Impôt minimum mondial (Pilier 2) – Modification de la loi française

Cet article a été publié dans les Éditions JFA Juristes & Fiscalistes Associés – Mai 2025 et est reproduit sur ce blog avec l’accord de l’éditeur.

L’article 53 de la loi de finances pour 2025 aménage les règles du Pilier 2 (impôt minimum mondial) pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2024, notamment afin de prendre acte des instructions administratives publiées avant juin 2024 par l’OCDE qui clarifient les modalités d’application des dispositifs prévus dans le modèle de règles GloBE. Il intègre ainsi un certain nombre de dispositions concernant notamment les modalités de détermination de la déduction fondée sur la substance, les règles d’application de l’impôt national complémentaire et du régime de protection relatif à cet impôt et les modalités d’application du régime de protection transitoire. Il précise notamment que les sociétés de gestion de fonds français sont déchargées des obligations déclaratives et du paiement de l’impôt national complémentaire pour les groupes Pilier 2 ayant une filiale en France. Il intègre également deux nouvelles catégories de crédits d’impôt, les crédits d’impôt transférables négociables et les crédits d’impôt transférables non négociables, et prévoit leur traitement pour le calcul du taux effectif d’imposition.



La loi de finances pour 2025 telle que publiée le 15 février 2025 vise notamment à tenir compte d’une partie des instructions administratives de l’OCDE (« administrative guidance »).

REMARQUE : Toutes les dispositions issues des commentaires additionnels aux règles GloBE de l’OCDE ne sont pas encore intégrées (par exemple, ni celles de juin 2024 – FI 3-2024, n° 4, § 32 – ni celles de janvier 2025 – V. § 48). Il est cependant indiqué dans l’exposé des motifs de l’article de loi que celles-ci pourraient être transposées dans un prochain projet de loi de finances ou insérées au BOFiP.

Un élargissement des définitions (CGI, art. 223 VK)

Sont ajoutées les notions de crédits d’impôt transférables négociables, crédits d’impôt transférables non négociables, entité constitutive non significative en raison de la taille ou matérialité, entité d’investissement d’assurance.

L’introduction de nouvelles options (CGI, art.223 VN, 223 VT et 223 VO bis)

Pour les entités non consolidées pour des raisons de taille ou de matérialité, à titre de simplification, il est possible de retenir les agrégats inclus dans la déclaration pays par pays (CbCR) : le chiffre d’affaires en tant que résultat qualifié et l’impôt dû en tant qu’impôt couvert.

Ces options, si elles ont le mérite de la simplicité, restent peu attractives.

Toutes les entités peuvent par ailleurs renoncer à exclure les plus-values/moins-values sur participations de la détermination du résultat GloBE.

Des ajustements sur la déduction fondée sur la substance (CGI, art. 223 WA bis à 223 WA quinquies)

La loi de finances pour 2025 reprend une partie des commentaires de l’OCDE :

  • au titre des « frais de personnel » sur la situation des salariés en mobilité et sur la situation des établissements stables ;
  • au titre des actifs corporels sur les conditions de prise en compte des actifs corporels expressément exclus (i.e. actifs corporels détenus en vue d’être cédés ou loués, cas des actifs situés dans un autre pays que l’entité propriétaire, cas des établissement stables).

On relèvera que la loi de finances ne revient pas sur les taux à retenir pour déterminer le revenu de substance. Ainsi, les taux retenus par la France sont alignés sur ceux de la directive (10 % et 8 % au titre de l’exercice 2024) plutôt que sur ceux prévus par l’OCDE (9,8 % et 7,8 %). Ce décalage a de plus été confirmé par l’administration dans sa FAQ sur l’espace dédié en ligne sur impots.gouv.fr (V. § 62).

Des ajustements sur les modalités de détermination de l’impôt complémentaire minimum qualifié prélevé localement (QDMTT) (CGI, art. 223 WF)

La loi de finances supprime de façon bienvenue le choix qui était laissé aux groupes quant au référentiel comptable à utiliser comme point de départ du résultat GloBE pour l’impôt complémentaire minimum qualifié prélevé localement (Qualified Domestic Minimum Top-up Tax, QDMTT). Désormais, c’est le référentiel comptable utilisé par l’entité mère ultime (EMU) pour l’établissement des états financiers consolidés qu’il convient d’utiliser, ce qui permet à la QDMTT française d’être qualifiée au regard des règles OCDE.

