Article 57 et rémunération d’une convention de garantie

Dans une décision d’espèce, la CAA de Paris se prononce sur les modalités de fixation de la rémunération de pleine concurrence d’une convention de garantie conclue entre des sociétés du secteur bancaire.

Rappel

Pour mémoire, le fait pour une société d’accorder une garantie ou de donner sa caution à des filiales étrangères sans percevoir de rémunération constitue un « avantage par nature » caractérisant un transfert indirect de bénéfices au sens de l’article 57 du CGI (en ce sens, voir CE, 17 février 1992, n°74272, Carrefour et CAA Paris, 20 octobre 1994, n°93PA00715).

En revanche, dès lors que cette garantie fait l’objet d’une rémunération, alors l’existence d’un transfert indirect de bénéfices ne se joue plus sur le terrain de l’avantage par nature, mais sur celui de l’avantage par comparaison. Dans ce cas, l’Administration doit établir l’existence d’un avantage en se livrant à des comparaisons avec les pratiques des entreprises exploitées normalement, c’est-à-dire sans lien de dépendance. 

L’histoire

Une banque luxembourgeoise exerçant une activité de banque privée, comportant principalement la gestion des dépôts de ses clients sur des comptes à terme, détient, pour le financement de ses activités, un portefeuille de titres de placement constitué essentiellement de titres de dettes souveraines et d’obligations de sociétés.

Pour rassurer ses clients dans le cadre de la crise bancaire de 2008, elle a conclu avec sa mère française (exerçant également une activité bancaire), une convention de garantie.

Dans ce cadre, la banque française s’est engagée à couvrir, sous réserve d’une franchise annuelle de 50 m€, la valeur d’une fraction de ce portefeuille, en cas de réalisation de certains évènements de crédit, moyennant une rémunération égale à 0,1 % de l’encours, ultérieurement portée à 0,2 % à compter de 2012.

L’Administration a estimé que le niveau de rémunération de cette garantie était inférieur à une rémunération de pleine concurrence – évaluée à 0,77 % – et constituait, dans cette mesure, un transfert indirect de bénéfices à l’étranger au sens de l’article 57 du CGI.

Le litige a été porté devant les juridictions.

La décision de la CAA de Paris

Sur la qualification de la convention de garantie

La Cour juge, en 1er lieu, que la convention de garantie en cause ne peut s’analyser comme une simple opération de crédit, mais comme un dérivé de crédit ayant pour sous-jacent une part de l’actif de la banque luxembourgeoise, s’apparentant ainsi à un contrat d’échange sur le risque de défaut (« credit default swap ») constitutif d’une opération de marché visant à couvrir les risques de crédit attachés à un « panier » de titres émis par différentes entités de référence (« basket default swap ») et incluant de surcroît le risque de restructuration des dettes souveraines ainsi que, pour les obligations titrisées, le risque de dégradation en catégorie spéculative de la note de l’émetteur.

Sur la rémunération de pleine concurrence de la garantie

La banque française indiquait qu’elle avait retenu la même méthode que celle appliquée dans le cadre du refinancement d’une société tierce, c’est-à-dire en se fondant sur une analyse des probabilités historiques de défaut auxquelles ont été appliqués les taux de pertes associées en cas de défaut, conformément à la méthode préconisée par un arrêté du 20 février 2007 relatif aux exigences de fonds propres applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement.

L’Administration, elle, est revenue en cours d’instance sur la rémunération de pleine concurrence initialement arrêtée (0,77 % de l’encours couvert), après avoir admis que la méthode mise en œuvre était entachée de nombreux biais, pour lui substituer le taux de 1,32 %.

La Cour relève cependant que l’Administration n’apporte pas d’éléments permettant de justifier de la pertinence du taux ainsi arrêté (éléments de calcul fournis, au demeurant, après la clôture de l’instruction).

Elle en conclut que l’Administration ne peut être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de ce que les prestations litigieuses auraient été facturées à un niveau de prix inférieur à celui qui aurait été pratiqué par des entreprises similaires exploitées normalement, ni même de l’existence d’un écart injustifié, révélateur d’une libéralité, entre les sommes facturées et la valeur vénale de la prestation fournie.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.