Impôts locaux – Valeur locative plancher : Comment s’apprécie la notion de contrôle ?

Le Conseil d’Etat juge que, pour l’application des dispositions de l’article 1518 B du CGI, la notion de contrôle doit s’apprécier par référence aux dispositions de l’article L. 233-3 du Code de commerce, de sorte qu’elles sont susceptibles de s’appliquer en cas de contrôle conjoint exercé par des concertistes.

Rappel

La valeur locative retenue dans la base d’imposition à la taxe foncière (comme à la CFE et auparavant à la taxe professionnelle) est, pour certains biens et pour certains contribuables, déterminée à partir de leur prix de revient, laquelle se trouve modifiée en cas d’acquisition auprès d’un autre redevable.

Aussi, les dispositions de l’article 1518 B du CGI prévoient que la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite d’apports, de scissions, de fusions de sociétés, de TUP ou de cessions d’établissements ne peut être inférieure, selon la situation, à un montant compris entre 100 % et 50 % de son montant avant l’opération (mécanisme dit de la « valeur locative plancher »).

Pour les opérations réalisées à compter du 1er janvier 2011 (1er janvier 2010 pour la seule CFE), la valeur locative des immobilisations corporelles ne peut être inférieure à 100 % de son montant avant l’opération lorsque, « directement ou indirectement, l’entreprise cessionnaire ou bénéficiaire de l’apport contrôle l’entreprise cédante, apportée ou scindée ou est contrôlée par elle, ou que ces deux entreprises sont contrôlées par la même entreprise » (CGI, art. 1518 B, al. 11 et 12).

Les dispositions de l’article 1518 B n’explicitent pas cette notion de contrôle.

L’histoire

Une société exerçant une activité de construction aéronautique et spatiale a été créée, en 2015, par deux groupes, qui la détiennent à parts égales.

En 2016, un de ses deux actionnaires lui a transféré la propriété d’un établissement industriel dans le cadre d’un apport partiel d’actif.

L’Administration, considérant que la société était contrôlée par ses 2 actionnaires – et donc notamment par la société apporteuse – a entendu faire application du mécanisme de la valeur locative plancher au taux de 100 % pour la détermination de la valeur locative afférente à cet établissement industriel (pour l’établissement de la taxe foncière).

La décision du Conseil d’Etat

Sur la constitutionnalité du mécanisme de « valeur locative plancher » applicable aux restructurations entre entreprises liées

La société arguait que le mécanisme de la « valeur locative plancher » applicable aux restructurations entre entreprises liées porterait atteinte aux principes d’égalité devant la loi et d’égalité devant les charges publiques, en ce qu’il instituerait une présomption de fraude ou d’évasion fiscale, sans permettre au contribuable d’apporter la preuve contraire.

Le Conseil d’Etat refuse toutefois de transmettre la QPC invoquée au Conseil constitutionnel, au motif notamment qu’elle ne présente pas un caractère sérieux.

Il indique, à cet égard, en se référant aux travaux préparatoires de la LF 2011 dont les alinéas 11 et 12 de l’article 1518 B du CGI sont issus, que ces dispositions ont pour objet de « prémunir les finances des collectivités territoriales contre la réduction des bases d’imposition permise par la transmission d’immobilisations corporelles, en prévoyant, pour l’optimisation fiscale susceptible d’en découler, le maintien de la valeur locative des immobilisations transmises lorsque cette transmission est réalisée entre entreprises qui ne sont pas indépendantes entre elles ».

Il considère dès lors que la différence de traitement qui résulte des dispositions contestées, entre les opérations menées entre entreprises liées et les opérations menées entre entreprises non liées est en rapport direct avec cet objet, et qu’elles ne peuvent être regardées comme instituant une présomption de fraude ou d’évasion fiscale.

Sur la notion de contrôle

Le Conseil d’Etat pose le principe selon lequel la notion de contrôle mentionnée à l’article 1518 B du CGI doit s’apprécier par référence aux dispositions de l’article L. 233-3 du Code de commerce – alors même que cet article n’y renvoie pas expressément.

Pour mémoire, l’article L. 233-3, III, du Code de commerce dispose notamment que « deux ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérées comme en contrôlant conjointement une autre lorsqu’elles déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale ».

Le Conseil d’Etat en conclut que les dispositions de l’article 1518 B du CGI sont, dès lors, également susceptibles de s’appliquer en cas de contrôle conjoint exercé par des concertistes.

Au cas d’espèce, il juge que les 2 actionnaires de la société requérante détenaient chacun 50 % des droits de vote attachés à ses actions, sans qu’il soit établi que cette égalité était altérée par des dispositions statutaires ou conventionnelles.

En outre, il relève que la création de la société requérante, en 2015, résultait d’un accord entre ses 2 actionnaires, afin de mettre en œuvre une politique commune consistant à réorganiser la filiale européenne des lanceurs spatiaux civils et militaires, et qu’ils s’étaient, à cette occasion, imposés d’y coordonner l’exercice de leurs droits de vote pour l’ensemble des décisions stratégiques de cette société.

Il en conclut que ces 2 actionnaires pouvaient ainsi être regardés comme agissant de concert et déterminant en fait les décisions prises en assemblée générale.

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.