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CVAE : non-déductibilité des honoraires liés à une cession de titres revêtant un caractère exceptionnel

Le Conseil d’État juge que les honoraires versés à une banque, à l’occasion d’une cession de titres revêtant un caractère exceptionnel doivent être regardés comme des frais inhérents à cette cession, insusceptibles, dès lors, d’être admis en déduction pour le calcul de la CVAE.

Rappel

La valeur ajoutée servant de base à la CVAE est égale à la différence entre le chiffre d’affaires, tel que défini par les dispositions de l’article 1586 sexies du CGI, et une liste limitative de charges, fixée par le même article.

Le Conseil d’État a jugé, à plusieurs reprises, que pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l’une de ces catégories, il convient de se reporter aux normes comptables obligatoires en vigueur au titre de l’année d’imposition concernée (CE, 4 août 2006, n°267150, Sté Foncière Ariane et CE, 9 mai 2018, n°388209, Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Pyrénées Gascogne, solution rendue en matière de taxe professionnelle, puis transposée à la CVAE, CE, 29 juin 2018, n°416346, SAS Compagnie d’exploitation et répartition pharmaceutique de Rouen).

Dans ses commentaires au BOFiP, l’Administration confirme également qu’il convient de se reporter au PCG (BOI-CVAE-BASE-20-20251119).

L’histoire

En 2010 et 2011, une société a cédé des titres.

Dans le cadre de cette opération, la société a été assistée par une banque, laquelle lui a prodigué non seulement des services relatifs à l’évaluation des titres cédés, mais également une assistance à la négociation, ainsi qu’à l’élaboration et la structuration du processus pour mener à bien la vente. La banque a notamment été rémunérée par des « total success fees » et des « incentive fees », dont le paiement était entièrement subordonné à l’aboutissement de la transaction.

La société cédante a comptabilisé le montant de ces honoraires dans un sous-compte 622 « Rémunération d’intermédiaires et honoraires ».

Dans sa déclaration relative à la CVAE, la société a porté cette somme dans la rubrique « Autres services extérieurs », venant en déduction pour le calcul de la valeur ajoutée.

A l’issue d’une vérification de comptabilité, l’Administration a remis en cause cette déduction et a rehaussé la base imposable à la CVAE en conséquence.

Les juges du fond ont considéré que ces honoraires étaient indissociables de l’opération de cession, laquelle présentait un caractère exceptionnel, tant par son montant que par sa nature, eu égard notamment à l’activité de la société cédante.

Ils ont, en conséquence, jugé que les honoraires litigieux ne pouvaient pas être regardés comme des charges relatives à des opérations courantes – et étaient donc insusceptibles de venir en déduction de la valeur ajoutée pour le calcul de la CVAE.

La décision du Conseil d’État

Le Conseil d’État confirme l’analyse des juges du fond, en soulignant, à son tour, que les honoraires litigieux avaient été exposés par la société cédante dans le seul but de mener à bien l’opération de cession, et devaient dès lors être regardés comme des frais inhérents à cette cession.

Il juge ensuite qu’en dépit de leur inscription dans un compte « autres services extérieurs », ces frais, inhérents à une cession de titres immobilisés de l’activité de portefeuille dont ils auraient dû, par suite, suivre le traitement comptable, impliquant, selon que la cession dégage un profit ou une perte, dans les comptes de produits ou de charges exceptionnelles (775 ou 675), et n’étaient dès lors pas déductibles de l’assiette de la CVAE – faute de relever de l’une des catégories d’éléments comptables, limitativement énumérés à l’article 1586 sexies du CGI.

La portée de cette solution nous semble toutefois devoir être nuancée pour l’avenir.

En effet, le règlement ANC n°2022-06 relatif à la modernisation des états financiers, applicable aux exercices ouverts depuis le 1er janvier 2025, prévoit notamment une nouvelle définition restrictive du résultat exceptionnel, laquelle aura des impacts sur le calcul de la CVAE.

L’Administration en a d’ailleurs tout récemment tiré les conséquences dans une publication au BOFiP le 19 novembre dernier (BOI-CVAE-BASE-20-20).

Elle y précise notamment que les plus-values de cession d’immobilisations incorporelles et corporelles qui doivent être prises en compte dans le calcul de la valeur ajoutée sont celles qui ne se rapportent pas à une activité normale et courante et qui ne sont pas afférentes à un évènement majeur et inhabituel au sens du règlement n°2022-06 du 4 novembre 2022 (§ 34 du BOI précité).

Rappelons que, conformément à l’article 513-4 du règlement ANC n°2022-06 :

  • Un événement est majeur lorsque ses conséquences sont susceptibles d’avoir une influence sur le jugement que les utilisateurs des documents de synthèse peuvent porter sur le patrimoine, la situation financière et le résultat de l’entité ainsi que sur les décisions qu’ils peuvent être amenés à prendre ;
  • Un évènement inhabituel est un événement qui n’est pas lié à l’exploitation normale et courante de l’entité. Un événement est présumé inhabituel lorsqu’un même évènement ne s’est pas produit au cours des derniers exercices comptables et qu’il est peu probable qu’il se reproduise au cours des prochains exercices comptables.

Bien que ce sujet n’ait pas été ici abordé, il convient de rappeler que les frais inhérents à la cession ne sont pas des charges déductibles mais viennent impacter la PV/MV de cession des titres de participation.

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    Alice de Massiac

    Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à…

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    Clara Maignan

    Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique…