Convention France-EAU : notion de « résident » et dispositions visant à éliminer les doubles impositions

Le Conseil d’Etat apporte des précisions sur la notion de « résident » pour l’application de l’article 19 visant à éliminer les doubles impositions de la convention fiscale signée entre la France et les EAU. Il juge, de plus, que la mise en œuvre de cet article n’est pas subordonnée à l’imposition effective des revenus aux EAU.

L’histoire

Un salarié d’une société suisse est détaché aux Emirats Arabes Unis tout en considérant qu’il est resté résident fiscal français. Dans ce contexte, il indique, au titre des années 2013 à 2015, dans sa déclaration de revenus déposée en France les salaires perçus aux EAU comme étant exonérés d’IR.

A l’issue d’un contrôle sur pièces, l’Administration remet en cause cette exonération. Le contribuable n’obtient pas gain de cause devant la CAA de Nancy.

La Cour a estimé, d’une part, que ce dernier résidait aux EAU, et d’autre part, qu’il était fiscalement domicilié en France. Dès lors, la Cour a validé la mise en œuvre des dispositions de l’article 19 § 2 de la convention franco-émirienne en vertu desquelles les revenus d’une personne résidente des EAU et qui est fiscalement domiciliée en France au sens du droit interne français, sont imposables en France (dispositions pour éliminer les doubles impositions en ce qui concerne la France).

La décision

Le Conseil d’Etat reproche à la CAA de Nancy de ne pas avoir recherché si le contribuable pouvait être qualifié de « résident des EAU au sens de l’article 4 de [la convention bilatérale] » avant de trancher en faveur de l’application de son article 19 § 2. Il casse l’arrêt d’appel et règle l’affaire au fond.

Sur la notion de « résident » au sens de l’article 19 de la convention signée avec les EAU

Le Conseil d’Etat rappelle le principe de subsidiarité des conventions fiscales (CE, 19 décembre 1975, n°84774 et 91895 ; CE, 17 mars 1993, n°85894, Memmi ; CE, 28 juin 2002, n°232276, Sté Schneider Electric).

Par application de ce dernier, il incombe au juge de l’impôt, lorsqu’il est saisi d’une contestation relative à une convention bilatérale, de se placer d’abord au regard de la loi fiscale française pour rechercher si, à ce titre, l’imposition contestée a été valablement établie, et ensuite seulement, dans l’affirmative, de déterminer si la convention fait ou non obstacle à l’application de la loi fiscale française.

Le Conseil d’Etat analyse donc la situation au regard des dispositions de l’article 4 B du CGI, et juge que le contribuable devait être regardé comme ayant son foyer – et donc son domicile fiscal – en France en relevant que son épouse et ses enfants résidaient en France au cours de la période litigieuse, et occupaient la maison dont il était propriétaire.

Le fait que celui-ci ait principalement séjourné aux EAU durant la période en cause ne permet pas de remettre en question cette analyse.

Puis, le Conseil d’Etat se prononce sur la situation du contribuable au regard de la convention franco-émirienne :

Il relève ainsi que le contribuable peut être regardé comme résident de France au sens conventionnel (en vertu de la législation française, il est assujetti à l’impôt en France, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue).

Il retient par ailleurs que le contribuable domicilié aux EAU, où il a été détaché par son employeur, peut également être regardé comme résident des EAU au sens conventionnel. L’article 4 § 1 de la convention dispose en effet que l’expression « résident d’un État » désigne « en ce qui concerne les Emirats arabes unis, toute personne qui est domiciliée, établie […] dans les Emirats arabes unis ».

En présence d’une situation de double résidence du contribuable en France et aux EAU, le Conseil d’Etat applique par conséquent l’article 4 § 2 de la convention au terme duquel lorsqu’une personne physique est résidente des 2 Etats et dispose dans chacun d’eux d’un foyer d’habitation permanent, elle est considérée comme résident de l’Etat dans lequel se trouve le centre de ses intérêts vitaux.

Il considère que c’est avec la France que le contribuable dispose des liens personnels et économiques les plus étroits, il juge donc que le contribuable doit être regardé comme étant résident de France au sens conventionnel.

Sur la mise en œuvre des dispositions conventionnelles visant à éliminer les doubles impositions, en ce qui concerne la France

Pour mémoire, afin d’éliminer les situations de doubles impositions, l’article 19 § 1 de la convention France-EAU prévoit, en qui concerne la France, que le bénéficiaire des revenus provenant des EAU et qui y sont imposables, a le droit à un crédit d’impôt imputable sur l’impôt français dans la base duquel ces revenus sont compris, crédit d’impôt égal au montant de l’impôt français correspondant.

A cet égard, le Conseil d’Etat confirme que l’octroi du crédit d’impôt n’est pas subordonné à l’imposition effective des revenus de source émirienne aux EAU (voir en ce sens, TA Versailles, 23 janvier 2001, n°94-5442 et n°97-3388 jugement définitif).

En l’espèce, le Conseil d’Etat relève que le contribuable est résident fiscal français au sens conventionnel et que les salaires litigieux qui lui sont versés proviennent des EAU. Dès lors, il conclut que ce dernier peut bénéficier d’un crédit d’impôt imputable sur l’impôt français (impôt dans la base duquel les revenus de source émirienne sont compris), crédit d’impôt égal au montant de l’impôt français sur ces revenus.

Il prononce ainsi la décharge des cotisations supplémentaires d’IR auxquelles le contribuable a été assujetti.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Myriam Mouloudj

Myriam, Avocate, possède une expérience de près de 15 ans en fiscalité. Arrivée chez Deloitte Société d’Avocats en 2006, elle réintègre le cabinet en 2019 pour rejoindre le Comité Scientifique […]

Agathe Saint Joanis

Agathe Saint Joanis a intégré Deloitte Société d’Avocats en 2019. Elle y a rejoint l’équipe du Comité Scientifique Fiscal.