Adoption du concept de classes de parties affectées en Europe : analyse comparée dans 10 États membres

Cet article est reproduit sur notre blog avec accord de l’éditeur, et est un extrait de l’étude « L’entreprise en difficulté en France en 2023 » dont vous pouvez retrouver l’intégralité en suivant ce lien : Les défaillances d’entreprises retrouvent les niveaux d’avant-Covid en 2023

 

Nous remercions tout particulièrement nos relais locaux dans les autres pays d’implantation de Deloitte pour leurs apports à cette étude comparative; réalisée sous la supervision de Stéphanie Chatelon : Bernhard Koeck et Andreas Jank – Avocats (Autriche), Jürgen Egger et Glenn Jansen – Avocats (Belgique), Zvezdelina Filova et Konstantin Ivanov – Avocats (Bulgarie), Andreas Thoma – Avocat (Chypre), Frank Tschentscher et Marcus C. Spangenberger – Avocats (Allemagne), Péter Göndöcz Linda Al Sallami et Diána Takács – Avocats (Hongrie), Massimo Zamorani et Filippo Ghignone – Avocats (Italie), Catarina Guedes de Carvalho – Avocat (Portugal), Cruz Amado et Carolina Ventura – Avocats (Espagne).

 

Alors qu’un nouveau projet de directive sur l’insolvabilité est actuellement en discussion, les États membres cherchent encore à se familiariser avec les nouveaux concepts introduits dans le cadre de la transposition de la directive n° 2019-1023 du 20 juin 2019 relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dette et aux déchéances. Ces nouveaux concepts, et notamment la constitution des classes de parties affectées et la possibilité d’imposer un plan à certaines parties prenantes récalcitrantes via le mécanisme d’application forcée interclasse (ou « cross-class cram down »), impliquent une évolution significative des pratiques des professionnels et, plus généralement, des entreprises.

Après quelques mois ou années de mise en oeuvre, selon les dates de transposition, nous avons décidé de prendre le pouls auprès de dix États membres à travers notre réseau de professionnels Deloitte Legal (Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Espagne, France, Hongrie, Italie et Portugal), afin de mieux cerner l’introduction de ces concepts dans leurs droits nationaux. Même lorsqu’ils étaient déjà présents dans certains droits, ces concepts ont dû être adaptés aux exigences de la directive de 2019.

Après s’être intéressés à la composition des classes des parties affectées, nous tirerons les premiers enseignements de ces quelques mois ou années suivant leur date d’introduction dans chacune des dix législations considérées.

Focus sur la composition des classes de parties affectées : l’appropriation des concepts introduits par la directive 2019 au niveau national

Compte tenu de la flexibilité laissée par la directive de 2019, les règles régissant la composition des classes varient sensiblement d’un pays à l’autre.

La protection de certaines parties prenantes

Du fait de la possibilité d’imposer des mesures de restructuration substantielles aux parties affectées par le mécanisme de l’application forcée interclasse, certains pays ont fait usage de l’option offerte par la directive permettant de protéger certaines parties prenantes.

La meilleure modalité de protection consiste à exclure des classes de parties affectées la partie prenante que l’on souhaite protéger, afin qu’aucune mesure de restructuration ne puisse lui être imposée. C’est notamment le cas des salariés (en France, en Autriche, en Espagne et en Allemagne -dans le contexte d’une StaRUG), des créanciers publics (en Espagne) ainsi que des titulaires de droits à pension acquis au titre d’un régime de retraite professionnelle ou de créances alimentaires (en France).

Certaines parties prenantes peuvent également être exclues des classes de parties affectées, non pas dans un but de protection, mais parce qu’elles bénéficient d’une garantie particulière. C’est le cas en France pour les créanciers garantis par une fiducie, pour le montant de leurs créances assorties d’une telle garantie, parce que celle-ci constitue une sûreté reposant sur un transfert de propriété (en conséquence, lorsque le débiteur fait l’objet d’une procédure collective, l’actif concerné a déjà été transféré dans un autre patrimoine et échappe donc à l’application des règles régissant cette procédure, sous réserve des cas de fraude ou de nullité).

