La CAA de Douai rappelle les indices déterminant pour la qualification d’une opération de marchand de biens et donne une illustration par une application scrupuleuse aux circonstances de fait de l’espèce.
En application de l’article 35 du CGI, sont notamment réputés commerciaux les bénéfices réalisés par des personnes qui, (i) habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou des parts de sociétés immobilières, ou (ii) qui achètent, à titre habituel, des biens immeubles, en vue d’édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre, en bloc ou par locaux. En pratique, ces BIC sont considérés comme issus d’une activité dite de « marchand de biens ».
En toute hypothèse, une analyse de l’ensemble des circonstances de fait doit être effectuée pour savoir si les opérations réalisées par des personnes physiques sont susceptibles d’emporter cette qualification de « marchand de biens ». Sachant qu’il n’est pas nécessaire que l’activité de marchands de biens soit exercée à titre professionnel, ni même à titre principal.
Dans cette affaire, les contribuables ont effectué 2 opérations successives d’achat et de vente sur la période allant du 2 avril 2010 au 7 mars 2011. Ces opérations se sont par ailleurs suivies de l’achat, le 28 mars 2011, d’un 3ème terrain et de l’engagement de travaux d’édification d’un immeuble en vue d’une location sous un régime d’exonération fiscale.
En ce qui concerne les deux opérations d’achat/revente, ils ont spontanément déclaré les plus-values correspondantes à l’IR et aux prélèvements sociaux dans la catégorie des plus-values immobilières des particuliers.
À l’issue de ce contrôle, le service vérificateur a estimé que les intéressés s’étaient livrés, à raison de ces opérations d’achat et de revente, à une activité de marchand de biens et que ces opérations devaient être soumises à la TVA (art. 257 du CGI), tandis que la plus-value réalisée par eux devait être imposée en tant que plus‑value professionnelle dans la catégorie des BIC.
Après le rejet de leur réclamation, les contribuables portent le litige devant le TA d’Amiens afin d’obtenir la décharge des droits et pénalités réclamées en conséquence. Le TA ne donnant pas droit à leur demande, ces derniers relèvent appel du jugement.
Dans ce contexte, la CAA de Douai rappelle que l’application des dispositions de l’article 35 du CGI, qui définissent l’activité de « marchand de biens », est subordonnée à la double condition que les opérations (1) présentent un caractère habituel et (2) procèdent d’une intention spéculative – qui pour mémoire, ne se présume pas du seul fait du caractère habituel des opérations (CE, 2 juin 2006, n°266507. Voir également BOI-BIC-CHAMP-20-10-10-20170104 n°60 et suiv.).
En l’espèce, elle juge que :
- Les 2 opérations d’achat et de vente en litige doivent être regardées comme présentant un caractère habituel (opérations non isolées) dès lors que :
- les 2 opérations d’achat et de vente ont été réalisées sur une période allant du 2 avril 2010 au 7 mars 2011, et ont été suivies de l’achat par les intéressés, le 28 mars 2011, d’un autre terrain et de l’engagement de travaux d’édification d’un immeuble en vue d’une location sous un régime d’exonération fiscale ;
- les requérants détiennent ensemble l’intégralité du capital d’une société qui exerce l’activité de marchand de biens, de lotisseur et de promoteur immobilier.
- Les courts laps de temps – qui sont d’un peu plus de 4 mois puis de 7 jours – séparant l’acquisition des terrains, comportant chacun une maison d’habitation, de leur revente, révèlent l’intention spéculative qui animait les contribuables lorsqu’ils ont engagé ces 2 opérations. Peu importe sur ce point, le mode de financement de ces opérations, l’absence de souscription d’une garantie de dommage-ouvrage ou encore la circonstance que la maison d’habitation située sur le premier terrain, cadastré B 244, aurait été construite par l’un d’entre eux sur son temps libre. À cet égard, elle relève d’ailleurs que les requérants ne peuvent utilement soutenir, sans apporter d’élément de preuve en ce sens, qu’ils auraient eu l’intention, avant de trouver finalement un acquéreur pour l’une des deux maisons d’habitation, de donner celles-ci en location.
Par conséquent, elle conclut que c’est à bon droit que l’administration fiscale a estimé que les 2 opérations d’achat et de revente effectuées au cours des années 2010 et 2011 constituaient, eu égard à leur caractère habituel et à l’intention spéculative qui animait leurs auteurs, l’exercice d’une activité de marchand de biens, assujettie à la TVA (CGI, art. 257), et imposable à l’IR dans la catégorie des BIC (CGI, art. 35).