Titres de participation et régime des PVLT : l’Administration publie des précisions d’importance au BOFiP

Le 3 avril 2024, l’Administration a (enfin !) amendé ses commentaires au BOFiP afférents à la qualification de titres de participation et aux modalités d’imposition des plus-values à long terme pour tirer les conséquences des jurisprudences du Conseil d’Etat en la matière dont certaines ont été rendues il y a près de 7 ans (notamment, des décisions Société Orange Participations du 14 juin 2017, SA L’Air Liquide du 15 novembre 2021, ou encore SA Crédit Agricole du 8 novembre 2019).

Nous regretterons des commentaires lacunaires, voire énigmatiques, concernant deux sujets pourtant majeurs, à savoir d’une part la possibilité d’inscrire en titres de placement les titres issus d’une augmentation de capital alors que les titres anciens sont inscrits en titre de participation (I) et, d’autre part, les modalités de détermination du résultat net à prendre en compte pour le fait générateur de la QPFC, i.e. ce résultat doit-il inclure les dotations et reprises de provisions (II).

Qualification de titres de participation (BOI-BIC-PVMV-30-10)

Date d’appréciation des critères caractérisant les titres de participation

Pour mémoire, constituent des titres de participation certains titres expressément visés par la loi fiscale, ainsi que les parts ou actions de sociétés revêtant ce caractère sur le plan comptable, c’est-à-dire ceux dont la possession durable est estimée utile à l’activité de l’entreprise notamment parce qu’elle permet d’exercer une influence sur la société émettrice des titres ou d’en assurer le contrôle.

Cette définition, initialement retenue par le PCG de 1982, a été reprise et précisée par le juge de l’impôt (notamment CE, 20 octobre 2010, n°314247, Sté Alphaprim et n°314248, Sté Hyper Primeurs, CE, 20 mai 2016, n°392527, Selarl L, ou, plus récemment, CE, 22 juillet 2022, n°449444, Areva).

Dans ses commentaires au BOFiP, l’Administration indique, de longue date, que les critères caractérisant les titres de participation, qui reposent, pour une large part sur les objectifs poursuivis par l’actionnaire lors de leur achat, s’apprécient donc à la date d’acquisition initiale des titres.

Elle précise, à cet égard, que tout actif ayant vocation à être cédé à terme, un projet de cession d’une participation ne constitue pas, en soi, un événement susceptible de remettre en cause l’intention ayant présidé à l’acquisition initiale. Ainsi, l’Administration considère qu’en cas de recapitalisation d’une filiale avant sa cession à plus ou moins brève échéance, les titres nouvellement émis et acquis reçoivent la même nature de titres de participation que l’ensemble des titres déjà détenus au sein de la filiale.

Le Conseil d’État a toutefois retenu une approche différente, dans une décision SA Crédit Agricole très remarquée (CE, 8 novembre 2019, n°422377, SA Crédit Agricole). Il y a ainsi jugé que la qualification comptable de titres de participation donnée aux titres d’une société détenus par un établissement de crédit ne faisait pas obstacle, par elle-même, à ce que les titres acquis postérieurement au sein de cette même société puissent recevoir une qualification comptable différente, en fonction de l’intention de l’acquéreur à la date de leur achat ou de leur souscription.

Pour autant, cette décision a été rendue après consultation de l’ANC dans un contexte d’application de la règlementation comptable propre aux établissements bancaires et dérogatoire au PCG.

La question de sa transposition aux entreprises industrielles et commerciales qui relèvent du PCG divise, à ce jour encore, auteurs et praticiens, et le Conseil d’Etat n’a pas encore eu l’occasion de trancher la question.

L’Administration vient tirer, de manière nouvelle, les conséquences de la décision SA Crédit Agricole, mais sans prendre position de manière claire sur le sujet.

Elle complète sa doctrine en indiquant désormais que « la qualification comptable donnée aux titres nouvellement acquis n’est pas nécessairement conditionnée à celle attribuée lors d’une acquisition antérieure » (§ 98 amendé).

En revanche, elle ne tranche pas clairement la question de l’extension du champ de la jurisprudence SA Crédit Agricole aux sociétés soumises au PCG et se contente de citer in extenso le considérant dégagé par le Conseil d’Etat dans l’affaire SA Crédit Agricole : « Dans les limites autorisées par la réglementation comptable applicable aux entreprises du secteur bancaire, la qualification comptable donnée aux titres issus d’une acquisition antérieure ne fait pas par elle-même obstacle à ce que les titres de la même société émettrice acquis ultérieurement par un établissement de crédit puissent recevoir une qualification comptable différente, en fonction de l’intention de l’acquéreur à la date de leur achat ou souscription ».

Portée de l’inscription en compte de titres de participation

L’Administration reprend à son compte la jurisprudence Société Vivendi, dans le cadre de laquelle le Conseil d’Etat a posé le principe selon lequel les titres qui revêtent, sur le plan comptable, le caractère de titres de participation, sont nécessairement soumis au régime des plus-values et moins-values à long terme, que ces titres ouvrent droit ou non au régime mère-fille. Leur inscription à un compte de « titres de participation » est commandée par le respect de la réglementation comptable et ne matérialise nullement une décision de gestion au plan fiscal. En cas d’erreur de qualification, celle-ci peut être corrigée, sous réserve de ne pas être délibérée (CE, 29 mai 2017, n°405083, Sté Vivendi, reprise au § 130).