La protection de certaines parties prenantes peut également résulter du fait que la procédure impliquant le recours aux classes de parties affectées n’est obligatoire que pour les entreprises excédant certains seuils (en termes de chiffre d’affaires et de nombre de salariés notamment). Au Portugal, en Autriche et, dans une certaine mesure, en France, ces dispositions ne sont pas obligatoires pour les PME, ces dernières pouvant par ailleurs opter pour leur application si elles le souhaitent. Observons que cette option est appréhendée différemment selon les pays. Au Portugal, la grande majorité des entreprises a fait le choix de ne pas opter pour la composition des classes de parties affectées, contrairement aux PME françaises par exemple.

Certains États membres ont utilisé ce système de seuils pour moduler la protection accordée aux parties prenantes. En Belgique, la composition des classes est obligatoire. Néanmoins lorsque la procédure est ouverte au profit d’une PME (i) le mécanisme d’application forcée interclasse ne peut s’appliquer et (ii) les créanciers dits extraordinaires disposent d’un droit de veto de fait si leurs droits sont affectés par le plan au-delà de la suspension de l’exécution de leurs droits pendant 24 mois suivant l’homologation du plan (dont une extension de 12 mois est possible).

Le législateur peut également moduler la protection des parties prenantes en fonction de la nature de la procédure en cours (procédure préventive versus procédure collective). C’est le cas en Allemagne : lorsque le débiteur bénéficie d’une procédure d’insolvabilité, ses salariés sont membres d’une classe de parties affectées chirographaire alors que, dans le cadre d’une StaRUG, il est interdit de transiger sur les créances des salariés (qui ne sont donc pas considérés comme étant des parties affectées).

Enfin, une dernière forme de protection consiste à regrouper certaines parties affectées, considérées comme plus vulnérables ou que le législateur souhaite protéger davantage pour des considérations sociales voire philosophiques, dans une classe distincte, de sorte que les autres membres de la classe ne puissent pas leur imposer de force des mesures de restructuration. En Autriche, par exemple, l’une des classes est consacrée aux créanciers « nécessitant une protection », regroupant ceux dont les créances sont inférieures à 10 000 euros. En Espagne, si la classe est composée de PME et que le plan de restructuration implique un sacrifice de plus de 50% du montant de leurs créances, ces dernières doivent être constitués en une classe distincte. Selon la même logique, en Bulgarie, une classe est composée des salariés du débiteur.

La définition des parties prenantes nécessitant une protection particulière diffère d’un Etat membre à un autre. Un exemple parlant concerne le traitement des créances détenues par les détenteurs de capital. Dans certains Etats, ceux-ci sont particulièrement protégés. En France, par exemple, le législateur a choisi de les regrouper dans une classe distincte et de limiter la possibilité de faire usage de l’application forcée interclasse à leur encontre en prévoyant des conditions légales supplémentaires dans ce cas. En Bulgarie, au contraire, la classe regroupant tous les créanciers liés au débiteur, en ce compris notamment les détenteurs de capital, ne dispose pas de droits de vote concernant le plan. Ainsi, dès lors que celui-ci est adopté par les autres classes, il sera imposé aux détenteurs de capital. Dans d’autres Etats membres encore, des mesures de restructuration importantes ont par ailleurs été imposées aux actionnaires (notamment en Espagne et en Allemagne – voir ci-dessous).

Flexibilité ou rigidité dans la composition des classes ?

En ce qui concerne la composition des classes, certains législateurs ont laissé une grande liberté aux débiteurs, ou aux praticiens de l’insolvabilité, selon le cas, tandis que d’autres ont fourni une liste exhaustive de classes devant être constituées. C’est notamment le cas en Autriche, en Hongrie et en Bulgarie. Ces listes de classes font généralement référence aux rangs des parties affectées (sécurisées/non sécurisées). En Belgique, si l’entreprise faisant l’objet d’une procédure est une PME, il n’existe que deux classes (les créanciers dits ordinaires et les créanciers dits extraordinaires – c’est-à-dire garantis par un privilège spécial, un gage ou un nantissement, une hypothèque ou un droit de rétention). Dans tous les cas, l’affectation des parties aux classes définies par la loi doit être objectivement justifiée.

D’autres États membres sont plus souples en ce qui concerne la composition des classes et se réfèrent essentiellement au critère de l’intérêt commun qui doit exister entre les membres d’une même classe.

Au Portugal, les parties affectées doivent être classées en fonction de leur rang/nature (sécurisées/privilégiées/non sécurisées/subordonnées) et de l’existence d’un intérêt commun suffisant, la loi donnant à cet égard à titre d’exemple cinq types de classes (salariés/actionnaires/banques/fournisseurs/créanciers publics).

