Taxe sur les services numériques : l’Administration réduit significativement l’exclusion des transactions intragroupe

En juillet 2019 le Parlement a adopté la loi instaurant une taxe de 3% sur les « services numériques ». Cette taxe s’applique au chiffre d’affaires annuel généré par les services d’intermédiation fournis au moyen d’une interface numérique et les services de publicité ciblée.

Le 30 mars 2020, l’administration fiscale a publié des projets d’instructions relatifs au champ d’application et aux modalités de calcul de la taxe sur les services numériques (ou « TSN »)1. Ces nouvelles instructions, bien qu’elles offrent des clarifications bienvenues et attendues sur cette nouvelle taxe, soulèvent également des conséquences inattendues et remarquables concernant l’inclusion de certaines transactions intragroupe dans le champ de la taxe.

Ces projets d’instructions font l’objet d’une publication pour consultation publique ouverte jusqu’au 23 mai 2020 et sont donc susceptibles d’évoluer dans les semaines à venir.

L’exclusion prévue au titre des transactions intragroupe est amoindrie

En application des dispositions de l’article 299 du Code Général des Impôts, les services numériques, tant d’intermédiation que de publicité ciblée, sont expressément exclus des services taxables lorsqu’ils sont fournis entre entreprises liées2.

Une nouvelle définition des types de services soumis à la taxe, explicitée par les nouvelles instructions, réduit le champ d’application de cette exclusion. La possibilité d’exclure du champ de la taxe les services fournis entre entités liées doit en effet faire l’objet d’une évaluation d’ensemble de ces prestations. Le projet d’instruction précise qu’un même service ne peut être décomposé « artificiellement » et que « la condition d’exclusion est appréciée globalement, sans qu’il ne soit possible de l’appliquer seulement pour une fraction de la clientèle »(BOI-TCA-TSN-10-10-10-20200323 n°80).

Lorsqu’un service taxable est fourni à un ensemble de sociétés (membres d’un même groupe et hors groupe), l’exclusion ne trouvera ainsi pas à s’appliquer, la décomposition entre les services rendus aux membres du groupe et aux clients tiers puisqu’elle serait considérée comme « artificielle » et ne serait donc pas admise.

Une clarification (très inclusive) des services entrant dans le champ d’application de la TSN

Une définition claire, et très inclusive, des services soumis à la taxe est désormais posée par les projets d’instructions. Les textes précisent que cette définition est « spécifique » et « indépendante » et que, à ce titre, elle ne saurait être appréhendée par référence à des impositions ou législations existantes (par exemple par référence aux règles applicables en matière de TVA).

Selon les projets d’instruction, un service taxable est défini comme une « un ensemble de moyens matériels présentant une unité sur le plan fonctionnel mis en œuvre pour assurer des fonctions déterminées» (BOI-TCA-TSN-10-10-10-20200323 n°10). Ainsi, un service taxable ne s’entend pas d’une opération économique particulière (contrairement aux règles applicables en matière de TVA), mais d’un ensemble d’opérations.

La taxe est ainsi liquidée globalement pour chaque service et toute décomposition à un niveau inférieur, en particulier à l’échelle d’une transaction économique particulière, d’un sous-groupe d’opérations, ou par client, pourrait être considérée comme artificielle par l’administration fiscale.

Ces projets d’instructions apportent des éclaircissements utiles et attendus, mais soulèvent également des questions majeures, notamment pour les groupes. Elaborer une analyse détaillée et une appréhension globale de ces impacts pour l’intégralité des groupes reste cependant une tâche impossible, l’analyse de l’impact de la TSN demeurant très casuistique et différente d’un groupe à l’autre. La situation de chaque contribuable au regard de la TSN, telle que mise en place par ces nouvelles instructions, relève donc d’une analyse détaillée de faits et des circonstances spécifiques, propres au contribuable (activités réalisées, organisation opérationnelle, informations disponibles, etc.).


1 : Une première version publiée le 23 mars 2020 par l’administration fiscale a été annulée et remplacée par ce nouveau projet. 

2 : Entreprises liées, directement ou indirectement, au sens du II de l’article L. 233-16 du code de commerce

Photo de Eric Lesprit
Eric Lesprit

Eric a plus de 25 ans d’expérience en matière de fiscalité internationale, notamment en matière de prix de transfert. Il a exercé différentes responsabilités au sein de la Direction Générale […]

Elodie Trapp

Consultante chez Deloitte Société d’Avocats, avec 2 ans d’expérience en prix de transfert. Elodie est titulaire d’un Master en Droit Fiscal et elle est membre du Barreau du Haut-de-Seine. Avant […]

Marion Lazzarini

Marion a rejoint Deloitte Société d’Avocats en juillet 2019 dans le département Transfer Pricing et est aujourd’hui consultante junior.