Directive anti-greenwashing : halte aux informations trompeuses !

« Cette loi va changer la vie quotidienne de tous les Européens ! Nous allons nous éloigner de la culture du tout jetable, rendre le marketing plus transparent et lutter contre l’obsolescence précoce des produits. Les gens pourront choisir des produits plus durables et réparables grâce à un étiquetage et des publicités fiables. Plus important encore, les entreprises ne peuvent plus tromper les gens en disant que les bouteilles en plastique sont acceptables parce que l’entreprise a planté des arbres quelque part — ou dire que quelque chose est durable sans expliquer comment. C’est une grande victoire pour nous tous ! ».

C’est par ces mots que la rapporteure du Parlement européen, Biljana Borzan, a présenté la directive (UE) 2024/825 du 6 mars 2024, dite directive anti-greenwashing (la « Directive »).

Ce texte, qui se veut novateur, vise à « donner aux consommateurs les moyens d’agir en faveur de la transition verte grâce à une meilleure protection contre les pratiques déloyales et grâce à une meilleure information ».

La Directive s’inscrit, ainsi, dans le train des mesures prises dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe dont l’ambition est d’atteindre une neutralité climatique d’ici 2050 (Communication de la Commission européenne du 11 décembre 2019).

Elle a pour objectif de renforcer la protection des consommateurs en luttant contre les pratiques commerciales ayant recours à des allégations environnementales trompeuses, à l’obsolescence précoce des produits et à des labels de développement durable non transparents et non fiables.

Afin d’atteindre cet objectif, la Directive vient modifier la directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs ainsi que la directive 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs.

Interdiction de nouvelles pratiques commerciales réputées déloyales

Larticle 5 de la directive 2005/29/CE interdit les pratiques commerciales déloyales en précisant qu’une pratique commerciale est déloyale si (i) « elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle » et (ii) « elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse, ou du membre moyen du groupe lorsqu’une pratique commerciale est ciblée vers un groupe particulier de consommateurs ».

La Directive modifie ces dispositions afin d’inclure dans le champ des pratiques commerciales déloyales, les pratiques commerciales liées au greenwashing, à l’obsolescence précoce et aux labels de développement durable non-transparents et non fiables.

Pratiques commerciales liées au greenwashing

Le greenwashing (en français, l’écoblanchiment) désigne les pratiques commerciales induisant les consommateurs en erreur et les empêchant de faire des choix de consommation durables (Considérant (1) de la Directive).

Une allégation environnementale est définie par la Directive comme « tout message ou toute déclaration non obligatoire en vertu du droit de l’Union ou du droit national, sous quelque forme que ce soit, notamment du texte, une image, une représentation graphique ou un symbole tels que un label, une marque, une dénomination sociale ou une dénomination de produit, dans le cadre d’une communication commerciale, et qui affirme ou suggère qu’un produit, une catégorie de produits, une marque ou un professionnel a une incidence positive ou nulle sur l’environnement, est moins préjudiciable pour l’environnement que d’autres produits, catégories de produits, marques ou professionnels, ou a amélioré son incidence environnementale au fil du temps » (Article 1er 1) a) ).

Si elles amènent, ou sont susceptibles d’amener, les consommateurs à prendre une décision commerciale qu’ils n’auraient pas prise autrement, seront désormais réputées comme trompeuses les pratiques commerciales consistant à :

  • formuler des informations fausses relatives aux caractéristiques environnementales et sociales ou aux aspects liés à la circularité du produit, e.g. sa durabilité, sa réparabilité ou sa recyclabilité (Article 1er 2) a) de la Directive) 
  • formuler une allégation environnementale relative à des performances environnementales futures sans engagements clairs, objectifs, accessibles au public et vérifiables inscrits dans un plan de mise en œuvre détaillé et réaliste qui inclut des objectifs mesurables et assortis d’échéances ainsi que d’autres éléments pertinents requis à l’appui de sa réalisation, tels que l’affectation de ressources, et qui est régulièrement vérifié par un tiers expert indépendant, dont les conclusions sont mises à la disposition des consommateurs (Article 1er 2) b) de la Directive) 
  • promouvoir des avantages qui ne sont pas pertinents pour le consommateur et qui ne résultent d’aucune caractéristique du produit ou de l’entreprise (par exemple, une eau en bouteille garantie sans gluten) (Article 1er 2) b) de la Directive)

Par ailleurs, la Directive modifie l’annexe I de la directive 2005/29 contenant une liste des pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances (« liste noire ») en ajoutant les pratiques commerciales consistant à :

  • présenter une allégation environnementale générique au sujet de laquelle le professionnel n’est pas en mesure de démontrer la performance environnementale excellente reconnue en rapport avec l’allégation 
  • présenter une allégation environnementale concernant l’ensemble du produit ou de l’entreprise du professionnel, alors qu’elle ne concerne qu’un des aspects du produit ou une activité spécifique de l’entreprise du professionnel 
  • affirmer, sur la base de la compensation des émissions de gaz à effet de serre, qu’un produit a un impact neutre, réduit ou positif sur l’environnement en termes d’émissions de gaz à effet de serre ; et
  • présenter comme une caractéristique distinctive de l’offre du professionnel des exigences imposées par la loi pour tous les produits de la catégorie de produits concernée sur le marché de l’Union européenne.

