Application de la taxe sur les salaires aux salariés expatriés d’un employeur français : Conformité au droit de l’UE !

Le Conseil d’État juge que la taxe sur les salaires assise sur des rémunérations versées à des salariés détachés dans d’autres États de l’UE ne méconnaît pas les engagements européens et internationaux de la France.

Il convient, à titre liminaire, de bien distinguer (i) le champ d’application et (ii) l’assiette de la Taxe sur les Salaires (ci-après « TS »).

  • Champ d’application de la TS (CGI, article 231, 1) :
    • Principe : Sous réserve de la dispense totale ou partielle applicable aux employeurs redevables de la TVA et à certains organismes, la TS est due par toutes les entreprises qui paient des sommes à titre de rémunérations aux salariés.
    • Précision sur la territorialité (CGI, article 51 de l’annexe III) :
      • Les employeurs qui paient des rémunérations ne peuvent être passibles de la TS que pour autant qu’ils sont domiciliés ou établis en France (BOI-TPS-TS-10-10-10 18/12/2019 n°70) ;
      • Le domicile du salarié et le lieu d’exercice de l’activité sont en revanche sans incidence sur l’exigibilité de la taxe. Dès lors, la taxe est due sur les rémunérations versées par un employeur établi en France aux salariés détachés à l’étranger et aux frontaliers (BOI-TPS-TS-10-10-10 18/12/2019 n°140 à 160).
  • Assiette de la TS (CGI, article 231, 1-al. 1) :
    Depuis le 1er janvier 2013, la base de la taxe sur les salaires est alignée sur l’assiette de la CSG applicable aux salaires et assimilés, prévue le Code de la sécurité sociale (par un jeu de renvoi des dispositions du CGI au Code de la sécurité sociale).

L’histoire

Au titre des années 2013 à 2015, une société acquitte spontanément la TS à raison de son personnel expatrié détaché auprès d’autres entités du groupe localisées hors de France. La société a ensuite demandé le remboursement de cette TS, sans succès, tant auprès de l’administration fiscale que des juridictions du fond.

La décision

Dispositions de droit interne

Dans la lignée de sa jurisprudence antérieure, le Conseil d’État juge que la TS est due par les employeurs qui y sont assujettis à raison des rémunérations versées à l’ensemble des salariés qu’ils emploient, indépendamment du lieu où ceux-ci exercent leur activité (voir notamment CE, Plén., 30 juin 1982, n°22796, Centre expérimental de recherches et d’études du bâtiment et des travaux 1 ; CE, 13 décembre 1982, n°23492, min. c/ Sté « Compagnie des services Dowel Schlumberger).

Il confirme que cette imposition est également due par les employeurs dont le siège social est situé à l’étranger et qui disposent d’une installation en France, à raison des rémunérations qu’ils versent à ceux de leurs salariés rattachés à cette installation (voir CE, 15 décembre 1982, n°31925, Sté Compagnie africaine forestière et des allumettes ; CE, 15 juillet 2004, n°249801, min. c/ Sté Alitalia).

Il juge par ailleurs que le renvoi opéré par le CGI au Code de la sécurité sociale pour la détermination du montant des rémunérations à retenir en vue de l’établissement de la taxe n’avait eu ni pour objet, ni pour effet d’exclure de l’assiette de cette taxe les rémunérations versées à des salariés exerçant leur activité à l’étranger ne se trouvant pas à la charge d’un régime obligatoire français d’assurance maladie et qui n’entrent pas, dès lors, dans le champ de la CSG.

Il valide en ce sens la décision de la CAA de Versailles, et suit les conclusions du rapporteur public sous la décision selon lesquelles : « […] le renvoi au Code de la sécurité sociale, seulement prévu par le texte pour l’évaluation du montant des rémunérations, nous paraît sans incidence sur les règles de territorialité de la taxe. »

Conformité au droit de l’UE et aux engagements internationaux de la France

Le Conseil d’État rejette également les arguments du contribuable tirés de la violation du droit de l’UE et refuse de saisir la CJUE d’une question préjudicielle :

  • Le principe d’unicité de législation posé à l’article 11 du Règlement n°883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004– le CE reprend le raisonnement de la CAA selon lequel la TS ne saurait être regardée comme s’appliquant à des personnes entrant dans le champ d’application du règlement et ne saurait pas plus être regardée comme portant sur un régime relatif aux obligations de l’employeur au sens du champ d’application matériel, en dépit d’affectation du produit de la TS aux diverses branches de la sécurité sociale.
  • La liberté de circulation des personnes et des travailleurs (art. 45 TFUE), la liberté d’établissement et la libre prestation de services(art. 49 et 56 TFUE).

Il écarte enfin la contrariété aux accords de sécurité sociale conclus avec les différents États en jeu (USA, Brésil, Inde, Algérie, Canada et Corée du Sud) dès lors que ces engagements internationaux ont pour champ d’application matériel la législation relative aux cotisations sociales, alors que la taxe sur les salaires a, elle, le caractère d’une « imposition de toute nature ».

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Myriam Mouloudj

Myriam, Avocate, possède une expérience de près de 15 ans en fiscalité. Arrivée chez Deloitte Société d’Avocats en 2006, elle réintègre le cabinet en 2019 pour rejoindre le Comité Scientifique […]