En Italie, dans le cadre du « concordato preventivo », certains créanciers doivent obligatoirement être regroupés en classes (par exemple les créanciers sociaux et fiscaux dès lors que le plan ne prévoit pas leur désintéressement intégral, ceux bénéficiant de sûretés consentis par un tiers ou encore ceux bénéficiant d’une dation en paiement). Les autres créanciers pourront être regroupés dans une classe unique ou en plusieurs classes s’ils le souhaitent, en appliquant des critères liés à leurs rangs ainsi qu’à l’intérêt économique commun.

En Espagne, cet intérêt commun peut être caractérisé entre parties affectées bénéficiant du même rang de paiement dans un scénario d’insolvabilité potentiel. Ces parties prenantes, bénéficiant du même rang, peuvent être réparties en différentes classes à condition qu’il existe une justification raisonnable à cela (nature de la créance -financière ou non financière -, existence potentielle d’un conflit d’intérêts entre créanciers ou impact du plan de restructuration sur les créances).
À cet égard, les tribunaux ont notamment considéré que (i) la constitution d’une classe particulière de fournisseurs était justifiée dès lors qu’ils bénéficiaient du même rang de paiement (chirographaires) et partageaient un intérêt commun (Tribunal de Gijón n° 3, 16 mars 2023, Cárnicas Hicor, S.L., référence 34/2023) et (ii) la constitution de plusieurs classes n’était pas une condition préalable à l’approbation d’un plan de restructuration. Aussi, la création d’une seule classe composée de deux actionnaires était-elle valide (Tribunal de commerce n° 13 de Madrid, 30 mai 2023, Torrejón Salud, S.A., référence 238/2023). De même, une classe pourrait être composée d’une seule partie affectée.

En Belgique, lorsque le débiteur n’est pas une PME, la composition des classes dépend de deux critères : (i) les droits prévus par le plan de réorganisation proposé et (ii) les droits que les créanciers détiendraient en cas de faillite/liquidation du débiteur. 

En Allemagne, les classes peuvent regrouper les parties prenantes (i) bénéficiant de certaines sûretés/garanties, (ii) en fonction de leurs droits en cas de procédure d’insolvabilité et (iii), le cas échéant, en fonction de leurs droits sur le capital. Les créanciers bénéficiant de sûretés consenties par des tiers pourraient également être affectés par le plan et regroupés dans une classe distincte.

En France, les critères de constitution des classes sont limités et confèrent une importante flexibilité à l’administrateur judiciaire à cet égard. Outre le principe selon lequel les membres d’une même classe doivent partager une communauté d’intérêts économiques suffisante, (i) il doit y avoir au moins deux classes de parties affectées (les créanciers bénéficiant de sûretés sur les actifs du débiteur et les créanciers chirographaires), (ii) les détenteurs de capital doivent être regroupés dans une ou des classes distinctes et (iii) la composition des classes doit tenir compte des accords de subordination conclus avant l’ouverture de la procédure. Les tribunaux sont venus préciser certains aspects de la composition des classes. Ainsi, par exemple, en France, le Tribunal de Commerce de Nanterre ( Tribunal de commerce de Nanterre, Orpea, 15 mai 2023) a jugé que si un créancier était à la fois membre d’une classe sécurisée et d’une classe chirographaire, il devait appartenir à une classe distincte de celle(s) composée(s) de créanciers bénéficiant d’un rang chirographaire pour le montant total de leurs créances car il avait plus d’intérêt à l’adoption du plan que ces derniers. Autrement dit, l’absence d’intérêt économique commun suffisant doit conduire à la constitution d’une classe distincte de créanciers chirographaires dans ce cas.

Premiers enseignements sur les classes des parties affectées

Aperçu de la jurisprudence limitée

La plupart des professionnels Deloitte consultés pour les besoins de cette étude ont répondu qu’il n’y avait pas, à ce jour, de jurisprudence pertinente mettant en œuvre le concept de classes de parties affectées dans leurs juridictions (Chypre, Portugal, Hongrie, Belgique, Italie, Bulgarie et Autriche).