Application du régime des PVLT à des titres ouvrant droit au régime mère-fille

L’Administration intègre expressément à ses commentaires les précisions apportées par le Conseil d’Etat dans sa décision SAS EBM.

Pour mémoire, il y avait jugé que la condition tenant à la détention d’au moins 5 % du capital de la filiale conditionnant le bénéfice du régime mère-fille doit s’apprécier à la date du fait générateur de l’impôt (et non de façon continue sur 2 ans). S’agissant du calcul d’une plus-value, la date à retenir est celle de la cession (CE, 26 janvier 2018, n° 408219, SAS EBM).

Elle indique qu’en conséquence, les conditions de détention de 5 % du capital et des droits de vote doivent donc être respectées à la date de la cession pour que les titres soient qualifiés de titres de participation. Le bénéfice de l’imposition à taux réduit s’applique aux cessions de titres tels que définis dès lors qu’ils sont détenus depuis au moins deux ans.

Modalités d’imposition des plus-values à long terme (BOI-IS-BASE-20-20-10-20)

Fait générateur de l’imposition de la QPFC de 12 %

L’Administration tire (enfin !) formellement les conséquences de la décision Société Orange Participations (CE, 14 juin 2017, n°400855), dans le cadre de laquelle le Conseil d’Etat avait annulé les paragraphes du BOFiP (§ 95 et § 125 anciens) indiquant que la QPFC devait être calculée sur le montant des plus-values de cession de titres imposables au cours d’un exercice considéré, quel que soit le résultat net des plus ou moins-values de cession de titres.

Elle indique désormais de manière claire que seule la réalisation d’une plus-value nette à long terme afférente à des titres de participation au cours de l’exercice considéré constitue le fait générateur de la réintégration de la QPFC (§ 65). 

En outre et surtout, une lecture attentive de ce nouveau paragraphe révèle que l’Administration officialise la position prise par la DVNI lors de récents contrôles concernant la prise en compte des dotations et reprises de provisions pour le calcul de la plus-value nette à long-terme qui déclenche l’imposition d’une quote-part de frais et charges de 12 % de la plus-value brute. C’est par un double renvoi que cette doctrine est révélée :

  • Dans le nouveau paragraphe 65, l’Administration précise que « La réalisation d’une plus-value nette à long terme afférente à des titres de participation au cours de l’exercice considéré, telle que définie au I § 50, constitue le fait générateur de la réintégration d’une quote-part de frais et charges imposable au taux normal de l’impôt sur les sociétés».
  • Le paragraphe 50 est inchangé et débute par « Lorsque la compensation prévue au I § 30 fait apparaître un montant net de plus-value à long terme imposable au taux de 0 %…»
  • Le paragraphe 30 est inchangé : « Les entreprises procèdent à la compensation des plus et moins-values à long terme relevant du taux de 0 % réalisées au cours du même exercice. Toutes les plus et moins-values à long terme imposables à 0 % doivent faire l’objet de cette compensation, c’est-à-dire les plus ou moins-values à long terme afférentes aux cessions des titres de participation éligibles, y compris les plus ou moins-values à long terme antérieurement en report ou en sursis qui deviennent imposables au titre de l’exercice considéré ou celles provenant de l’annulation d’une cession, d’un complément ou d’une réduction de prix et les plus ou moins-values à long terme constatées à l’occasion des reprises et dotations de provisions pour dépréciation afférentes aux mêmes titres. »

Nature de la QPFC

Dans sa décision SA L’Air Liquide, le Conseil d’Etat a posé le principe selon lequel les dispositions de l’article 219, I, a quinquies « doivent être regardées non pas comme ayant pour objet de neutraliser de manière forfaitaire la déduction de frais exposés pour l’acquisition ou la conservation d’un revenu afférent à une opération exonérée, mais comme visant à soumettre à cet impôt à un taux réduit, les PV de cession de titres de participation ».

Il a, en conséquence, annulé les commentaires administratifs refusant l’imputation d’un crédit d’impôt en France à hauteur de l’impôt acquitté à l’étranger en application des dispositions d’une convention fiscale sur une PV à long terme réalisée lors de la cession de titres de participation (CE, 15 novembre 2021, n°454105).

L’Administration vient en tirer les conséquences, en supprimant systématiquement toute référence à une « exonération » des PV/MV à long terme, et en la remplaçant par le terme d’ « imposition ».

Elle supprime ensuite les commentaires annulés par le Conseil d’Etat (§ 180 ancien), et indique désormais que, lorsque la convention fiscale le prévoit, l’impôt acquitté à l’étranger peut, le cas échéant, être imputé sur la fraction d’impôt français calculé sur la QPFC réintégrée dans le résultat taxable.

Elle précise que l’imputation ne peut alors excéder cette fraction, et que le reliquat éventuel tombe en non-valeur, sans aucune possibilité de report sur les fractions d’impôt sur les sociétés calculées au titre des exercices suivants (§ 180 amendé), et propose un exemple chiffré simplifié à titre d’illustration.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

François Pierson

François est avocat associé depuis 2016 et possède une expérience de près de 20 ans en fiscalité des entreprises. Il conseille les entreprises (ETI et grands groupes) dans la gestion […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.