Le C3IV, dévoilement d’un nouvel outil fiscal au service de la transition écologique

Le projet de loi de finances pour 2024 introduit le nouveau crédit d’impôt « Investissement industries vertes » (C3IV). Dans le prolongement du projet de loi relatif à l’industrie verte, ce dispositif soutiendrait les investissements dans les capacités de production de 5 filières du domaine de l’énergie « verte » nécessaires à la transition écologique pour accroître la souveraineté de la France en la matière. On note, toutefois, que l’hydrogène « vert » a été écarté du champ du C3IV étant financé par d’autres dispositifs par voie de subventions (mise à jour du plan hydrogène attendue pour octobre).

Un crédit d’impôt pour le développement des secteurs stratégiques de l’économie décarbonée

Un dispositif ouvert aux entreprises industrielles et commerciales pour une exploitation pérenne de nouveaux investissements

Les entreprises industrielles et commerciales imposées d’après leurs bénéfices réels ou exonérées (en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 octies A, 44 duodecies, 44 terdecies à 44 septdecies du code général des impôts) seraient éligibles au C3IV. Les entreprises en difficultés seraient en revanche exclues du bénéfice de ce dispositif.

Elles devraient par ailleurs satisfaire aux conditions cumulatives suivantes :

  • S’engager à respecter leurs obligations fiscales et sociales et l’obligation de dépôt de leurs comptes annuels afférents à chacun des exercices au titre duquel le C3IV serait imputé ;
  • Exploiter les investissements éligibles au C3IV dans le cadre d’une activité ayant obtenu les autorisations requises par la législation environnementale, et se conformer à cette législation ;
  • S’engager à exploiter les investissements éligibles au C3IV pendant 5 ans au moins à compter de la date de leur mise en service. Cette durée serait réduite à 3 ans pour les PME ;
  • S’engager à ne pas transférer, dans les 2 exercices suivant celui de mise en service des investissements bénéficiant du C3IV, leur activité hors du territoire national ;
  • Ne pas avoir transféré en France d’activités identiques ou similaires à celles éligibles au C3IV, en provenance d’un Etat membre de l’UE ou d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen. Cette condition concernerait les 2 exercices précédant celui du dépôt de la demande d’agrément exposée ci-dessous. 

Des activités éligibles limitativement énumérées

Le C3IV soutiendrait les investissements en France dans les activités contribuant à la production :

  • de batteries

Seraient éligibles à la fois la fabrication des cellules et modules de batteries et celle de leurs composants (utilisés comme intrants directs). Il en irait de même des activités d’extraction, de raffinage, de production et de transformation de graphite, de matériaux actifs d’électrode, de matériaux avancés et de métaux critiques entrant dans la fabrication des équipements précités. Enfin, la valorisation des matières premières critiques nécessaires à la production des équipements et des composants d’équipements entrerait également dans le champ d’application du crédit d’impôt. 

  • de panneaux photovoltaïques 

Seraient éligibles la fabrication des cellules photovoltaïques ou hybrides, les fabricants des composants (utilisés principalement comme intrants), l’extraction, la production et la transformation des éléments composant les panneaux photovoltaïques et la valorisation des équipements et composants utilisés dans le processus de fabrication. 

  • d’éoliennes 

Seraient éligibles la fabrication des éléments (mâts, pâles, nacelles, fondations posées ou flottantes, sous-stations électriques, câbles électriques), la fabrication des composants essentiels (conçus et utilisés principalement comme intrants), l’extraction, la production et la transformation des matériaux (fibres de verre, carbone ou matériaux critiques) et la valorisation des matières premières. 

  • de pompes à chaleur

Seraient éligibles la fabrication des pompes ou chauffe-eaux thermodynamiques, la fabrications des composants essentiels (conçus et utilisés comme intrants), l’extraction, la production et la fabrication des matériaux critiques et la valorisation des matières premières.

Un dispositif soumis à une demande d’agrément préalable

Le bénéfice du C3IV serait soumis à un agrément préalable de l’Administration.

La demande d’agrément devrait être réalisée auprès de la DGFiP avant tout investissement et ferait l’objet d’une instruction conjointe avec l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME). Elle devrait par exemple être réalisée avant toute date d’ouverture de chantier en cas de construction immobilière.

Cette demande comprendrait la présentation d’un plan d’investissement justifiant du respect des conditions mentionnées ci-dessus, de la réalisation d’investissements dans le cadre d’une activité éligible, et de son caractère économiquement viable.

