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L’imputation d’une moins-value sur une plus-value dépend de l’identité de nature, professionnelle ou personnelle, des opérations

Le Conseil d’État confirme la validité des commentaires administratifs qui rappellent qu’une moins-value de cession relevant du régime des plus-values des particuliers ne peut pas être imputée sur une plus-value de nature professionnelle placée en report. Ce traitement différencié selon la nature de l’opération prévu par la loi (CGI, art. 150-0 D) est justifié et ne porte pas atteinte au droit de l’UE.

Rappel

Une personne physique qui réalise une plus-value lors de l’apport d’une entreprise individuelle à une société soumise à un régime réel d’imposition voit celle-ci placée en report d’imposition. Elle ne devient exigible qu’au moment où les droits sociaux reçus en rémunération de l’apport sont cédés, rachetés ou annulés, ou bien lorsque la société cède les immobilisations apportées antérieurement à ces opérations (CGI, art. 151 octies).

Une réponse ministérielle du 5 juillet 2011, publiée au BOFiP le 22 juin 2022 (BOI-BIC-PVMV-40-20-30-20 n° 90), est venue compléter la lecture de l’article 151 octies en distinguant deux situations :

  • Lorsque l’apport est réalisé au profit d’une société de personnes soumise à l’impôt sur le revenu, la plus-value placée en report et devenue imposable lors de la cession des titres peut être compensée par la moins-value constatée lors de cette cession, dès lors que les deux opérations relèvent du même régime des plus-values professionnelles.
  • En revanche, lorsque l’apport est effectué à une société soumise à l’impôt sur les sociétés, la plus-value placée en report et imposée lors de la cession des titres ne peut être compensée par la moins-value issue de la cession précitée. En effet, les deux opérations relèvent de régimes fiscaux différents : la première relève du régime des plus-values professionnelles et la seconde du régime des plus-values des particuliers.

La décision du Conseil d’État

Le Conseil d’État était saisi afin de faire annuler pour excès de pouvoir une décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur sa demande tendant au retrait de certains commentaires figurant au paragraphe n°90 du BOFiP sous la référence BOI-BIC-PVMV-40-20-30-20.

Le Conseil d’État juge que les commentaires administratifs contestés ne méconnaissent pas les dispositions du point 11 de l’article 150-0 D du CGI portant sur le sort des moins-values dès lors qu’ils ne font qu’exposer la loi.

Selon cet article, les moins-values constatées au cours d’une année peuvent être imputées sur les plus-values de même nature réalisées la même année. Dès lors :

  • Si le solde est positif, les plus-values restantes peuvent être réduites des moins-values de même nature subies au cours des dix années précédentes ;
  • Si le solde est négatif, les moins-values non imputées peuvent être reportées sur les années suivantes, dans la limite de dix ans.

Il en résulte qu’une moins-value relevant du régime des plus-values des particuliers ne peut être imputée sur une plus-value placée en report et relevant des plus-values professionnelles.

Le Conseil d’État juge la différence de traitement fiscal justifiée par la différence de nature des plus-values, laquelle induit des règles d’assiette distinctes. Le motif de discrimination contraire aux dispositions du droit de l’UE (CEDH, art. 14) est écarté.

De même, le CE rejette le motif d’atteinte aux biens pour imposition confiscatoire (Protocole additionnel, art. 1).

  • Béatrice Hingand

    Associée, Béatrice Hingand développe son expertise au sein du Comité scientifique fiscal, renforce l’éminence Deloitte et les liens avec l’administration.…