Pratiques commerciales liées à l’obsolescence précoce des biens

Dans l’optique de réduire la quantité de déchets, la Directive interdit plusieurs pratiques commerciales liées à l’obsolescence précoce et plus précisément à l’obsolescence précoce programmée définie comme « une stratégie commerciale consistant à planifier ou à concevoir délibérément un produit avec un durée de vie limitée, de manière à ce qu’il devienne prématurément obsolète ou non fonctionnel après un certain temps ou une intensité prédéterminée d’utilisation » (Considérant (16) de la Directive).

Pour ce faire, la Directive complète la liste noire des pratiques commerciales réputées déloyales en ajoutant les pratiques commerciales consistant à : 

  • dissimuler au consommateur le fait qu’une mise à jour logicielle aura une incidence négative sur le fonctionnement de biens comportant des éléments numériques ou sur l’utilisation de contenu numérique ou de services numériques ;
  • présenter une mise à jour logicielle comme étant nécessaire lorsqu’elle ne fait qu’améliorer des fonctionnalités 
  • envoyer toute communication commerciale sur un bien doté d’une caractéristique introduite pour en limiter la durabilité, alors même que l’information de cette caractéristique et de ses effets sur la durabilité du bien se trouve à la disposition du professionnel ;
  • affirmer à tort qu’un bien présente une certaine durabilité, sur le plan du temps d’utilisation ou de l’intensité, dans des conditions normales d’utilisation ;
  • présenter un bien comme réparable alors qu’il ne l’est pas ;
  • inciter le consommateur à remplacer les consommables ou à se réapprovisionner en consommables d’un bien avant que des raisons techniques le justifient 
  • dissimuler des informations sur la détérioration de la fonctionnalité d’un bien lorsque des consommables, des pièces de rechange ou des accessoires qui ne sont pas fournis par le producteur d’origine sont utilisés, ou affirmer à tort qu’une telle détérioration va se produire.

Pratiques commerciales liées à l’utilisation de labels de développement durable non transparents et non fiables

La Directive complète la liste noire des pratiques déloyales en ajoutant la pratique commerciale consistant à : 

  • afficher un label de développement durable qui n’est pas fondé sur un système de certification ou qui n’a pas été mis en place par des autorités publiques.

Nouvelles informations précontractuelles obligatoires et harmonisation des notices/labels

Afin de garantir une meilleure information des consommateurs, la Directive modifie également la directive 2011/83/UE en apportant de nouvelles obligations à la charge des professionnels en matière d’informations précontractuelles et de présentation des notices et des labels relatifs à certaines garanties applicables aux produits.  

Informations précontractuelles relatives à la durabilité, à la réparabilité et à la disponibilité des mises à jour

Le professionnel devra fournir aux consommateurs, d’une manière claire et compréhensible, les informations suivantes :

  • pour les biens comportant des éléments numériques, pour des contenus numériques et pour des services numériques, lorsque le producteur ou le fournisseur met les informations à disposition du professionnel, la durée minimale, exprimée par référence à une durée ou à une date, pendant laquelle le producteur ou le fournisseur fournit les mises à jour logicielles 
  • l’indice de réparabilité des biens, une note qui doit exprimer la capacité d’un bien à être réparé, et qui doit se fonder sur des exigences harmonisées établies au niveau de l’Union européenne 
  • lorsque l’indice de réparabilité n’est pas applicable, et à la condition que le producteur mette les informations à disposition du professionnel, des informations sur la disponibilité, le coût estimé et la procédure de commande des pièces de rechange nécessaires pour maintenir la conformité des biens, ainsi que sur la disponibilité d’instructions de réparation et d’entretien et sur les restrictions en matière de réparation 
  • les modalités de paiement de la livraison, y compris les options de livraison respectueuses de l’environnement – le cas échéant -, les modalités d’exécution, la date à laquelle le professionnel s’engage à livrer les biens ou à exécuter les services et, le cas échéant, les modalités prévues par le professionnel pour le traitement des réclamations (uniquement pour les contrats conclus à distance ou hors établissement).

Création de notices et de labels harmonisés

Des notices et des labels harmonisés devront être utilisés pour fournir aux consommateurs certaines informations.

Les informations relatives à la garantie commerciale de durabilité offerte par le producteur sans frais supplémentaires pour les consommateurs devront être communiquées au moyen d’un label harmonisé.

Les informations relatives à la garantie légale de conformité des biens devront aussi être communiquées au moyen d’une notice harmonisée.  

La Commission européenne précisera au plus tard le 27 septembre 2025, au moyen d’actes d’exécution, la maquette et le contenu de la notice et du label harmonisés devant être communiqués aux consommateurs.

***

Avec une transposition prévue au plus tard le 27 mars 2026 par les États membres, la Directive « anti-greenwashing » devrait permettre de donner forme aux ambitions de l’Union en matière de durabilité.

Néanmoins, le législateur européen précise que des exigences supplémentaires en matière d’allégations environnementales devront être fixées dans des actes législatifs spécifiques de l’Union.

Par ailleurs, cette Directive devrait être complétée notamment par la directive dite green claims en cours de discussion au Conseil, et que nous ne manquerons pas de commenter sur ce blog.

 

Photo de Muriel Féraud-Courtin
Muriel Féraud-Courtin

Muriel Féraud-Courtin, Avocat Associée, a acquis une expérience de plus de 25 ans en droit des affaires et travaille en étroite coopération avec les avocats du réseau international Deloitte Legal. […]

Gisèle-Aimée  Milandou

Gisèle est avocate en droit des affaires. Elle a travaillé 2 ans comme juriste au sein du Groupe BNP PARIBAS avant de rejoindre Deloitte Legal en 2019. Elle intervient principalement […]

Sacha Lavner

Stagiaire Droit commercial