L’agrément serait alors délivré lorsque ces conditions cumulatives seraient remplies. Il fixerait le montant des dépenses éligibles, ainsi que le taux de crédit d’impôt applicable.

En termes de délai, l’Etat s’engagerait à rendre sa décision dans les 3 mois à compter de la date de dépôt d’une demande d’agrément complète.

Un soutien significatif de l’Etat au travers de ce nouveau dispositif

Un soutien pour l’investissement d’actifs corporels et incorporels

L’assiette du crédit d’impôt serait constituée des dépenses, autres que de remplacement, exposées en vue de la production ou de l’acquisition des actifs corporels et incorporels suivants :

  • les bâtiments, installations, équipements, machines, et terrains, à condition qu’ils n’aient pas été acquis auprès d’une entreprise liée ;
  • les droits de brevet, licences, savoir-faire, ou autres droits de propriété intellectuelle seraient également pris en compte. Pour cela, ils devraient être inscrits au bilan de l’entreprise bénéficiaire, être principalement exploités dans l’installation de production pour laquelle l’entreprise bénéficie du crédit d’impôt, être amortissables et ne pas avoir été acquis auprès d’une entreprise liée.

L’assiette du crédit d’impôt serait constituée du prix de revient majoré des taxes et frais de toute nature, à l’exception des frais directement engagés pour la mise en état d’utilisation du bien et minoré des aides publiques reçues à raison de ces dépenses.

Des taux et plafonds d’aide significatifs

Le C3IV permettrait un soutien dont l’intensité et le montant maximum dépendraient des zones dans lesquelles l’investissement serait réalisé, comme exposé dans le tableau ci-dessous :

 

Si le cumul du C3IV avec d’autres dispositifs qualifiés d’aides d’Etat au sens du droit de l’Union européenne serait autorisé par principe, il devrait notamment être réalisé dans le respect de ces plafonds et règles de cumul. Ces dernières étant complexes, une analyse au cas par cas serait nécessaire.

Un bénéfice fractionné se traduisant par une imputation et/ou un remboursement du C3IV

Le C3IV s’appliquerait par fraction au titre des exercices ou des années au cours desquelles les dépenses du plan d’investissement agréé seraient exposées.

Chaque fraction serait imputée sur le montant d’impôt sur les sociétés (ou d’impôt sur le revenu le cas échéant) au titre de l’année au cours de laquelle ou de l’exercice au cours duquel les dépenses mentionnées dans le plan d’investissement seraient exposées. Dans le cas où le montant de la fraction de crédit d’impôt excèderait l’impôt dû, l’excédent serait restitué, sans qu’un délai soit indiqué à ce stade.

Une mise en œuvre conditionnée par un accord préalable de la Commission européenne

Le C3IV constituerait une aide d’Etat au sens du droit de l’Union européenne et serait soumis à des règles spécifiques afin de ne pas fausser la libre concurrence entre les entreprises des Etats membres.

Pour cette raison, le Gouvernement s’est appuyé sur un encadrement temporaire de crise et de transition (Temporary Crisis and Transition Framework « TCTF ») adopté par la Commission européenne le 9 mars dernier et permettant l’octroi de soutiens significatifs en faveur d’investissements accélérés dans les secteurs stratégiques pour la transition vers une économie à zéro émission nette. Les aides octroyées dans ce cadre l’étant au plus tard le 31 décembre 2025, le C3IV bénéficierait aux plans d’investissement agréés au plus tard à cette date.

Conformément aux obligations prévues par le droit européen des aides d’État, le C3IV fera l’objet d’une notification à la Commission européenne afin de recueillir son autorisation préalable à sa mise en œuvre.

La mesure entrerait en vigueur à une date fixée par décret au plus tard trois mois après le recueil de l’autorisation de la Commission européenne. En outre, il conviendra de suivre les conditions précises et finale d’octroi de ce crédit d’impôt selon les termes de la loi de finances qui sera votée d’ici fin 2023.

Lucille Chabanel

Lucille intervient depuis plus de 14 ans au sein du département Fiscalité des Entreprises. Rattachée à la ligne de services R&D depuis 2006, elle a développé une forte expertise dans […]

Photo de Rémi Barnéoud
Rémi Barnéoud

Rémi cumule plus de 20 ans d’expérience en développement, gestion de projets et conseils stratégiques dans les domaines du logiciel, de l’électronique, de la mécanique et des systèmes de contrôle-commande. […]

Marion Oliviero

Avocate dotée d’une formation en droit fiscal, Marion conseille ses clients en matière de dispositifs de soutien à la R&D, ainsi que de soutien aux projets environnementaux et industriels. Dans […]