Fusions et scissions entre sociétés sœurs : Publication au BOFiP des commentaires de l’Administration au titre de l’impôt sur les sociétés

L’Administration détaille la mise en cohérence du droit fiscal avec la loi de simplification du droit des sociétés opérée par la LF 2020, ainsi que le règlement ANC 2019-06 du 8 novembre 2019 précisant le traitement comptable de ces opérations.

Pour mémoire, la loi n°2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification du droit des sociétés a élargi le recours au régime de la fusion simplifiée aux hypothèses de fusions entre sociétés sœurs, en supprimant la nécessité de procéder à un échange de titres. La dispense d’échange de titres s’applique également en cas de scission d’une société détenue à 100 % par un associé qui détient également 100 % des sociétés bénéficiaires. L’ensemble de ces aménagements juridiques s’appliquent aux opérations intervenues depuis le 21 juillet 2019.

Or, dans le cadre de cette réforme au plan du droit des sociétés, le législateur n’avait pas anticipé les incidences fiscales potentielles et notamment le risque d’exclusion de ces opérations du régime fiscal de faveur.

L’erreur a été réparée dans le cadre de la LF 2020 (articles 43 et 44), tandis qu’en parallèle, le règlement ANC 2019-06 du 8 novembre 2019 (homologué par l’arrêté du 26 décembre 2019 et publié au JO du 29 décembre) est venu préciser le traitement comptable de ces opérations.

Des précisions (relativement lapidaires) publiées par l’Administration au BOFiP, nous retiendrons notamment les points suivants :

Application du régime mère-fille aux dividendes reçus par la société mère de sa filiale absorbée moins de 2 ans après l’acquisition des titres de cette filiale (BOI-IS-BASE-10-10-10-20-20200603)

Pour mémoire, l’exonération des dividendes prévue par le régime mère-fille présente un caractère définitif seulement lorsque les titres de participation sont conservés pendant un délai de 2 ans. Se posait dès lors la question du sort des dividendes reçus par la société mère de sa filiale absorbée moins de 2 ans après l’acquisition de ses titres.

La LF 2020 a posé le principe selon lequel la réalisation de la fusion ou de la scission sans échange de titres placée sous le régime de faveur ne constitue pas en elle même une rupture du délai de conservation de 2 ans concernant les titres de la société absorbée ou scindée dont les dividendes ont ouvert droit au régime des sociétés mères. En pareille hypothèse, le décompte du délai de conservation est en effet opéré en prenant comme point de départ la date d’acquisition ou de souscription des titres de la société absorbée ou scindée jusqu’à la date de cession des titres de la société absorbante ou des sociétés bénéficiaires des apports.

En revanche, si la cession des titres de la société absorbante intervient moins de 2 ans après l’opération de fusion, elle sera réputée porter :

  • sur les titres de la société absorbée à concurrence du nombre de titres cédés, auquel est appliqué le rapport entre la valeur vénale de ces titres et la somme de cette même valeur et de la valeur vénale des titres de la société absorbante au jour de la fusion et dans la limite du nombre de titres détenus à cette date 
  • sur les titres de la société absorbante à hauteur du reliquat des titres cédés

Une fois cette répartition effectuée, le respect du délai de conservation de 2 ans sera apprécié distinctement pour les titres cédés qui sont réputés provenir de la société absorbée ou scindée et pour ceux réputés correspondre aux titres détenus avant l’opération au sein de la société absorbante (ou des sociétés bénéficiaires des apports). La remise en cause de l’exonération interviendra alors à proportion de cette répartition.

L’Administration précise, de manière bienvenue, que la justification de la valeur vénale peut être apportée par tous moyens. Elle confirme également, comme nous nous y attendions, qu’il sera admis que la valeur vénale s’entende de la valeur réelle des titres à la date à laquelle l’opération de fusion ou de scission prend juridiquement effet. Elle est alors identique à celle retenue pour l’évaluation des titres à l’inventaire (BOI-IS-BASE-10-10-10-20-20200603 n°403).

Sort de la plus ou moins-value de cession des titres de la société absorbante (BOI-IS-FUS-50-30-20200603)

La LF 2020 est venue préciser qu’en cas de cession des titres de la société absorbante, la plus ou moins-value en résultant est soumise au régime des plus values professionnelles de l’article 39 duodecies du CGI, et a instauré un mécanisme visant à conserver une forme de neutralité à l’opération de fusion.

