Clause de garantie de passif : conditions de mise en œuvre des dispositions de l’article 150-0 D, 14° du CGI

La CAA de Nantes juge que les sommes versées par le cédant au cessionnaire ne peuvent pas venir en diminution de l’imposition dont il a fait l’objet sur la plus-value réalisée lors de la cession des titres (dispositif prévu à l’article 150-0 D, 14° du CGI), s’il s’avère qu’elles procèdent d’un accord transactionnel et non de la mise en œuvre de la clause de garantie de passif initiale. 

Rappel

Les clauses de garantie de passif permettent, en cas de cession de parts ou d’actions, de prémunir l’acquéreur contre l’apparition, postérieurement à la cession, d’un événement dont la cause est antérieure à la cession et qui se traduirait par un accroissement du passif ou une diminution de l’actif (ce qui pourrait être le cas d’un redressement fiscal).

Lorsque le risque se réalise et en fonction des termes du contrat, l’indemnisation peut être versée soit à l’acquéreur des titres, soit à la société dont les titres ont fait l’objet de la transaction.

Le cédant personne physique peut alors demander, par voie de réclamation contentieuse, que le prix de cession des parts ou actions retenu pour la détermination de la plus-value de cession soit réduit du montant du versement effectué en exécution de la clause de garantie de passif (CGI, art. 150-0 D, 14°).

Dans ses commentaires au BOFiP, l’Administration précise que la convention de garantie de passif doit constituer une condition essentielle de réalisation de l’opération, et qu’elle doit donc, à ce titre, être incluse dans l’acte de cession ou dans une convention annexée à cet acte. Les conventions de cette nature résultant d’un acte ou d’un avenant conclu postérieurement à la cession ne peuvent dès lors pas être prises en considération (BOI-RPPM-PVBMI-20-10-10-30, 20 décembre 2019, § 50).

Le Conseil d’État a toutefois fait preuve de davantage de souplesse en n’excluant pas, au plan des principes, la validité d’une clause de garantie de passif prévue par un avenant postérieur au contrat de cession (au cas d’espèce, au titre de la même année d’imposition néanmoins – CE, 26 septembre 2018, n°407339).

Histoire

Par un acte daté du 27 juillet 2016, un contribuable personne physique a cédé à une société les titres qu’il détenait dans une SAS. Le même jour, une convention de garantie d’actif et de passif – se référant à l’acte de cession – a été signée entre les parties à l’opération.

La plus-value réalisée à l’occasion de la cession a été déclarée par le cédant au titre de l’année 2016.

En décembre 2017, la société cessionnaire a engagé une action afin d’actionner la clause de garantie d’actif et de passif.

Le cédant et le cessionnaire se sont finalement entendus sur une solution amiable, formalisée par la signature, en juin 2019, d’un avenant à la garantie de passif, aux termes duquel le cédant s’est engagé à reverser une somme déterminée au cessionnaire.

Par voie de réclamation contentieuse, le cédant a alors entendu faire jouer les dispositions de l’article 150-0 D, 14 ° du CGI, et a demandé le remboursement de l’impôt acquitté à hauteur de la réduction de la plus-value déclarée en 2016, en raison de la minoration du prix de cession à hauteur du montant des sommes versées au cessionnaire.

L’Administration a refusé de faire droit à sa demande.

La décision de la CAA de Nantes

La Cour rappelle d’abord que pour qu’il puisse être fait application des dispositions de l’article 150-0 D, 14° du CGI, le reversement effectué par le cédant au cessionnaire de tout ou partie du prix de cession doit intervenir en exécution d’une clause figurant dans le contrat de cession, dont l’objet tend exclusivement à compenser une dette ayant son origine antérieurement à la cession ou une surestimation de valeurs d’actif figurant à la date de la cession au bilan de la société dont les actions sont cédées.

Elle juge ensuite qu’au cas d’espèce, le reversement effectué par le cédant au profit du cessionnaire ne saurait être regardé comme procédant de la mise en œuvre de la garantie de passif du 27 juillet 2016, mais comme procédant exclusivement du protocole d’accord de juin 2019.

La Cour souligne, à cet égard, que :

  • Ce protocole d’accord a pour objet l’indemnisation de la société cessionnaire par le cédant par voie de compensation opérée sur la part détenue par le cédant en qualité de crédit-vendeur, et la résiliation de la convention de garantie du 27 juillet 2016 ;
  • Sa conclusion est intervenue librement après négociations entre les parties, et sans valoir reconnaissance de responsabilité des garants, ni du bien-fondé des prétentions de l’une ou l’autre des parties ;
  • Il ne mentionne pas la nature et l’origine des faits motivant l’exécution de la garantie de passif et ne fait référence à aucun passif précis et chiffré de la société cédée qui aurait été révélé après la cession.

La CAA en conclut que le reversement litigieux ne peut donc pas être regardé comme correspondant à la mise en œuvre de la garantie de passif du 27 juillet 2016, mais compense le renoncement de la société cessionnaire à former toute action ou réclamation fondée sur une telle garantie.

Aussi elle écarte, à son tour, l’application des dispositions de l’article 150-0 D, 14° du CGI.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.