Le Conseil d’État apporte des précisions sur la notion de compte bancaire « utilisé » pour l’application de l’obligation déclarative prévue à l’article 1649, A, al. 2 (dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2019).
Rappel
Les personnes physiques, les associations, les sociétés n’ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes bancaires ouverts, détenus, utilisés ou clos à l’étranger (CGI, art. 1649 A, al. 2).
Avant le 1er janvier 2019, cette obligation de déclaration ne visait que les comptes actifs (comptes « ouverts, utilisés ou clos »). Depuis cette date, cette obligation a été étendue aux comptes inactifs (comptes « détenus »).
L’Administration a précisé – en ligne avec les dispositions de l’article 344 A de l’annexe III au CGI – que cette obligation déclarative concernait non seulement les contribuables titulaires d’un compte bancaire étranger, mais également ceux qui sont bénéficiaires d’une procuration sur un tel compte (BOI-CF-CPF-30-20, n°10, 8 mars 2017).
Ce défaut de déclaration est notamment sanctionné par l’application d’une amende forfaitaire d’un montant de 1 500 € (pouvant être porté à 10 000 € lorsque le compte est situé dans un État n’ayant pas conclu avec la France une convention d’assistance administrative permettant l’accès aux renseignements bancaires). Surtout, les sommes, titres ou valeurs transférés à l’étranger ou en provenance de l’étranger par l’intermédiaire d’un compte bancaire non déclaré, constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables en France.
Dans ce cadre, le droit de reprise de l’Administration est susceptible de s’exercer jusqu’à la fin de la 10e année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due, en cas de non-respect de l’obligation déclarative.
L’histoire
Un contribuable français s’est vu attribuer des stock-options d’une société américaine – qu’il a fait figurer sur un compte bancaire américain.
Après son décès, sa veuve a demandé, en 2012, la levée et la cession des stock-options. Les versements correspondants ont été effectués sur le compte bancaire américain.
En 2017, considérant que ce compte bancaire américain n’avait pas été déclaré conformément aux dispositions de l’article 1649, al. 2 du CGI, l’Administration s’est prévalue de la prescription décennale, pour imposer le gain de levée d’option.
La veuve du contribuable a tenté de s’y opposer, en faisant valoir qu’elle n’était ni titulaire du compte bancaire américain (qui appartenait à son époux et qu’elle a recueilli dans le cadre de la succession), ni bénéficiaire d’une procuration, ni utilisatrice de ce compte.
La décision du Conseil d’État
Se référant aux travaux parlementaires de la LF 1990 ayant instauré l’obligation de déclaration des comptes bancaires étrangers, le Conseil d’État rappelle d’abord que cette mesure avait été mise en place afin d’instaurer une procédure de déclaration de mouvements de fonds sur de tels comptes afin de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, s’agissant de contribuables qui ne sont pas astreints à la tenue d’une comptabilité et d’opérations bancaires pour lesquelles l’Administration ne peut pas se faire communiquer les relevés en exerçant le droit de communication qui lui est ouvert par l’article L. 83 du LPF.
Il rappelle ensuite qu’un compte bancaire ne peut être regardé comme ayant été utilisé par un contribuable pour une année donnée que si ce dernier a, au cours de cette année, effectué au moins une opération de crédit ou de débit sur ce compte.
Au cas d’espèce toutefois, il relève que la veuve du contribuable avait eu connaissance, avant la fin de l’année 2012, de l’existence du compte bancaire, et que c’est elle qui avait donné l’ordre à la société américaine de procéder à la levée et à la cession des stock-options, dont les sommes ont été versées sur le compte bancaire litigieux.
Le Conseil d’État en conclut qu’elle doit être regardée comme ayant « utilisé » ce compte bancaire, même si elle n’en était pas la titulaire, et qu’elle n’avait pas agi par procuration, de sorte qu’elle était bien soumise à l’obligation déclarative de l’article 1649 A.
Rappelons qu’en revanche, le Conseil d’État a jugé par le passé que ni le crédit sur le compte des intérêts produits par les sommes déjà déposées au titre des années précédentes, ni le débit relatif aux frais de gestion pour la tenue du compte, ne peuvent être assimilés à une « utilisation » d’un compte bancaire étranger (CE, 4 mars 2019, n°410492).
En dépit des modifications introduites en 2019 (obligation de déclaration étendue aux comptes inactifs), la solution ainsi retenue nous semble conserver son intérêt, eu égard notamment à l’application de la prescription décennale.