À l’occasion de la publication de la dernière synthèse de ses contrôles SPOT, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a tenu à rappeler la réglementation applicable et son niveau d’attente en matière de structuration de la gouvernance et du rôle des dirigeants de sociétés de gestion de portefeuille (SGP).
Comme le souligne l’AMF, il convient d’être rappelé que le principe de proportionnalité a particulièrement vocation à s’appliquer sur cette thématique. Cette synthèse de contrôle SPOT présente le mérite de rappeler ces fondamentaux toujours utiles.
Précision sémantique relative à la notion de « dirigeants » de SGP
L’AMF rappelle que cette notion n’est pas définie et peut viser plusieurs personnes tels que les membres de la direction, les instances dirigeantes, l’organe directeur ou encore les dirigeants effectifs.
Pour rappel, en ce qui concerne ces derniers, ceux-ci sont mentionnés à l’article L.532-9, II, 4° du code monétaire et financier qui dispose que toute SGP doit être « dirigée effectivement par deux personnes au moins possédant l’honorabilité nécessaire et l’expérience adéquate à leur fonction, en vue de garantir sa gestion saine et prudente ».
Les principales obligations réglementaires et attentes du régulateur peuvent être synthétisées en quatre catégories.
L’organisation de la gouvernance des SGP
Le régulateur s’attend à ce que la gouvernance des SGP soit clairement définie et correctement documentée. En ce sens, les SGP sont règlementairement tenus de :
- définir la composition et la répartition des responsabilités entre leurs organes directeurs et leurs fonctions de surveillance (lorsque cette distinction existe, selon la forme juridique de la SGP) ;
- définir une structure organisationnelle claire, incluant notamment la comitologie mise en œuvre au sein de la SGP (composition des comités, attributions des membres et fréquence de réunions doivent être arrêtés) ;
- désigner, au sein de leur direction, un responsable de la mise en œuvre du dispositif LCB-FT ; et
- évaluer périodiquement l’efficacité de leur dispositif de conformité et de contrôle interne auquel prennent part des dirigeants (exemple : réunions périodiques d’un comité de conformité, de contrôle interne et de suivi des risques émettant des recommandations en vue de l’amélioration des politiques et des pratiques).
Par ailleurs, le régulateur porte une attention particulière à la formation des organes directeurs et des membres de sa fonction de surveillance. En effet, il considère qu’il est une bonne pratique pour les SGP d’évaluer les besoins de formation de ces derniers.
La définition et la supervision de la mise en œuvre des politiques et des procédures internes
En ce qui concerne la formalisation et la supervision des politiques et des procédures internes, l’AMF insiste plus particulièrement sur le rôle et les responsabilités essentielles des dirigeants de SGP concernant quatre typologies d’entre elles :
- les politiques et les stratégies d’investissement ;
- la politique de gestion des risques ;
- la politique de rémunération ; et
- la politique d’évaluation.
Pour chacune d’entre elles, la règlementation impose qu’elles soient adoptées et réexaminées régulièrement par les dirigeants de la SGP. Pour ce qui est de la politique de rémunération, il convient de rappeler que l’organe de direction de la SGP, dans l’exercice de sa fonction de surveillance, est tenu d’adopter et de réexaminer régulièrement les principes généraux de ladite politique et est responsable de sa mise en œuvre (cette dernière fait l’objet au moins une fois par an d’une évaluation interne, centrale et indépendante).
Notons que le régulateur identifie les pratiques suivantes comme des bonnes pratiques :
- le fait d’établir un fichier ou un outil de suivi de la date de mise à jour des politiques ou des procédures internes et de mettre en place un système d’alerte en cas de dépassement de la fréquence de revue ;
- le fait de préciser dans les politiques et les procédures le responsable de sa validation et la fréquence de revue ; et
- le fait de mettre en place un processus d’information des collaborateurs sur les mises à jour des politiques et des procédures qui les concernent et d’établir un suivi des accusés de réception lors d’évolutions introduites dans le corpus procédural.
À l’inverse, le fait de ne pas prévoir de canal de communication des principales décisions prises en comité de gestion auprès des dirigeants effectifs est considéré comme une pratique à éviter.
La réception de rapports sur cette mise en œuvre et la vérification de l’efficacité de la fonction de conformité
Les dirigeants de SGP doivent recevoir des rapports écrits sur la mise en œuvre des stratégies d’investissement, la conformité, l’audit interne et la gestion des risques (en ce qui concerne les trois derniers, les instances dirigeantes de la SGP doivent recevoir de tels rapports au moins une fois par an). Cette obligation réglementaire doit évidemment être mise en œuvre au sein de toutes les SGP, néanmoins l’AMF comprend que ces rapports puissent présenter un niveau de granularité différent (exemples : supports de présentation de comités internes, comptes-rendus de comités internes, fiches de synthèse, rapports formalisés), en fonction de la taille des SGP.
Au-delà de l’obligation annuelle d’établir un rapport communiqué aux instances dirigeantes, les pratiques suivantes ont été particulièrement appréciées par l’AMF :
- La présentation régulière par le RCCI de la SGP des points saillants de ses rapports à la fonction de surveillance.
- L’instauration d’outils permettant aux dirigeants d’accéder en temps réel au suivi, permanent et périodique, de l’avancée des plans de contrôles et de leurs résultats.
- La validation par les dirigeants des reportings obligatoires à adresser à l’AMF.
La prise de mesures appropriées face à des incidents ou des défaillances éventuels
L’AMF rappelle que, dans le contexte de l’entrée en application, le 17 janvier dernier, du Règlement (UE) 2022/2554 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 sur la résilience opérationnelle numérique du secteur financier (Digital Operational Resilience Act, ou DORA), les obligations incombant aux SGP portant sur l’information de l’AMF de la survenance d’un incident grave ont été précisées.
Dans ce contexte, les dirigeants effectifs de SGP sont réglementairement tenus :
- d’informer sans délai l’AMF des incidents dont la survenance est susceptible d’entrainer pour la SGP une perte ou un gain, un coût lié à la mise en cause de sa responsabilité civile ou pénale, à une sanction administrative ou à une atteinte à la réputation ;
- d’informer sans délai l’AMF de tout évènement ne permettant plus à la SGP de satisfaire aux conditions de son agrément ; et
- de fournir à l’AMF un compte rendu d’incident indiquant la nature de l’incident, les mesures adoptées après sa survenue et les initiatives prises pour éviter qu’ils ne se reproduisent pas.
Si ce n’est pas déjà fait, cette publication de l’AMF devrait permettre aux dirigeants de SGP de s’interroger sur la robustesse de la gouvernance interne actuelle de leur société et d’entreprendre une clarification de celle-ci dans les meilleurs délais en cas d’incertitude persistante.
En cas de besoin spécifique, n’hésitez pas à consulter notre offre d’accompagnement : Droit des institutions et des services financiers.
