DAC7 : les obligations déclaratives des opérateurs de plateformes précisées par décret et arrêté et commentées au BOFiP

Les nouvelles obligations déclaratives des opérateurs de plateforme de mise en relation par voie électronique (DAC7) ont tout récemment été commentées par l’Administration. Les contours du dispositif ont préalablement été précisés par le biais d’un décret et d’un arrêté publiés au J.O du 28 décembre 2022.

Pour rappel, la 7e révision de la Directive relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (2011/16/UE), en vue d’étendre les règles de transparence fiscale de l’UE aux plateformes numériques (Directive (UE) 2021/514, dite « DAC 7 ») a été adoptée par l’Union européenne en mars 2021.

Celle-ci prévoit que les opérateurs de plateformes numériques sont tenus de déclarer à leur administration fiscale un certain nombre d’informations relatives à leurs clients et les revenus qu’ils ont générés au titre de chaque année civile avant le 31 janvier de l’année suivante.

Les dispositions DAC7 ont été transposées en droit français par la LF 2022 (articles 1649 ter A à 1649 ter E du CGI). Ainsi, depuis le 1er janvier 2023, les opérateurs de plateforme, mettant à la disposition d’utilisateurs un dispositif permettant une mise en relation, par voie électronique, afin d’effectuer, directement ou indirectement, certaines prestations limitativement énumérées par le texte, sont dans l’obligation de souscrire auprès de l’administration fiscale une déclaration relative aux opérations réalisées par les vendeurs et les prestataires utilisateurs de plateformes par leur intermédiaire. La 1re déclaration sera ainsi à déposer avant le 31 janvier 2024 au titre des opérations de l’année 2023.

Le décret et l’arrêté précisant les modalités d’application de l’obligation déclarative ont été publiés au J.O du 28 décembre 2022.

Dans la foulée, l’administration fiscale a commenté ces nouvelles dispositions au BOFIP (BOI-INT-AEA-30, 11 janvier 2023).

Les principales précisions sont reprises ci-après.

Champ d’application territorial des obligations / champ des opérateurs de plateforme relevant de l’obligation (CGI ann. III, 344 G duodecies ; BOI-INT-AEA-30-10 §10 et s.)

L’obligation déclarative incombe en France aux opérateurs de plateforme ayant un lien de rattachement direct ou indirect avec la France au sens de l’article 1649 ter B, I-1° du CGI :

  • être résident fiscal français ;
  • ou remplir une de ces 3 conditions : être constitué conformément à la législation française, avoir son siège de direction en France ou posséder un établissement stable en France.

L’opérateur remplissant au moins un des critères de rattachement territorial ci-dessus dans plusieurs EM (dont la France), peut choisir de s’acquitter de son obligation déclarative dans un EM mais doit notifier son choix à tous les autres EM dont il relève.

En ce qui concerne la France, l’opérateur doit adresser cette information à la DGFiP à l’adresse suivante : france.aeoi@dgfip.finances.gouv.fr (modèle de formulaire : BOI-LETTRE-000270). Le délai imparti n’est pas précisé.

Des précisions sont apportées concernant les obligations déclaratives en France des opérateurs de plateforme relevant d’un Etat hors UE. Une distinction est faite entre :

  • L’opérateur de plateforme relevant d’un État ou territoire situé hors de l’UE et ayant conclu avec la France un accord d’échange automatique d’information ;
  • L’opérateur de plateforme relevant d’un État ou territoire situé hors de l’UE n’ayant pas conclu avec la France un accord d’échange automatique d’information et qui facilite des opérations au sein de l’UE.

Opérateurs de plateformes exclus en raison de leur activité (BOI-INT-AEA-30-10 §150 et s.)

Les opérateurs de plateforme proposant des activités de co‑consommation sont exclus du champ du dispositif, sous réserve de démontrer par avance et sur une base annuelle que la modalité de fonctionnement de leur site ne permet pas aux prestataires qui proposent un service de co‑consommation de réaliser un profit (perception à raison de chaque activité proposée d’une somme qui n’excéderait pas le montant des coûts directs engagés pour la réalisation de cette prestation).

