En application de la clause relative à l’élimination de la double imposition de l’ancienne convention franco-chinoise, le Conseil d’État (i) confirme l’inclusion de l’impôt forfaitaire chinois pour le calcul du CI conventionnel déductible en France et (ii) valide l’inclusion de ce même impôt forfaitaire dans le résultat imposable de la société française alors même qu’aucune disposition de droit interne ne prévoit une telle inclusion dans l’assiette de l’IS.
Pour rappel, les articles 10 et 22 combinés de la convention Franco-chinoise de 1984 (ancienne version) prévoyaient, pour l’élimination de la double imposition née de la possibilité reconnue à la France et à la Chine de taxer les intérêts de source chinoise perçus par une entreprise résidente française, que :
- l’entreprise est imposable en France sur ces revenus retenus pour leur montant brut ;
- mais qu’elle bénéficie d’un crédit d’impôt imputable sur l’IS dû en France, correspondant au montant de l’impôt chinois sur ces intérêts, dans la limite du montant de l’impôt français dû à raison de ces mêmes Par application des dispositions de la convention, le montant de l’impôt chinois perçu sur les intérêts de source chinoise est « forfaitairement » considéré comme étant égal à 10 % des intérêts (crédit d’impôt forfaitaire).
L’histoire
Au titre des exercices 2013 et 2014, une société française a perçu des intérêts de source chinoise au titre desquels elle a bénéficié de crédits d’impôt conventionnels forfaitaires chinois que la société a déterminés à hauteur de 10 % des intérêts nets perçus.
Lors de la liquidation de l’IS dû en France, la société a considéré que ces crédits d’impôt avaient la nature d’un revenu imposable et a imputé ces crédits d’impôt à hauteur des 2/3 de leur montant sur l’IS dû.
Par une réclamation du 22 décembre 2016, la société a sollicité l’imputation sur l’IS de la totalité du montant des crédits d’impôt forfaitaires (et non plus seulement à hauteur de 2/3 de leur montant). Elle a également demandé à ce que le montant des crédits d’impôts imputés soit déterminé « en dehors », c’est-à-dire porté à 11 % des intérêts reçus. Dans ce cadre, le crédit d’impôt forfaitaire est déterminé sur la base du montant brut des intérêts, reconstitué en ajoutant aux intérêts reçus le montant de la retenue à la source chinoise réputée acquittée (calcul « en dehors », voir en ce sens CE, 20 novembre 2017, n°396595, SA Natixis).
L’administration fiscale a admis la position de la société sur l’imputation totale des crédits d’impôts forfaitaires sur l’IS français confirmant que les crédits d’impôt n’étaient pas des revenus imposables. En revanche, elle a refusé d’en déterminer le montant selon la méthode de calcul « en dehors » sur une base excédant le montant des intérêts perçus.
Si dans un premier temps le TA a tranché en faveur de l’Administration, la CAA de Versailles a, quant à elle, ensuite accueilli la position de la société.
La Cour a notamment jugé que les crédits d’impôt conventionnels en cause ne pouvaient être inclus dans la base imposable. Elle a en effet considéré qu’en application du principe de subsidiarité des conventions fiscales (CE, 28 juin 2002, n°232276, Sté Schneider Electric), en l’absence de base légale en droit interne, les stipulations conventionnelles ne peuvent servir de base légale. Or, aucune disposition française n’a pour objet ou pour effet d’inclure dans la base imposable à l’IS en France un crédit d’impôt forfaitaire qui, par hypothèse, ne correspond à une imposition prélevée dans l’État de la source.
La décision
Le Conseil d’État censure le raisonnement de la CAA.
Sur le principe de subsidiarité
Le Conseil d’État prend le soin de distinguer 2 situations :
- Sur la répartition du droit d’imposer prévue par la convention(principe de subsidiarité) : Conformément à sa jurisprudence antérieure, le Conseil d’État rappelle, qu’en vertu du principe de subsidiarité des conventions fiscales, il incombe au juge de l’impôt saisi d’une contestation relative à l’application d’une convention, de se placer d’abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l’imposition contestée a été valablement établie avant de déterminer si la convention fait ou non obstacle à l’application de la loi fiscale (voir en ce sens la décision Schneider Electric précitée).
- Sur les modalités d’élimination des doubles impositions prévues par la convention(effet direct) : Il précise qu’il appartient néanmoins au juge, pour la mise en œuvre des stipulations d’une convention qui sont relatives, non à la répartition du pouvoir d’imposer entre les 2 États, mais aux modalités d’élimination des doubles impositions, de faire application des « stipulations claires » subordonnant, au cas d’espèce, l’imputation du crédit d’impôt forfaitaire chinois à l’inclusion dans l’assiette de l’IS des intérêts augmentés de cet IS.
Il suit en ce sens les conclusions du rapporteur public, selon lesquelles : « lorsque la convention partage le pouvoir d’imposer un revenu, il faut appliquer directement la clause d’élimination, sans qu’il y ait lieu de faire un second crochet par le droit interne, dès lors qu’il s’agit d’une norme d’effet direct, obligatoire en tous ses éléments et qui prévaut sur toute disposition contraire de la loi interne, conformément à l’article 55 de la Constitution. »
Sur la base taxable
Le Conseil d’État tranche l’affaire au fond.
Dans un considérant similaire à celui de sa récente décision BNP Paribas (CE, 10 décembre 2021, n°449637, Société BNP Paribas), le Conseil d’État rappelle que l’entreprise percevant des intérêts provenant de Chine bénéficie d’un crédit d’impôt conventionnel forfaitaire calculé sur le montant brut des intérêts perçus, c’est-à-dire incluant le montant de l’impôt chinois, imputable sur son IS français.
Il précise ensuite que l’imputation sur l’IS d’un crédit d’impôt ainsi déterminé (i.e. calculé sur le montant brut des intérêts) est subordonnée à l’inclusion dans l’assiette de l’IS dû en France de ces intérêts augmentés de l’impôt forfaitaire chinois.
Il convient de noter, en ce qui concerne la Chine, que cette décision ne présente plus qu’un intérêt contentieux, la convention franco-chinoise de 1984 ayant été remplacée depuis 2015 par la convention franco-chinoise signée le 26 novembre 2013.
Dans le cadre de cette nouvelle convention, l’article 23 relatif à l’élimination de la double imposition ne fait plus référence au « montant brut » des revenus versés pour le calcul des crédits d’impôt conventionnels. De plus, le crédit d’impôt forfaitaire a été supprimé.