Opposabilité au contribuable de son option, même lorsqu’elle est irrégulièrement exercée

La CAA de Toulouse juge qu’un contribuable ne peut pas se prévaloir de l’irrégularité formelle d’une option préalablement exercée (au cas d’espèce, l’option en faveur du report d’imposition de la PV constatée lors de la levée d’option d’achat d’un immeuble acquis en crédit-bail et précédemment donné en sous-location, non formulée à tort dans l’acte authentique).

Rappel

L’exercice de l’option d’achat d’un immeuble pris en crédit-bail et précédemment donné en sous-location, par un contribuable personne physique ou par une société de personnes, entraîne un changement de catégorie de ses revenus.

Ainsi, alors qu’ils relevaient auparavant de la catégorie des BNC (activité de sous-location), ils entrent, à compter de l’acquisition de l’immeuble, dans la catégorie des revenus fonciers (activité de location nue).

Cet événement entraîne la constatation d’une plus-value imposable, qui peut, sous certaines conditions, bénéficier d’un report d’imposition (CGI, art. 93 quater IV et BOI-BNC-BASE-30-10, n°350 et 360, 12 septembre 2012).

Le bénéfice de ce report d’imposition est subordonné au respect d’obligations déclaratives bien spécifiques :

  • La demande de report d’imposition doit être formulée par le contribuable (ou s’il s’agit d’une société de personnes, par chacun des associés qui entend en bénéficier) dans l’acte authentique qui constate le transfert de propriété (CGI, art. 93, quater IV, 3) ;
  • Le contribuable doit ensuite, lors du dépôt de sa dernière déclaration BNC, indiquer le montant de la PV dont le report est demandé et joindre à cette déclaration une note annexe, ainsi qu’un extrait ou copie de l’acte authentique comportant la demande de report d’imposition de la PV (CGI, Ann. III, art. 41 novovicies).

L’histoire

Une SCI donnait en sous-location un immeuble qu’elle prenait elle-même en crédit-bail (depuis 2007).

Par acte authentique du 26 septembre 2014, elle a levé l’option d’achat de l’immeuble, prévue dans le contrat de crédit-bail, sans indiquer, dans cet acte authentique, que ses associés entendaient bénéficier du report d’imposition prévu par l’article 93 quater IV,3 du CGI.

Par un acte rectificatif daté du 1er juin 2015, les associés de la SCI ont toutefois sollicité le report de l’imposition de la plus-value née de la levée de l’option d’achat.

En 2017, la SCI a cédé l’immeuble en question.

Un litige s’est alors noué entre l’Administration et l’un des associés de la SCI.

L’Administration entendait faire jouer le report d’imposition et imposer le contribuable à raison de la plus-value au titre de l’année 2017. De son côté, le contribuable analysant l’option pour le report comme irrégulière, à défaut d’avoir été formalisée dans l’acte authentique en septembre 2014, considérait que la plus-value aurait dû être imposée en 2014.

La décision de la CAA de Toulouse

La CAA de Toulouse rappelle d’abord que l’Administration peut opposer au contribuable les conséquences du régime fiscal pour lequel il a opté, sans que celui-ci ne puisse ultérieurement se prévaloir de ce qu’il ne remplissait pas les conditions auxquelles le bénéfice de ce régime est subordonné, ce qui aurait permis à l’Administration de le remettre en cause dès les premiers effets de l’option (CE, 30 juillet 2010, n°317425).

Elle souligne ensuite qu’aucune option en faveur du report d’imposition n’avait, en effet, été portée sur l’acte authentique de septembre 2014.

Cela étant, la Cour considère que l’associé personne physique de la SCI doit être regardé comme ayant manifesté « sans ambiguïté » sa volonté de bénéficier du régime de report d’imposition de la plus-value constatée lors de la levée d’option d’achat de l’immeuble pris en crédit-bail, en se fondant sur les éléments suivants :

  • L’acte notarié rectificatif (2015) par lequel les associés de la SCI ont demandé le bénéfice du report d’imposition de la plus-value litigieuse ;
  • La déclaration 2035 déposée par la SCI en 2015, mentionnant expressément la plus-value en report d’imposition ;
  • La déclaration 2042 déposée par l’associé personne physique de la SCI en 2015, mentionnant expressément la plus-value en report d’imposition ;
  • Le report de la plus-value par l’associé personne physique sur sa déclaration 2042 au titre de l’année 2017, année de cession de l’immeuble.

Aussi, l’associé personne physique de la SCI ne pouvait se prévaloir de l’irrégularité de l’option pour le report d’imposition de la plus-value constatée lors de la levée d’option d’achat de l’immeuble pris en crédit-bail par la SCI, pour échapper à l’imposition de cette plus-value au titre de l’année 2017 (année de cession de l’immeuble).

Soulignons que la Cour prend le soin de rappeler qu’au cas d’espèce, faute d’une mention en faveur de l’option dans l’acte authentique, l’Administration aurait été en droit de refuser au contribuable le bénéfice du report d’imposition (sur l’importance du formalisme pour l’exercice de cette option, voir aussi CAA Toulouse, 9 février 2023, n°20VE02908).

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

Agathe Saint Joanis

Agathe Saint Joanis a intégré Deloitte Société d’Avocats en 2019. Elle y a rejoint l’équipe du Comité Scientifique Fiscal.