En pratique, il convient désormais de distinguer plusieurs hypothèses :

  1. les titres de l’absorbante et de l’absorbée sont tous détenus, à la date de cession depuis plus de 2 ans ou moins de 2 ans : dans ce cas, on détermine une seule plus ou moins-value qui suivra – selon la durée de détention des titres – le régime du long terme ou du court terme 
  2. la plus ou moins-value de cession des titres de l’absorbante relève du régime du long terme mais les titres de l’absorbée ont été acquis depuis moins de 2 ans à la date de la cession : dans ce cas, on va déterminer la plus ou moins-value correspondant à la quote-part de la valeur des titres de la société absorbée, avant de l’imposer distinctement selon le régime du court terme 
  3. la plus ou moins-value de cession des titres de l’absorbante relève du régime du court terme, mais les titres de l’absorbée ont été acquis depuis plus de 2 ans à la date de la cession : dans ce cas, on va déterminer la plus ou moins-value correspondant à la quote-part de la valeur des titres de la société absorbée, avant de l’imposer distinctement selon le régime du long terme.

La plus ou moins-value correspondant à la quote-part de valeur des titres de la société absorbée ou scindée est égale à la différence entre :

  • la fraction du prix de cession des titres après application du rapport entre la valeur vénale des titres de la société absorbée ou scindée et la somme de cette même valeur et de la valeur vénale des titres de la société absorbante ou bénéficiaire au jour de la fusion ou de la scission ;
  • et, d’autre part, le prix de revient des titres de la société absorbée ou scindée.

Là encore, l’Administration confirme que valeur vénale s’entend de la valeur réelle des titres à la date à laquelle l’opération de fusion ou de scission prend juridiquement effet. Elle est alors identique à celle retenue pour l’évaluation des titres à l’inventaire (BOI-IS-FUS-50-30-20200603 n°90).

Elle précise également qu’en cas de cessions ultérieures successives des titres issus de l’opération de fusion ou de scission, l’ordre de priorité des titres cédés est en principe déterminé en application de la règle du FIFO (premier entré, premier sorti).

L’opération de fusion ou de scission se traduisant par l’ajout de la valeur des titres de la société absorbée ou scindée à la valeur des titres de la société absorbante ou bénéficiaire des apports, l’ordre de priorité des titres cédés est déterminé par rapport aux titres de cette dernière société (BOI-IS-FUS-50-30-20200603 n°100).

Conséquences de la fusion ou de la scission sans échange de titres pour la société associée (BOI-IS-FUS-50-30-20200603)

L’Administration précise qu’en l’absence d’échange de titres, l’option pour le sursis d’imposition prévu au 7 bis de l’article 38 du CGI n’est pas applicable (BOI-IS-FUS-50-30-20200603 n°1).

Elle indique également que dans le cas où les titres de la société absorbée ou scindée proviennent eux-mêmes d’une opération présentant, du point de vue fiscal, un caractère intercalaire, la fusion sans échange de titres ne met pas fin au sursis d’imposition dont bénéficient les plus ou moins-values, notamment dans le cadre des dispositions du 7 bis de l’article 38 du CGI, de l’article 210 A du CGI et de l’article 210 B du CGI.

La valeur des titres de la société absorbée ou scindée à répartir sur la valeur des titres de la société bénéficiaire correspond à leur valeur comptable telle qu’elle figure dans les comptes de la société détentrice. Toutefois, la plus ou moins-value résultant de la cession ultérieure des titres issus de la fusion ou de la scission sans échange de titres est calculée d’après la valeur fiscale que les titres de la société absorbée ou scindée avaient à la date de la première opération intercalaire (BOI IS FUS-50-30-20200603 n°30).

En cas de dépréciation des titres de la société absorbée à la date de l’opération, l’article 746-2 du PCG modifié par le règlement n°2019-06 du 8 novembre 2019 prévoit que la provision régulièrement constituée est ajoutée à l’éventuelle dépréciation constatée sur les titres de la société issue de la fusion. Cette opération ne constitue pas une reprise de provision. Toutefois, à la clôture de l’exercice, l’éventuelle dépréciation des titres de la société issue de la fusion est appréciée dans les conditions de droit commun. Ainsi, dans le cas où les titres issus de la fusion ne seraient pas dépréciés à la clôture du 1er exercice suivant l’opération, la provision antérieurement constituée sur les titres de la société absorbée est reprise (BOI-IS-FUS-50-30-20200603 n°40).

Elle précise, en outre, que les éventuelles provisions pour dépréciation des titres de la société scindée sont réparties sur les titres des sociétés bénéficiaires des apports dans les comptes de la société détentrice, au prorata de la valeur réelle des apports transmis à chaque société bénéficiaire (BOI-IS-FUS-50-30-20200603 n°50).

Enfin, on observera que l’Administration ne commente pas, à ce stade, le décret n°2020-623 du 22 mai 2020 (JORF n°0126 du 24 mai 2020, texte n°14) prévoyant l’extension de l’exonération de droits d’enregistrement prévue par le régime spécial des fusions, scissions et apports partiels d’actif aux opérations de fusions et de scissions entre sociétés sœurs.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.