Cependant les opérateurs de plateforme proposant des activités de co‑consommation demeurent assujettis à l’obligation déclarative à raison d’éventuelles activités de mise en relation autres qu’une activité de co‑consommation. Dans ce cas, ils sont dispensés d’avoir à faire figurer, dans leurs déclarations, les informations relatives aux activités de co‑consommation.

Nature des opérations relevant de l’obligation (BOI-INT-AEA-30-10 §190 et s.)

A titre liminaire, l’Administration indique que les obligations déclaratives sont applicables dès lors que la transaction est réputée réalisée, i.e. que la contrepartie de l’opération concernée a été versée au vendeur ou prestataire au cours de la période de déclaration. Elle précise qu’en cas de paiement fractionné intervenant au cours d’années distinctes, l’opération est déclarée au titre de chacune des années au cours desquelles intervient chaque fraction de paiement.

Le BOFiP apporte quelques précisions en ce qui concerne les opérations donnant lieu à déclaration :

  • Vente de biens : cession à titre onéreux de tout bien corporel (opérations de vente ou de revente de biens de toute nature, mobiliers et immobiliers, sans que la liste donnée ne soit exhaustive).
  • Location de biens immobiliers et assimilés : location de tous biens immobiliers, y compris à usage résidentiel ou commercial, ainsi que tout autre bien immeuble et emplacement de stationnement, ainsi que la location de biens assimilés à des biens immobiliers tels que les locations destinées à l’hébergement de plein air (mobil-homes, caravanes, même si ces biens ne sont pas fixés au sol a perpétuelle demeure).
    Le fait que la dépendance d’un bien immobilier soit louée à titre d’accessoire à la location du bien auquel elle se rattache ou fasse l’objet d’une location au moyen d’un contrat séparé ou isolé est sans incidence quant à son caractère déclarable.
  • Location de tout mode de transport : location de tout moyen de transport, de déplacement, ou d’objets permettant la pratique d’un loisir lié au déplacement, terrestre ou non, avec ou sans moteur, dès lors que cette location ne s’accompagne pas du service destiné à la conduite dudit véhicule.
  • Service personnel : transport de personnes ou d’objets, fourniture d’une prestation ou d’un service de tout type. Les activités de co-consommation (covoiturage, co‑cooking, etc.) sont considérées comme un service personnel lorsque les montants facturés excèdent le montant des coûts directs engagés à l’occasion de la prestation objet du partage de frais à répartir entre les co-consommateurs.
    Les prestations de services de transport accessibles au public et qui sont fournies sur la base d’horaires prédéfinis n’entrent pas dans la définition d’un service personnel.

Il convient de noter que les opérations relevant par principe de l’obligation déclarative de l’opérateur de plateforme, réalisées par un vendeur, ou prestataire, agissant en qualité d’employé de l’opérateur de plateforme déclarant ou par une entité liée à l’opérateur de plateforme (participation directe ou indirecte supérieure à 50 % des droits de vote ou de la valeur d’une entité) constituent des opérations exclues. Elles n’ont donc pas à être déclarées.

Enfin, certaines illustrations sont apportées au titre des vendeurs ou prestataires exclus (entité publique, entité cotée sur un marché réglementé et ses entités liées, opérateur hôtelier et entité assimilée, vendeur ou prestataire occasionnel).

Obligations de diligence mises à la charge des opérateurs de plateforme (CGI ann. III, art. 344 G quindecies ; BOI-INT-AEA-30-20)

L’administration fiscale consacre un chapitre de son nouveau BOFiP aux procédures de diligences raisonnables que doivent mettre en œuvre les opérateurs de plateformes :

  • Règles générales (BOI-INT-AEA-30-20-10) : identification des vendeurs exclus et collecte des informations ;
  • Obligation de collecte (BOI-INT-AEA-30-20-20) : vérification de la fiabilité des informations relatives aux vendeurs et prestataires, détermination de l’Etat ou territoire de résidence des vendeurs et prestataires, conditions de mise en œuvre des diligences, tenue d’un registre des démarches entreprises et informations collectées ;
  • Obligation des vendeurs ou prestataires pour la réalisation des obligations de diligence (BOI-INT-AEA-30-20-30) : obligations à la charge des vendeurs et prestataires. On retiendra la clôture, par l’opérateur de la plateforme, du compte d’un vendeur/prestataire ne lui ayant pas transmis les informations nécessaires au respect de son obligation déclarative après plusieurs rappels.

