Pas d’application du délai de prescription de 6 ans de l’action en recouvrement aux États signataires de la convention multilatérale de l’OCDE concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale

Le TA de Montreuil juge que l’allongement de 2 ans du délai de prescription de l’action en recouvrement prévu à l’article L. 274 du LPF ne s’applique pas pour les États signataires de la convention multilatérale de l’OCDE concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale.

Rappel

Pour mémoire, le délai de prescription de l’action en recouvrement est de 4 ans à compter de la mise en recouvrement du rôle ou de l’envoi de l’avis de mise en recouvrement (LPF art. L. 274, al. 1).

En d’autres termes et de façon très synthétique, l’Administration dispose d’un délai de 4 ans pour mettre en œuvre le recouvrement forcé, par des actes de poursuite, d’un impôt réclamé par AMR.

Ce délai de 4 ans est toutefois étendu de 2 années supplémentaires (soit un total de 6 années) lorsque l’impôt à recouvrer est dû par un redevable établi dans un État non membre de l’Union européenne, avec lequel la France ne dispose d’aucun instrument juridique relatif à l’assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures (LPF, art. L. 274, al. 2).

En tout état de cause, il appartient au redevable qui entend se prévaloir de la prescription de l’action en recouvrement, de l’invoquer dans un délai de 2 mois à partir de la notification du 1er acte de poursuite permettant de s’en prévaloir (LPF, art. R. 281-3-1).

L’histoire

Des cotisations d’IR au titre des années 2010 et 2011 ont été mises en recouvrement respectivement les 31 décembre 2013 et 30 avril 2013. Le contribuable s’est éteint le 2 juin 2014, sans s’en être acquitté.

Deux mises en demeure portant sur ces impositions ont été adressées à son héritier :

  • La 1re, le 12 mai 2016, à une adresse située en France ;
  • La 2nde, le 15 mars 2021, à une adresse située au Brésil (l’héritier s’y étant entretemps établi).

Devant le TA de Montreuil, l’héritier contestait l’irrégularité de la notification de la 1re mise en demeure et la tardivité de la 2nde.

La décision du TA de Montreuil

Le TA de Montreuil juge d’abord que la 1re mise en demeure avait correctement été notifiée au redevable, qui en avait d’ailleurs accusé réception, de sorte que le délai en prescription de l’action en recouvrement avait été interrompu et avait recommencé à courir à compter du 12 mai 2016.

En revanche, la 2nde mise en demeure avait effectivement été adressée plus de 4 ans mais moins de 6 ans à compter de cette date.

La question se posait donc de savoir si l’Administration était en mesure de se prévaloir du délai allongé de 6 ans prévu par le 2nd alinéa de l’article L. 274 du LPF. Elle arguait, à cet égard, que le Brésil n’avait pas conclu avec la France de convention d’assistance administrative en matière de recouvrement.

Le TA de Montreuil écarte l’argument.

Il rappelle d’abord qu’il appartient au juge de l’impôt, lorsqu’il est saisi d’une contestation relative au recouvrement d’une créance fiscale auprès d’un débiteur qui ne réside pas habituellement en France, ni dans un autre État membre de l’UE, de déterminer si un instrument juridique relatif à l’assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle de la directive 2010/24/UE est applicable à l’intéressé (voir aussi CE, 26 janvier 2021, n°429381, Tribel).

Or, il s’avère que le Brésil applique, depuis le 1er octobre 2016, la convention multilatérale de l’OCDE concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale, dont le TA de Montreuil juge qu’elle présente bien une portée similaire à celle de la directive 2010/24/UE (confirmation de la thèse avancée par le rapporteur public dans ses conclusions sous la décision Tribel susmentionnée).

Aussi, le délai de prescription de l’action en recouvrement n’était en l’espèce que de 4 ans.

Cela étant, le Tribunal rejette la requête du contribuable, faute pour lui de n’avoir pas soulevé le point de la prescription dans les 2 mois de la réception de la deuxième mise en demeure – il avait en effet attendu de se voir adresser l’avis à tiers détenteur pour contester.

Voir TA Montreuil, 12 juillet 2022, n°2113524

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.