La Cour suprême américaine a entendu la semaine dernière les plaidoiries des parties dans deux affaires visant à contester certains des droits de douane imposés par le Président Trump, les plaignants exhortant les juges à invalider le fondement juridique utilisé par le gouvernement pour prendre ces décisions, dans ce qui pourrait en France relever d’un recours pour excès de pouvoir.
Quelle est la nature du contentieux ?
Au cœur du litige se trouve la question de savoir si l’International Emergency Economic Powers Act (IEEPA) pouvait octroyer au Président le pouvoir d’imposer depuis son entrée en fonction, sans intervention du Congrès, une série de droits de douane afin de répondre à plusieurs situations d’urgence nationale alléguées. En effet, contrairement à la fiscalité directe qui doit faire l’objet d’un vote par les deux chambres du Congrès (où la majorité républicaine est mince), Donald Trump avait eu recours à divers dispositifs prévus en droit interne pour donner au Président en exercice des pouvoirs étendus en matière commerciale pour répondre notamment à des situations d’urgence. C’est sur la base de ces textes, qui ne traitent cependant pas expressément des droits de douane parmi les mesures à la disposition du Président, que Donald Trump avait signé toute une série de décrets depuis sa prestation de serment en janvier dernier augmentant parfois significativement les droits de douane envers certains pays et certains produits.
Dans une ordonnance du 9 septembre dernier, la Cour a décidé d’un regroupement des deux affaires portées devant elle (Learning Resources Inc., et al. v. Trump, Président des États-Unis (24-1287) et Trump, Président des États-Unis v. V.O.S. Selections Inc., et al. (25-250)) et de leur examen dans le cadre d’un calendrier accéléré.
D’un côté de la barre, plusieurs petites entreprises et une douzaine d’États ont soutenu que l’Administration avait outrepassé les limites du champ d’application de l’IEEPA, tandis que les avocats du gouvernement ont affirmé de leur côté que la loi votée dans les années 1970 conférait au Président un large pouvoir d’utiliser les droits de douane comme outil dans la lutte contre les urgences économiques qu’il aurait identifiées. Dans un communiqué de la Maison Blanche publié le 2 avril, le Président Trump « [avait] déclaré que les pratiques commerciales et économiques étrangères ont créé une urgence nationale, et son décret impos[ait] des droits de douane en réponse [à cette urgence] afin de renforcer la position économique internationale des États-Unis et protéger les travailleurs américains ».
La fin des droits de douane décidés par Donald Trump ?
À en juger par les questions incisives posées tout au long de l’audience, plusieurs juges ont semblé dubitatifs face aux arguments avancés par les représentants de l’Administration. Leurs interrogations ont ainsi porté tant sur des points clés de l’interprétation de la loi que sur les implications plus larges de la position du gouvernement, semblant indiquer que la Cour soupèserait tous les éléments de ce dossier complexe, y compris les enjeux politiques et budgétaires. Bien que le ton des échanges puisse laisser penser que la Cour pencherait pour une invalidation des décrets présidentiels adoptés sur le fondement de l’IEEPA au motif qu’ils seraient dénués de base légale, le sens des questions posées par les juges à l’audience ne fournit pas nécessairement d’indication sur leur position finale et il convient à ce titre de rester prudent quant à l’issue du contentieux.
Ce d’autant plus que des représentants de l’Administration ont indiqué expressément réfléchir à la possibilité d’une substitution de base légale pour confirmer ces droits de douane en cas de décision défavorable de la Cour suprême. Une telle éventualité pourrait en effet avoir des répercussions considérables sur la politique économique du Président Trump dans la mesure où le Bureau du Budget du Congrès (non affilié à un parti) a estimé que les hausses de droits entrées en vigueur entre les 6 janvier et 19 août derniers pourraient venir combler le déficit budgétaire de 4 000 mds$ si les taux demeuraient à leur niveau actuel sur toute la période 2025-2035.
Au-delà de ces enjeux financiers extrêmement significatifs après près de six semaines de shutdown, les droits de douane décidés par Donald Trump représentent un outil majeur de sa politique commerciale et sont devenus au cours des derniers mois un élément central dans les discussions entre les États-Unis et ses partenaires. Un arrêt contraire de la Cour Suprême ne signerait donc pas nécessairement la fin définitive des hausses des droits douaniers.
Quel calendrier ?
La décision a été mise en délibéré sans date annoncée ; elle pourrait ne pas intervenir prochainement, dans la mesure où la publication des arrêts est généralement postérieure de plusieurs mois aux audiences. Nous ne manquerons pas de suivre toute information sur la suite de ces deux affaires dans les prochaines semaines.
