives au déroulement des gardes à vue 
  • Des mesures simplifiant et adaptant les conditions dans lesquelles les assemblées et les organes dirigeants collégiaux des personnes morales de droit privé se réunissent et délibèrent, ainsi que du droit des sociétés relatif à la tenue des assemblées générales 
  • Des mesures simplifiant, précisant et adaptant les règles relatives à l’établissement, l’arrêté, l’audit, la revue, l’approbation et la publication des comptes et des autres documents que les personnes morales de droit privé sont tenues de déposer ou de publier, notamment celles relatives aux délais, ainsi que d’adapter les règles relatives à l’affectation des bénéfices et au paiement des dividendes 
  • Des mesures relatives au fonctionnement de la BPI 
  • Des mesures aménageant les règles de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, s’agissant notamment de leurs assemblées délibérantes et de leurs exécutifs – notamment s’agissant des dates limites d’adoption des délibérations relatives au taux, au tarif ou à l’assiette des impôts directs locaux ou à l’institution de redevances

Un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de 2 mois à compter de la publication de chaque ordonnance.

On rappellera qu’une habilitation est une possibilité offerte à l’exécutif de légiférer dans un domaine déterminé et selon une finalité précisée, mais que le Gouvernement, au sein de ce champ d’action décide de l’étendue des textes qu’il adopte : seule les ordonnances permettront de préciser le nouveau droit dérogatoire.

En revanche, les projets d’ordonnance pris sur le fondement du présent article sont dispensés de toute consultation obligatoire prévue par une disposition législative ou réglementaire.

Plus de 20 ordonnances devraient être prises sur la base de ce texte dans les jours à venir.

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Malik Douaoui

Malik Douaoui, Avocat Associé, possède une expérience de plus de 20 ans en droit social. Il conseille ses clients dans la gestion des relations individuelles et collectives de travail ainsi […]

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Arnaud Raynouard

Professeur des Universités à l’Université Paris-Dauphine, Arnaud Raynouard anime le Comité Scientifique Juridique du cabinet Deloitte Société d’Avocats. Agrégé en droit privé et sciences criminelles, et diplômé en gestion, Arnaud […]

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Myriam Mouloudj

Myriam, Avocate, possède une expérience de près de 15 ans en fiscalité. Arrivée chez Deloitte Société d’Avocats en 2006, elle réintègre le cabinet en 2019 pour rejoindre le Comité Scientifique […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.