Obligation d’enregistrement des plateformes étrangères (CGI ann. III, 344 G septdecies ; BOI-INT-AEA-30-30-20 §1 et s.)

Les obligations et formalités d’enregistrement/réenregistrement des plateformes étrangères sont également détaillées.

Contenu de la déclaration (CGI ann. III, 344 G terdecies ; BOI-INT-AEA-30-40)

Doivent être déclarés les éléments d’identification (CGI, art. 1649 ter A) :

  • De l’opérateur de plateforme(raison sociale, adresse du siège, numéro d’identification fiscale, etc.) ;
  • Des vendeurs ou prestataires(pour les personnes physiques : nom, prénom, date de naissance, adresse principale, numéro d’identification fiscale et numéro d’identification à la TVA le cas échéant ; pour les personnes morales : raison sociale, adresse du siège, numéro d’immatriculation, numéro d’identification fiscale, numéro d’identification à la TVA le cas échéant, liste des ES au sein de l’UE à partir desquels les opérations sont réalisées) ;
    • Dispense de communiquer les informations permettant d’identifier les vendeurs/prestataires, lorsque l’opérateur de plateforme établit leur identité et leur résidence fiscale en s’appuyant sur une confirmation directe obtenue par l’intermédiaire d’un service d’identification mis à disposition par l’UE, un Etat ou un territoire ;
  • Du titulaire du compte financier sur lequel la contrepartie est versée lorsque celui-ci n’est pas le vendeur/prestataire (nom/raison sociale, IBAN) – sauf pour l’Allemagne ;
  • De l’Etat ou territoire de résidence du vendeur ou prestataire ;
  • Les informations sur la contrepartie : la déclaration DAC7 doit également contenir le montant total de la contrepartie (montant net après déduction des frais, commissions ou taxes prélevés par l’opérateur) perçue par chaque vendeur ou prestataire au cours de chaque trimestre et le nombre d’opérations pour lesquelles elle a été perçue.
    Les sommes concernées sont celles mises à disposition du vendeur/prestataire par l’opérateur de plateforme et dont la perception dépend de la seule volonté du vendeur/prestataire. La dépense des sommes ainsi perçues sur la même plateforme ou chez un tiers, sans que celles-ci ne fassent l’objet d’un virement sur un compte tiers ne remet pas en cause leur caractère disponible.
    L’administration fiscale précise qu’en cas de remboursement total ou partiel de l’opération après sa finalisation :

    • L’opérateur de plateforme est tenu de déclarer le montant d’origine de la transaction diminué du remboursement octroyé, lorsque ce remboursement intervient au cours de la même année civile que celle au cours de laquelle la transaction a été réalisée ;
    • L’opérateur de plateforme est tenu de transmettre une déclaration rectificative au titre de l’année de réalisation de la transaction, « dès que possible » dans l’hypothèse où le remboursement intervient au cours d’une période postérieure.

Dans ses commentaires, l’Administration fournit une liste (non exhaustive) des « frais, commissions ou taxes » prélevés par l’opérateur de plateforme et devant être déduits de la contrepartie à déclarer. Ces frais sont déclarés séparément.

A noter qu’il existe des cas pour lesquels certaines informations n’ont pas à être fournies.

Modalités de souscription de la déclaration (CGI ann. III, 344 G duodecies ; BOI-INT-AEA-30-40, §370 et s.)

La déclaration doit être souscrite par les opérateurs de plateformes (ou en leur nom par un tiers) auprès de l’administration fiscale, sur un support informatique au format XML dont le schéma est détaillé dans un cahier des charges établi par la DGFiP et publié sur le site impots.gouv.

L’Administration précise dans ses commentaires au BOFiP n’accepter aucun autre format de document ou modalité de dépôt (dépôts effectués au moyen de fichiers constitués à partir de logiciels usuels d’édition de documents ou de bureautique ; dépôt sur support papier ou équivalent scanné).

Il est prévu que le traitement de la déclaration par les services de la DGFiP s’effectue en deux temps. A l’issue de chaque niveau de contrôle, l’opérateur de plateforme sera invité à corriger les éventuelles erreurs détectées dans sa déclaration et à remettre à l’Administration un fichier corrigé.

