Dans une affaire défendue par notre bureau de Lille, le juge de cassation confirme qu’une dette, incertaine du fait d’une contestation, est rétroactivement déductible pour le montant ultérieurement arrêté par la décision mettant fin à la contestation.
Un contribuable, assigné (contentieux civil principal) par son associé en reversement d’une quote-part des bénéfices sociaux des exercices 1988 à 1994 dont celui-ci se disait créancier, avait déduit, au titre de l’ISF 1999, une « provision » de 2,5 millions de francs au titre du litige les opposant. La déduction de cette provision a été refusée par l’administration au motif que cette dette n’était alors certaine ni dans son principe, ni dans son montant.
Le principe de cette dette a été reconnu par une décision de justice du 16 mai 2006, de sorte que la dette devenait certaine dans son principe même si son montant n’était pas encore à ce stade fixé judiciairement ou transactionnellement.
Aussi, suite à l’arrêt du 16 mai 2006, le contribuable a déduit de l’assiette de l’ISF 2007 à 2011, non plus une provision mais une estimation de sa dette, dans l’attente d’une décision judiciaire de fixation de son quantum. L’Administration s’est opposée à cette déduction.
Suite à deux jugements fixant le quantum de la dette en date des 8 novembre 2011 (fixant la dette en principal à 3 279 296 € au titre des années 1988 à 1992) et 18 décembre 2012 (fixant la dette en principal à 1 014 697 € pour les années 1993 et 1994), le redevable, par voie de réclamation contentieuse, a demandé la déduction rétroactive pour l’ISF dû au titre des années 1989 à 2011, du montant des condamnations ainsi prononcées.
Cette réclamation a été acceptée partiellement au titre des années 2007 à 2011, mais refusée au titre des années 1989 à 2006, l’administration fiscale considérant que la dette n’était devenue certaine dans son principe que le 16 mai 2006, jour de la décision constatant le principe même de cette dette et par suite, qu’elle ne pouvait être déduite que du patrimoine taxable des années suivantes.
Le redevable a contesté cette position devant le TGI de Lille qui l’a débouté, puis en appel devant la Cour d’appel de Douai qui a confirmé le jugement du TGI.
Saisie de cette affaire, la Cour de cassation donne enfin raison au redevable.
Lorsque le litige relatif au principe ou au montant de la dette est vidé par une décision de condamnation devenue irrévocable, la cour juge que la dette qui en résulte devient rétroactivement déductible de l’assiette de l’ISF au titre des années postérieures à son fait générateur à hauteur du montant judiciairement arrêté et cette déduction peut être demandée par voie de réclamation contentieuse.
Au cas d’espèce, la prise en compte de la dette « incertaine » dans les déclarations, dès la naissance du litige, a permis d’éviter la prescription.
La Cour de cassation renvoie les parties devant la Cour d’appel de Douai.
Les termes mêmes de la cassation prononcée lient à notre avis de manière très nette la juridiction de renvoi qui n’aura pas d’autre choix que de faire droit aux prétentions du redevable et d’admettre la prise en compte rétroactive du passif au titre des années contestées.