Ceci est notamment dû à la particulière complexité des nouvelles dispositions, entraînant un risque élevé de contentieux et dissuadant dès lors les professionnels d’y recourir. En Italie, par exemple, ces professionnels préféreront aux nouvelles procédures introduites, les outils de restructuration négociés préexistants ne nécessitant pas d’intervention du tribunal. Le nombre limité de jurisprudence s’explique également par le poids des habitudes. Ces concepts étant nouveaux, les professionnels ont recours à des outils qu’ils maîtrisent mieux et dont ils connaissent l’efficacité. En outre, dans le cadre de la transposition de la directive de 2019, le législateur a parfois choisi d’introduire les classes de parties affectées dans des procédures déjà complexes et/ou peu utilisées par la pratique. C’est notamment le cas de la procédure de stabilisation en Bulgarie. Enfin, et en fonction des référentiels nationaux, ces nouvelles procédures impliquant le recours aux classes de parties affectées peuvent, dans certains cas, être plus coûteuses que d’autres outils de restructuration mis à disposition, notamment en raison du besoin plus important de recourir à des experts en restructuration. La question est donc de savoir si les entreprises en difficulté et leurs parties prenantes auront le temps et les disponibilités financières nécessaires pour s’approprier ces nouveaux outils.

Si ces concepts de classes et d’application forcée interclasse sont nouveaux, certains Etats membres sont en revanche familiers du concept de cram down permettant l’application forcée d’un plan à l’ensemble des créanciers, y compris ceux n’ayant pas pris part aux négociations, dès lors que la majorité requise a été atteinte. C’est le cas notamment au Portugal, dans le cadre du processus de revitalisation des entreprises (appelé le « PER ») introduit en 2012. Le PER permet de présenter un plan de redressement négocié entre le débiteur et certains de ses créanciers et d’obtenir du tribunal qu’il soit imposé à ceux n’ayant pas pris part à l’accord. Le recours à cette procédure est très répandu, en particulier lorsque le débiteur n’a qu’un ou deux créanciers (souvent des banques) représentant la grande majorité des créances.

Dans certains États membres néanmoins, les tribunaux ont déjà eu l’occasion de se prononcer sur des affaires impliquant des classes de parties affectées, s’agissant de la composition de ces dernières ou encore de la vérification des conditions d’une application forcée interclasse. En Espagne, par exemple, la Cour de Pontevedra (Cour de Pontevedra, affaire Xeldist, 10 avril 2023, référence 179/2023), saisie par des créanciers dissidents, a considéré que les effets d’un plan de restructuration ne devaient pas leur être étendus en ce qu’il prévoyait un traitement inégal de certaines créances, discriminant de manière injustifiée et disproportionnée les créanciers appartenant à différentes classes de même rang (chirographaire) dans un scénario d’insolvabilité potentiel. En Espagne également, l’une des principales discussions entre praticiens a été tranchée par les tribunaux : un plan peut être imposé par une majorité de classes, y compris dans le cas où les parties affectées concernées ne représenteraient pas la majorité du montant du passif.

Les juridictions françaises, espagnoles et allemandes ont également confirmé que des abandons de créance substantiels pouvaient être imposés aux parties affectées par le biais du mécanisme de l’application forcée interclasse. De même, les mesures de restructuration peuvent également impliquer une restructuration de l’actionnariat du débiteur. Dans une affaire en Espagne (Tribunal de commerce n° 2 de Barcelone, Groupe Celsa, 4 septembre 2023, référence 26/2023), les créanciers ont proposé un plan et imposé aux actionnaires, après validation de la solution par le tribunal, une restructuration sous la forme d’un loan-to-own.

En Allemagne, la procédure StaRUG a connu un véritable essor concernant des sociétés retirées de la cote par des personnes physiques ou des groupes d’actionnaires, dans le cadre de restructurations financières conséquentes, sans que les actionnaires minoritaires aient la possibilité de participer à l’opération. La StaRUG a été, par exemple, utilisée pour mettre en œuvre un debt-to-equity swap, permettre le retrait de la cote du débiteur et écarter les actionnaires existants (LEONI AG, tribunal de restructuration de Nuremberg, RES 397/23, 21 juin 2023). Cette jurisprudence a suscité de vives critiques à l’égard de la StaRUG, considérée comme étant un outil de restructuration permettant d’exproprier les actionnaires injustement et sans compensation adéquate. Il s’agit là d’un des sujets d’actualité en Allemagne en matière de restructuration puisqu’à ce jour, la jurisprudence n’a pas tranché le point de savoir s’il est ou non nécessaire d’obtenir l’autorisation formelle de l’actionnaire pour ouvrir une procédure StaRUG. La Cour d’Hambourg a en effet récemment considéré que l’ouverture d’une telle procédure sans le consentement préalable de l’actionnaire constituait un abus de droit de la part du dirigeant du débiteur compte tenu du fait que la procédure pouvait être de nature à porter atteinte aux droits de cet actionnaire. Cette décision a également suscité des critiques de la part des universitaires et des praticiens.

