Après plusieurs mois d’enquête, plus de trois ans après l’entrée en vigueur de la loi Sapin II, l’Agence française anticorruption (AFA) a publié, lundi 21 septembre 2020, les résultats de l’enquête menée auprès d’environ 2 000 entreprises françaises, assujetties ou non aux dispositions de l’article 17 de la loi Sapin 2, sur leur niveau de maturité quant au dispositif anticorruption.
Un rapport qui souligne des disparités entre entreprises assujetties et non assujetties
Sans grande surprise, ce « diagnostic national » révèle les principales disparités existantes entre les entreprises assujetties (ayant un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros et comptant, individuellement ou au niveau du groupe, au moins 500 salariés) et les PME et petites ETI, non assujetties.
Seulement 56% de ces dernières abordent dans l’environnement professionnel le thème de la corruption et plus d’un quart d’entre elles (32%) ne prends pas en compte le risque de corruption dans leurs procédures d’appels d’offres ou de fusions acquisitions.
L’AFA souligne pourtant l’importance, y compris pour ces PME et petites ETI qui ne sont pas soumises aux obligations de la loi Sapin II, de connaître et de mettre en place, selon leurs possibilités, les mesures et procédures de lutte contre la corruption, posées à l’article 17.
L’AFA précise l’intérêt qu’ont ces entreprises à se doter d’un tel dispositif :
Une petite entreprise peut se retrouver évaluée par un partenaire commercial assujetti (…) ou par un partenaire financier (banque ou investisseur). (…) La corruption est donc facteur d’insécurité économique et peut fragiliser la compétitivité des entreprises. ».
Un rapport qui souligne des lacunes au sein de certaines entreprises assujetties
Cette enquête révèle également des lacunes dans les dispositifs mis en place au sein des entreprises assujetties : les différents chantiers pour l’élaboration d’un dispositif anticorruption, bien que tous indispensables et indépendants, ne sont pas mis en place de manière systématique.
En effet, 85% des entreprises seraient dotées d’un code de conduite (ou d’une charte de déontologie) mais seulement 53% ont mis en place une cartographie des risques ou encore seulement 39% ont mis en place des procédures d’évaluation des tiers.
Par ailleurs, la sensibilisation aux risques de corruption apparait incomplète : près de 50% des entreprises ne sensibilisent pas l’ensemble des différents échelons hiérarchiques et seulement 45% ont nommé un responsable dont la fonction est exclusivement dédiée à la conformité.
Cette enquête est, selon le Directeur de l’AFA, la première « d’une série qui aura vocation à mesurer régulièrement l’évolution de la perception de la corruption et de la mise en place des dispositifs (…) au sein des entreprises françaises ».
Un rapport qui soulève une interrogation
Cette enquête, et les recommandations de l’AFA, soulèvent une interrogation.
En incitant les entreprises hors du champ d’application de la loi d’en faire application, on peut se demander quelle est la nature de cette directive du régulateur. C’est une approche qui étend le champ d’application de la loi, sans caractère impératif. Simple recommandation, de soft law donc, elle place les entreprises concernées face à un dilemme : elles ne sont pas astreintes par la loi à mettre en œuvre les dispositifs légaux mais encouragées en ce sens par le régulateur. Or, si celui-ci à des pouvoirs d’enquêtes et de sanctions, ces derniers ne devraient toutefois pas s’appliquer aux entreprises non assujetties.
Concrètement, les entreprises, assujetties ou non, ont tout intérêt à s’interroger sur leurs diligences en prenant en considération le risque de sanction qui diffère selon qu’elles sont assujetties ou non !