Le rejet du document à raison d’une anomalie structurelle (contrôles de 1er niveau) ou d’une ou plusieurs anomalies bloquantes (contrôles de 2nd niveau) sera assimilé à une absence de dépôt de la déclaration.

Délai de transmission (BOI-INT-AEA-30-30-10, §10)

L’opérateur de plateforme adresse sa déclaration DAC7 à la DGFiP au plus tard le 31 janvier de l’année suivant la période à déclarer. De la sorte, les opérations 2023 devront faire l’objet d’une déclaration au plus tard le 31 janvier 2024. Cette date limite vaut également pour le dépôt des déclarations rectificatives.

Les anomalies constatées spontanément par l’opérateur de plateforme postérieurement à ce délai devront être corrigées dès que possible.

Délégation de l’obligation déclarative (CGI ann. III, 344 G duodecies ; BOI-INT-AEA-30-30-10, §20 et s.)

L’opérateur de plateforme est dispensé de fournir les informations nécessaires au dépôt de la déclaration s’il dispose de la preuve que les mêmes informations ont été communiquées par un autre opérateur de plateforme. Cette preuve peut prendre la forme d’une confirmation écrite de l’autre opérateur de plateforme, obtenue dans le cadre de la conclusion et de la consignation d’accords inter-entreprises, certifiant procéder aux déclarations requises.

Rappelons par ailleurs que l’opérateur de plateforme soumis à l’obligation déclarative DAC7 peut désigner un tiers (prestataire de service, autre opérateur de plateforme) pour s’acquitter de son obligation déclarative.

Cette délégation ne libère pas l’opérateur de plateforme de son obligation déclarative, ni de sa responsabilité en cas de manquement dans la déclaration ou de défaillance du délégataire.

Obligation de communication des données transférées à l’Administration (BOI-INT-AEA-30-30-30 §10)

L’opérateur de plateforme fournit à chaque vendeur ou prestataire, au plus tard le 31 janvier de l’année suivant l’année civile au titre de laquelle ce vendeur ou prestataire est déclaré, les informations transmises à l’administration fiscale le concernant (CGI, art. 1649 ter D). Les dates maximales de dépôt des déclarations et d’information des vendeurs/prestataires sont donc alignées.

Des modèles seront proposés sur www.impots.gouv.fr pour aider les opérateurs de plateforme à remplir cette obligation d’information.

Conservation des données collectées (CGI ann. III, art. 344 G quindecies ; BOI-INT-AEA-30-20-20 §190)

Pour rappel, l’opérateur de plateforme doit tenir un registre contenant les démarches entreprises et informations collectées.

Ce registre doit être conservé 10 ans à compter de l’année qui suit celle au titre de laquelle une déclaration utilisant les données collectées a été déposée. De la sorte, le registre contenant les démarches de l’année 2023, données déclarées au plus tard le 31 janvier 2024, doit être conservé jusqu’au 31 décembre 2033.

Lorsqu’une même information est utilisée pour les besoins de fiabilisation de déclarations successives, cette information est conservée dans le registre pour chaque année de son utilisation, avec mention, le cas échéant, de sa réutilisation.

Sanctions

L’Administration indique que les sanctions relatives au non-respect des obligations mises à la charge des opérateurs de plateforme feront l’objet de commentaires ultérieurs. Pour rappel, la loi prévoit une amende forfaitaire ne pouvant excéder 50 000€ (par an ou par infraction ? le texte ne le précise pas) pour les opérateurs de plateforme qui ne remplissent pas leurs obligations déclaratives dans les délais requis et/ou ne mettent pas en œuvre les diligences nécessaires pour identifier leurs vendeurs.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Myriam Mouloudj

Myriam, Avocate, possède une expérience de près de 15 ans en fiscalité. Arrivée chez Deloitte Société d’Avocats en 2006, elle réintègre le cabinet en 2019 pour rejoindre le Comité Scientifique […]

Agathe Saint Joanis

Agathe Saint Joanis a intégré Deloitte Société d’Avocats en 2019. Elle y a rejoint l’équipe du Comité Scientifique Fiscal.