Des précisions sur les modalités de répartition de la QDMTT entre les entités françaises (CGI, art. 223 WF)

Chaque État est libre de déterminer les modalités de répartition de la QDMTT entre les entités de son pays. Dans ce cadre, la France a choisi de répartir la QDMTT uniquement entre les entités constitutives dont le taux effectif d’imposition individuel est inférieur à 15 %. Cette affectation est déterminée par le rapport entre la QDMTT calculée individuellement pour l’entité et la somme des QDMTT calculées individuellement par chacune des entités dont le TEI est inférieur à 15 %. Cette méthode ne soulève pas de difficultés particulières sauf dans l’hypothèse où plusieurs entités constitutives auraient un TEI inférieur à 15 % mais auraient une QDMTT nulle en raison de leur substance En tout état de cause, le texte prévoit la possibilité de désigner comme redevable de la QDMTT, une ou plusieurs entités constitutives du groupe.

Des précisions sur les conditions de qualification des QDMTT étrangères (CGI, art. 223 WH bis)

Pour mémoire, lorsqu’une entité constitutive s’acquitte à l’étranger d’une QDMTT « qualifiée », alors aucun impôt complémentaire n’est dû en France en application de la règle d’inclusion du revenu (RIR) à raison de cette entité constitutive. La France reprend les critères de qualification des QDMTT de l’OCDE. Ainsi, la QDMTT étrangère doit remplir les conditions suivantes :

  • être intégrée au processus d’évaluation par les pairs mis en oeuvre par l’OCDE ;
  • être déterminée en utilisant la norme de comptabilité financière utilisée pour la préparation des états financiers consolidés de l’EMU ou une norme locale de comptabilité financière, étant précisé que dans ce second cas, plusieurs conditions cumulatives doivent impérativement être remplies telles que la coïncidence des dates d’ouverture/de clôture des exercices des entités constitutives avec celui de l’EMU ;
  • si un choix est laissé aux États quant à la norme comptable à utiliser, ceux-ci doivent impérativement opter pour l’une d’entre elles afin que la QDMTT puisse être considérée comme qualifiée.

Des précisions sur les modalités d’application des régimes de protection temporaires SHR (CGI, art. 223 VZ à 223 VZ ter)

Le texte revient sur un oubli de la loi de finances pour 2024 : le résultat avant impôt du pays tel qu’issu du CbCR qualifié doit être ajusté des moins-values latentes nettes résultant des dépréciations nettes des reprises des participations dès lors qu’elles sont supérieures à 50 M€.

En conformité avec les commentaires de l’OCDE, le texte précise que les états financiers utilisés pour les calculs SHR ne peuvent pas être considérés comme qualifiés pour les entités acquises, si ces états financiers tiennent compte de l’allocation du prix d’acquisition (PPA). L’exception prévue par les commentaires de l’OCDE dans l’hypothèse où tous les CbCR fiscaux déposés par le groupe après le 31.12.2022 contiennent les écritures de PPA et sous certaines conditions est également incluse dans le texte français.

Enfin, toujours en conformité avec les commentaires de l’OCDE, le texte précise que pour les tests de simplification, les agrégats issus des états financiers qualifiés ne doivent faire l’objet d’aucune correction.

La création d’un principe de solidarité de paiement au titre de l’impôt complémentaire (CGI, art. 1679 decies)

Les entités constitutives devant s’acquitter en France d’une QDMTT (ou d’un impôt complémentaire en application de la règle des paiements insuffisamment imposés – RPII, Undertaxed Payment Rule, UTPR) peuvent désigner l’une d’entre elles pour acquitter la totalité de l’impôt. L’entité ainsi désignée sera solidairement tenue au paiement des droits, pénalités et frais accessoires de l’impôt complémentaire dû par les entités constitutives qui l’ont désignée.