En France, le concept de classes de parties affectées a été utilisé pour imposer des mesures de restructuration aux créanciers bloquant la mise en œuvre d’une solution parce qu’ils s’opposaient au projet de plan mais également dans l’hypothèse où il était impossible de les identifier et/ou de les contacter. Une décision a été particulièrement discutée et critiquée en France concernant la société Unhycos (Unhycos, tribunal de commerce de Pontoise, 10 février 2023) en ce que la procédure a permis d’imposer des efforts très substantiels aux créanciers (abandon de 86% des créances et remboursement du solde sur 10 ans) mais n’a pas impacté les droits des actionnaires dans la société (si ce n’est une renonciation à leurs comptes courants).

Retours unanimes sur l’impact de ces concepts sur les négociations dans des contextes de restructuration

En fonction des attentes des professionnels et de la culture nationale en matière de restructuration, les avantages identifiés dans le cadre de l’introduction de ces nouveaux concepts diffèrent d’un État membre à l’autre. Certains pays ont souligné qu’ils pouvaient permettre d’empêcher les créanciers récalcitrants d’entraver les restructurations. C’est notamment le cas en Italie ou en Autriche. Au contraire, en Bulgarie, en Belgique et à Chypre, il est souligné que ces concepts nouveaux outils permettant aux créanciers de contester les plans de restructuration. En tout état de cause, et dans la mesure où ils pourraient être utilisés pour imposer l’adoption d’un plan de restructuration aux parties affectées dissidentes, ces nouveaux concepts auront nécessairement un impact sur les négociations entre parties prenantes. Avant l’introduction de ces concepts, par exemple en France, le débiteur utilisait, dans le cadre de ses négociations, la possibilité d’imposer un rééchelonnement de sa dette sur un plan à 10 ans. Il utilise désormais la possibilité d’imposer des abandons de créance substantiels aux parties affectées. En Espagne, la flexibilité accordée par la loi espagnole favorise l’entrée d’investisseurs et la réalisation d’opérations plus proches des fusions-acquisitions dans des scénarios d’insolvabilité. La possibilité d’imposer un cram down voire un cross class cram down favorisera la négociation entre les parties prenantes et la recherche d’un consensus afin d’éviter à chacune de se voir imposer un plan. Elle entraînera également des conséquences sur les actionnaires en ce qu’ils seront incités à anticiper la recherche de solutions en cas de difficulté.

Dans certains pays, ces nouveaux concepts ont même un impact sur la culture locale voire la philosophie sous-jacente en matière de restructuration. En France, lorsque les nouveaux concepts ont été introduits en 2021, il a d’abord été souligné que le système de restructuration, plutôt favorable au débiteur, pourrait désormais, au moins légèrement, évoluer vers un système plus favorable aux créanciers, du fait du poids des créanciers dits dans la monnaie. On constate, après quelques années d’utilisation, qu’ils peuvent également servir les intérêts du débiteur. Cela est d’ailleurs confirmé par le fait qu’une part importante de la jurisprudence rendue en la matière résulte d’option volontaire du débiteur pour la constitution de classes. C’est encore plus vrai en Allemagne, où l’introduction du StaRUG, qui offre aux entreprises débitrices un instrument de restructuration confidentiel, flexible et relativement peu coûteux, sans la stigmatisation liée à l’insolvabilité, est en train de transformer la culture allemande des restructurations.

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Stéphanie Chatelon

Stéphanie Chatelon, Avocat Associée, dirige le département droit des affaires. Elle conseille les entreprises en difficulté et gère régulièrement toutes les questions relatives aux mesures de prévention, procédures collectives et […]

Marie Waechter

Marie est senior manager dans l’équipe Legal et traite plus particulièrement des questions relatives aux entreprises en difficulté. Avant de rejoindre Deloitte Société d’Avocats, Marie avait exercé au sein d’un […]

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Arnaud Raynouard

Professeur des Universités à l’Université Paris-Dauphine, Arnaud Raynouard anime le Comité Scientifique Juridique du cabinet Deloitte Société d’Avocats. Agrégé en droit privé et sciences criminelles, et diplômé en gestion, Arnaud […]