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Le régime de la revente à perte : nouveautés et rappels en 2025

L’année 2025 a été une année riche en ce qui concerne le régime d’interdiction de la revente à perte. À l’approche de la fin de l’année, nous vous proposons de revenir sur les deux principales évolutions qui ont marqué cette réglementation en 2025.

Le régime de l’interdiction de la revente à perte

Le régime de la revente à perte est prévu à l’article L. 442-5 du code de commerce qui interdit à tout commerçant « de revendre ou d’annoncer la revente d’un produit en l’état à un prix inférieur à son prix d’achat effectif ».

Cette interdiction ne concerne que la revente de produits en l’état. Ainsi, la prohibition ne s’applique pas aux produits vendus par leurs fabricants, ni aux produits ayant fait l’objet d’une transformation. Il est toutefois indifférent que la revente soit effectuée à une clientèle de professionnels ou à des consommateurs.

L’appréciation de la revente à perte s’effectue en référence à un seuil correspondant au prix d’achat effectif du produit par le revendeur (le « seuil de revente à perte » ou « SRP »). Ce prix s’entend comme le prix unitaire net mentionné sur la facture d’achat, diminué des autres avantages financiers accordés par le vendeur.

Toutefois l’article L. 442-5 du code de commerce prévoit des exemptions à l’interdiction en cas :

  • de « ventes volontaires ou forcées motivées par la cessation ou le changement d’une activité commerciale » ;
  • de produits présentant « un caractère saisonnier marqué », que ce soit à la fin de la saison ou entre deux saisons ;
  • de produits démodés ou dépassés en raison de « l’apparition de perfectionnements techniques » ;
  • de produits identiques lors de réapprovisionnement à la baisse, « le prix d’achat étant alors remplacé par le prix résultant de la nouvelle facture d’achat » ;
  • d’alignement sur le prix légalement pratiqué pour les mêmes produits par un autre commerçant de la même zone d’activité, limité aux seuls « produits alimentaires commercialisés dans un magasin d’une surface de vente de moins de 300 m² et aux produits non alimentaires commercialisés dans un magasin d’une surface de vente de moins de 1 000 m² » ;
  • de « produits périssables à partir du moment où ils sont menacés d’altération rapide » sous la condition d’absence de publicité ou d’annonce à l’extérieur du point de vente ; et

Evolutions législatives et pratiques du régime de la revente à perte en 2025

L’année 2025 a été marquée par deux évolutions relatives au régime de l’interdiction de la revente à perte.

Loi Travert : renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire

La loi n° 2025-337 du 14 avril 2025, dite Loi « Travert », apporte quelques aménagements au régime de la revente à perte :

  • Prolongation du SRP+10 jusqu’en 2028 : l’expérimentation du seuil de revente à perte majoré de 10 %, applicable aux produits alimentaires et à ceux destinés à l’alimentation des animaux de compagnie, est reconduite pour une durée supplémentaire de trois ans, jusqu’au 15 avril 2028. Mis en place initialement par la loi EGalim en 2018, ce dispositif a déjà fait l’objet de deux prolongations en 2020 et 2023. Il vise à réduire la pression sur les marges des producteurs et des transformateurs, contribuant ainsi à une plus grande stabilité économique des filières agricoles.

    Pour mémoire, dans le but de soutenir les commerces de détail face à la grande distribution, l’article L. 442-5 du code de commerce prévoit également un abaissement de 10 % du prix d’achat effectif pour « le grossiste qui distribue des produits ou services exclusivement à des professionnels qui lui sont indépendants et qui exercent une activité de revendeur au détail, de transformateur ou de prestataire de services final ».
  • Extension de l’interdiction de la revente à perte aux marques de distributeur : l’interdiction de la revente à perte, prévue à l’article L. 442-5 du code de commerce, s’applique, désormais, également aux produits vendus sous marque de distributeur acquis dans le cadre de la convention annuelle conclue conformément à l’article 
    L. 441-7 du code de commerce.

    Cela met fin à l’incertitude qui avait été formulée sur l’inclusion des produits vendus sous marque de distributeur dans le régime de l’interdiction de la revente à perte (certains auteurs considéraient le régime non applicable dans la mesure où l’acquisition des produits pouvait être réalisée via la conclusion d’un contrat d’entreprise).
  • Encadrement renforcé de l’évaluation du SRP+10 : le dispositif actuel impose à chaque distributeur de produits de grande consommation d’envoyer, avant le 1er septembre de chaque année, un document aux ministres de l’Économie et de l’Agriculture. Ce document doit préciser la part du chiffre d’affaires supplémentaire générée par le SRP+10, ainsi que son impact sur les prix d’achat des produits alimentaires et agricoles auprès des fournisseurs.

    Désormais, le distributeur est également tenu de répondre, dans un délai de quinze jours, à toute demande de précisions formulée par les ministres concernant ce document.

    À défaut de transmission du document ou de réponse à une demande de précisions, le distributeur s’expose à une amende administrative pouvant atteindre 0,4 % de son chiffre d’affaires annuel, hors taxes, réalisé en France lors du dernier exercice clos. Cette amende pourra doublée en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans suivant une première décision définitive.
  • Renforcement des sanctions applicables : l’amende forfaitaire de 75 000 €, prévue en cas de non-respect de l’interdiction de la revente à perte, est désormais remplacée par une sanction pouvant atteindre 0,4 % du chiffre d’affaires annuel, hors taxes, réalisé en France au cours du dernier exercice clos par le contrevenant.

Application du SRP+10 dans les réseaux de distribution

La Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) a rendu un avis (Avis n° 25-3 du 15 mai 2025) portant notamment sur la détermination du seuil de revente à perte applicable aux produits alimentaires revendus en l’état par une centrale d’achats à des supermarchés indépendants.

La CEPC était saisie par une société franchisée dans le secteur alimentaire dans une hypothèse où la centrale d’achat intervenait dans le réseau de distribution, non en tant que mandataire des supermarchés franchisés, mais comme fournisseur de ceux-ci.

La commission rappelle que le rehaussement du seuil de revente à perte de 10 % pour les denrées alimentaires et les produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie a été prolongé jusqu’au 15 avril 2028.

Comme l’a rappelé la commission (Avis n° 21-1 du 2 avril 2021), ce dispositif expérimental ne s’applique qu’aux seules reventes de produits en l’état au consommateur et non pas aux professionnels.

Ainsi, une centrale d’achat n’a pas à appliquer le coefficient supplémentaire de 10 % lorsqu’elle revend des denrées alimentaires ou des produits pour animaux de compagnie à des supermarchés indépendants.

Ce seuil devra toutefois être respecté lors de la revente du produit en l’état au consommateur final. La CEPC délimite donc ainsi avec précision le champ d’application de la dérogation à l’interdiction de la revente à perte de l’article L. 442-5, I, 3e alinéa lors de reventes à des professionnels indépendants.

Le régime de la revente à perte demeure donc complexe mais bénéficie en 2025 de clarifications essentielles, invitant les acteurs à une vigilance accrue dans un environnement en constante évolution.

  • Benjamin Balensi

    Benjamin Balensi, Avocat Associé, exerce son activité au sein de l’équipe droit des affaires. Il conseille les sociétés françaises et…

  • Jean Dallemagne

    Jean a rejoint Deloitte Société d’avocats en 2022 et travaille en tant qu’avocat dans le département Droit commercial. Il conseille…