Modalités d’option pour le carry-back : nouvelles précisions du Conseil d’État

Le Conseil d’État rappelle qu’une société est fondée à demander, par voie de réclamation, le report en arrière d’un déficit sur un résultat devenu bénéficiaire à l’issue d’un contrôle fiscal. En revanche, ne peut être retenue pour la détermination de ce déficit une provision déclarée après le délai de déclaration.

L’histoire

Une SCI, soumise au régime fiscal des sociétés de personnes, détenue à 99 % par une SARL, a comptabilisé, au titre de l’exercice 2012, une provision pour risque en raison d’un litige l’opposant à un de ses fournisseurs.

À l’issue d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2011 à 2013, l’Administration a rejeté la déductibilité de la provision au titre de l’exercice 2012, au motif que la SCI avait tardivement déposé sa déclaration de résultats (application de la jurisprudence CE, 21 avril 1997, n°143016, SARL Sipag et CE, 9 mai 1990, n°68329, Sté Mobb-Meubles Pilotes).

En conséquence :

  • la perte fiscale déclarée par la SCI au titre de l’exercice 2012 a été substantiellement réduite ;
  • symétriquement, le montant de la perte fiscale constatée au titre de l’exercice 2012 par la SARL, correspondant à ses droits dans la SCI a été minoré à hauteur de la réduction de la perte fiscale de la SCI. De ce fait, la SARL, s’est retrouvée bénéficiaire fiscalement au titre de l’exercice 2012.

N’ayant pas obtenu gain de cause quant à la déductibilité de la provision tardive, la SCI et la SARL ont toutes deux déposé, en 2018, des déclarations rectificatives au titre des exercices clos en 2012 et en 2013, en réhaussant le résultat fiscal 2012 à hauteur de la provision dont la déduction avait été remise en cause par l’Administration et en rattachant la déduction de la provision à l’exercice 2013.

La SARL a joint à sa déclaration rectificative une demande de carry-back du nouveau déficit ainsi mis en évidence au titre de l’exercice 2013 sur ses résultats rectifiés de 2012.

L’Administration a considéré que ces déclarations rectificatives devaient être regardées comme des réclamations contentieuses, et les a rejetées.

Les deux sociétés ont alors contesté ce rejet devant les juridictions.

La décision du Conseil d’État

Le Conseil d’État raisonne en deux temps.

Sur la demande de majoration de la perte fiscale de l’exercice clos en 2013

Il juge d’abord que si les dispositions de l’article L. 190 du LPF, relatives aux réclamations contentieuses, permettent au contribuable de demander, par voie de réclamation, la rectification d’une erreur commise par l’Administration, elles ne lui permettent pas de demander, postérieurement à la date limite fixée pour le dépôt de sa déclaration de résultats, la rectification d’une erreur qu’il aurait lui-même commise dans le montant de la perte fiscale qu’il a déclarée.

Sur les conditions d’option pour le carry-back

Le Conseil d’État juge de longue date que la déclaration d’option pour le report en arrière des déficits vaut réclamation au sens de l’article L.190 du LPF (CE, 30 juin 1997, n°178742).

Il a également précisé que si un contrôle fiscal fait apparaître ou rehausse un bénéfice fiscal sur lequel aurait pu être imputé un déficit dans le cadre du mécanisme du carry-back, la société peut, dans le cadre d’une réclamation contentieuse, opter pour le report en arrière de ce déficit (CE, 19 décembre 2007, n°285588, Sté Vérimédia).

Notons que si ces solutions ont été rendues sous l’empire de l’article 220 quinquies du CGI dans sa rédaction antérieure à la LFR 2011 (qui est venue restreindre les modalités d’exercice du carry-back), l’Administration les a faites siennes, pour l’application de la loi nouvelle (BOI-IS-DEF-20-10, 2 février 2022, n°50 et suivants).

Le Conseil d’État vient décliner ces solutions au cas d’espèce, en jugeant que la société était, en principe bien recevable, eu égard au délai de réclamation ouvert par la notification de l’AMR en 2016, à demander, en 2018, par voie de réclamation, l’imputation de son déficit 2013 sur son résultat bénéficiaire 2012, tel que rectifié par l’Administration.

On soulignera, à cet égard, que c’est la 1re fois que le Conseil d’Etat fait application des jurisprudences précitées au régime post-LFR 2011.

Toutefois, il refuse une telle imputation au regard des circonstances de l’espèce.

Il relève en effet que, dès lors que la déclaration de résultats de la SCI au titre de 2013 avait également été déposée hors délai, la provision ne pouvait pas plus être déduite des résultats de l’exercice 2013, et ne pouvait donc pas faire apparaître, par ricochet, un résultat déficitaire chez la SARL au titre du même exercice, susceptible d’être reporté en arrière.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.