Comme cela avait été envisagé dans le rapport sur l’Action 13 du BEPS, l’OCDE a lancé, le 6 février dernier, une consultation publique en vue d’un réexamen du dispositif de déclaration pays par pays (CbCR). Les mesures proposées visent à étendre le champ du dispositif. Les propositions définitives sont attendues pour la fin 2020.
Pourquoi et comment réformer le CBCR ?
Pour mémoire, l’OCDE, dans le cadre de l’action 13 de son plan BEPS, encadre depuis 2015 la pratique des transactions mondiales intragroupes au moyen de trois niveaux d’obligations documentaires. Ainsi, chaque groupe concerné doit produire un fichier principal qui recense des informations générales, un fichier local propre aux aspects transactionnels des prix de transfert de chaque pays d’activité et une déclaration annuelle pays par pays qui regroupe des informations comptables juridiques et financières, le CbCR. Au sein de ce triptyque, seul le CbCR est couvert par le standard minimum de l’Action 13 de BEPS que tous les membres du Cadre Inclusif se sont engagés à mettre en œuvre. Ce projet de réexamen était donc très attendu.
Si ce réexamen ne fait à ce jour l’objet que d’un projet – une consultation publique est d’ailleurs ouverte jusqu’au 6 mars 2020 et donnera lieu à une réunion publique le 17 mars – ce dernier permet néanmoins de dégager les tendances envisagées. Il ressort clairement de ce projet que la démarche de l’OCDE ambitionne aujourd’hui d’étendre substantiellement le champ de l’obligation documentaire tout en essayant de limiter les charges supplémentaires supportées par les groupes. Le contenu des mesures envisagées laisse toutefois présager une importante croissance des contraintes pesant sur les groupes. Compte tenu de l’élargissement de la notion de groupe soumis à la production d’un CbCR et de l’abaissement des seuils de cette obligation, un plus grand nombre d’entreprises seront concernées.
Préciser et élargir la notion de « groupe » soumise à l’établissement du CbCR
En l’état actuel du standard minimum, les entreprises indépendantes exerçant leur activité via des établissements stables situés à l’étranger échappent à l’obligation d’établir un CbCR qui ne vise que les entreprises liées « en vertu de la structure de propriété ou de contrôle ». À ce titre, l’OCDE envisage de redéfinir la notion de groupe afin d’y intégrer certaines entités.
Par ailleurs, l’OCDE ambitionne d’appliquer la notion de contrôle commun aux fins de consolider les participations détenues par un actionnaire, personne physique ou sans personnalité morale par exemple, bien que légalement ces participations ne sont pas tenues d’établir des états financiers consolidés. Une telle mesure impliquerait pour les groupes d’obtenir une parfaite information de l’étendue des participations de cet actionnaire commun, ce qui ne serait pas sans difficultés pratiques.
Vers un abaissement du seuil de déclenchement de CbCR
Actuellement, le seuil adopté de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires permet d’exonérer de l’obligation déclarative entre 85% et 90% des entreprises multinationales tout en capturant les groupes internationaux les plus importants, réalisant une part significative du chiffre d’affaires global des multinationales. Dans la continuité de la volonté affichée en 2015, ce seuil pourrait être revu à la baisse même si l’impact de cette mesure sur l’efficacité du dispositif n’est pas évident. En outre, cette mesure imposerait une charge importante pour les groupes de taille moyenne.
D’autres propositions visent à clarifier la définition des éléments à inclure dans la notion de chiffre d’affaires consolidé ou l’appréciation du seuil dans le cas où il est exprimé dans une autre monnaie que l’euro, en envisageant une actualisation périodique. Il convient également d’apprécier le seuil de chiffre d’affaire sur plusieurs exercices afin d’éviter d’y soumettre des groupes de taille plus modeste qui verraient leur niveau de chiffre d’affaires dépasser occasionnellement le seuil de déclenchement retenu.
Quel contenu pour le CbCR enrichi ?
Les trois tableaux qui composent actuellement le CbCR devraient connaître de nombreuses évolutions.
En ce qui concerne les évolutions envisagées au titre du Tableau 1, celle qui concerne la nouvelle présentation par entité en lieu et place de l’actuelle présentation par juridiction fiscale est un changement important à souligner puisqu’il nécessitera une approche plus détaillée qu’aujourd’hui. Par ailleurs, le projet envisage d’ajouter aux dix agrégats existants les agrégats suivants :
- produits d’intérêts intra-groupe
- produits de redevances intra-groupe
- produits au titre de prestations de services entre parties liées
- charges d’intérêts intra-groupe
- charges de redevances intra-groupe
- charges au titre de prestations de services entre parties liées
- montant total des charges ou dépenses entre parties liées
- frais de recherche et développement (R&D)
- impôts différés
L’apparition d’un code normalisé des activités au sein du Tableau 2 est également proposé. Ce code permettrait aux administrations une meilleure comparaison des activités entre les différentes juridictions mais demanderait, là encore, une charge supplémentaire aux groupes pour réconcilier la norme de classement qu’ils utilisent avec ce code normalisé.
Enfin, le tableau 3 risque de connaître une substantielle refonte avec l’apparition de champs prédéterminés précis qui viendraient remplacer l’actuel encadré libre. Chaque groupe se verrait alors astreint à fournir des informations supplémentaires telles que la nature des normes comptables appliquées, ou encore la survenance d’opérations de fusions ou d’opérations assimilées à des fusions.
Ainsi, l’ensemble des propositions envisagées par l’OCDE dans le cadre de ce réexamen du CbCR vont vers un élargissement de champ de celui-ci, tant en ce qui concerne les groupes impactés que les informations à fournir. Il sera donc important d’évaluer pour chaque mesure le bénéfice apporté sur l’efficacité du dispositif par rapport à la complexité et à la charge de travail additionnelle qui va être demandée aux groupes.