L’Administration bénéficie d’une présomption simple de transfert indirect de bénéfices à l’étranger lorsqu’elle établit l’existence d’un lien de dépendance entre une entreprise française et une entreprise étrangère, ainsi que l’octroi d’avantages injustifiés à cette dernière i) soit sous forme de majoration ou de diminution des prix d’achat ou de vente, ii) soit par tout autre moyen. Cette seconde hypothèse, qui se rapproche de la théorie jurisprudentielle de l’acte anormal de gestion, concerne la remise en cause de transactions courantes considérées comme anormales (redevances, commissions, intérêts, abandons de créances, prise en charge de frais, cautions, etc.). Elle a donné lieu à deux arrêts Office Dépôt Participation et Office Dépôt BS du 13 décembre dernier (CE, 13 décembre 2017, n°387969, Office Dépôt BS et n°387975, Office Dépôt Participations France).
Sur le fondement de l’article 57 du CGI, l’Administration avait rejeté la déductibilité de dépenses de prestations d’audit refacturées par une société cotée américaine à l’une de ses filiales françaises. Il en a résulté chez la sous-filiale française, la société Office Dépôt BS, des rectifications en matière de TVA et de retenue à la source (1er arrêt Office Dépôt BS), et chez sa société mère française intégrante, la société Office Dépôt Participations, des rectifications en matière d’impôt sur les sociétés (2nd arrêt Office Dépôt Participations).
La Cour administrative d’appel de Versailles avait confirmé la position de l’Administration et du Tribunal administratif de Montreuil. Elle estimait que les prestations d’audit refacturées par la société américaine à sa filiale française n’avaient pas été exposées dans l’intérêt de la filiale française et n’étaient pas nécessaires à l’exploitation de cette dernière. En effet, d’une part, ces frais avaient été engagés par la société mère, seule tenue aux obligations résultant de la loi américaine dite « Sarbanes-Oxley », en raison de sa cotation à la bourse de New York et, d’autre part, les résultats de l’audit n’avaient eu aucune incidence sur l’activité de la filiale française.
Après avoir caractérisé les liens de dépendance entre les deux sociétés, elle en concluait que la prise en charge de ces frais par la filiale française constituait un transfert indirect de bénéfices en vertu de l’article 57 du CGI et des revenus réputés distribués passibles de retenue à la source en application combinée des articles 109 et 119 bis du CGI. La CAA avait ensuite estimé que la société française n’avait pas apporté la preuve que le paiement de ces dépenses avait comporté des contreparties favorables à sa propre exploitation.
Le Conseil d’Etat a confirmé l’arrêt d’appel, en reprenant à son compte le considérant de principe très favorable à l’Administration, énoncé dans les arrêts Property Investment Holding (CE, 9 décembre 2015, n°367897, Property Investment Holding France), Sodirep Textiles (CE, 9 novembre 2015, n°370974, Sodirep Textiles SA-NV) et Vetter (CE, 8 juin 2005, n°255918, Vetter) :
Les dispositions [de l’article 57] instituent, dès lors que l’administration établit l’existence d’un lien de dépendance et d’une pratique entrant dans leurs prévisions, une présomption de transfert indirect de bénéfices qui ne peut utilement être combattue par l’entreprise imposable en France que si celle-ci apporte la preuve que les avantages qu’elle a consentis ont été justifiés par l’obtention de contreparties.
Dans cette affaire, le Conseil d’Etat clarifie donc le raisonnement qui est le sien lorsqu’il s’agit d’apprécier la normalité de dépenses refacturées par une société mère étrangère qui ont l’apparence et la substance de frais d’actionnaire.