Loi Climat et résilience : l’impact des nouvelles obligations environnementales pour les entreprises

L’ancrage de l’écologie dans la société française suppose l’implication des entreprises. La loi Climat et résilience table également sur l’évolution du rôle des représentants du personnel en matière de dialogue social en prévoyant la possibilité pour les salariés de s’exprimer sur la stratégie environnementale de leur entreprise.

C’est dans cet esprit qu’est née la « Loi Climat », qui impose de nouvelles obligations pour les entreprises de plus de 50 salariés, tant en matière de relations collectives de travail que des nouvelles obligations envers la société. Cela s’inscrit naturellement dans le mouvement de la « RSE », responsabilité sociale des entreprises, formellement introduite dans le droit français des sociétés par la loi PACTE de 2019.

L’évolution des relations sociales pour les entreprises de plus de 50 salariés 

De nouvelles attributions environnementales pour le CSE

Les attributions générales du comité social et économique (CSE) sont complétées par la loi Climat et résilience pour les entreprises de plus de 50 salariés. Il a dorénavant pour mission d’assurer une expression collective des salariés qui permette une prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production, « notamment au regard des conséquences environnementales de ses décisions » (art. 40). Le CSE, doit donc désormais s’assurer que l’employeur prend en compte les impératifs écologiques dans ses décisions. 

Cela passe notamment par l’information. Le CSE doit désormais être informé sur les conséquences environnementales des différentes mesures prises par l’entreprise. Celles-ci peuvent faire l’objet d’une information-consultation de la part du CSE. 

De façon concrète, l’employeur devra donc transmettre des informations relatives à l’environnement lors de ces consultations. Celles-ci pourront être mises en place de manière à la fois ponctuelle et récurrente avec pour objectif de renforcer l’information à disposition du CSE sur les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise.

Mise en conformité

Mettre en place trois consultations récurrentes obligatoires du CSE : orientations stratégiques, situation économique, financière et politique sociale et conditions de travail et emploi  

La BDES devient la BDESE 

La BDES devient la BDESE pour Base de données économiques, sociales et environnementales. Ce changement de dénomination de cette base rassemblant les informations qui portent sur les grande orientations économiques et sociales de l’entreprise, s’accompagne de l’ajout d’un 10e thème obligatoire intitulé : « conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise ». Il est important de noter qu’il ne pourra être supprimé par accord (art. 41).

La BDESE doit désormais comporter les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise. Sa non-conformité est en mesure de compromettre le processus d’information-consultation pour certains projets clés de la vie d’une entreprise, à l’instar des PSE ou des réorganisations.

Mise en conformité

Documenter dans la BDESE les impacts de l’entreprise sur l’environnement.

L’élargissement des missions d’expertises comptables

Les missions des experts-comptables du CSE sont élargies par la loi Climat et portent désormais sur l’ensemble des éléments d’ordre économique, financier, social ou environnemental nécessaires à la compréhension des orientations stratégiques de l’entreprise (art. 41).

De nouvelles obligations en matière de négociations obligatoires

Une évolution des négociations collectives GPEC

La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) est une négociation qui a lieu périodiquement et qui a pour but la mise en place d’un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Elle devra désormais prendre en compte les enjeux de la transition écologique (art 40).

Cette nouvelle dimension suppose que le personnel de l’entreprise soit en mesure de s’en saisir. La loi Climat met ainsi en place deux leviers portant sur la formation.

Le premier porte sur la formation des délégués syndicaux. Le congé de formation économique, sociale et syndicale se transforme et se nommera désormais le congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale. La formation devra désormais prendre en compte les aspects environnementaux (art. 41).

Le second levier de formation se concentre sur les élus au CSE. La formation économique des salariés nouvellement élus au CSE pourra, dès lors, porter sur les conséquences environnementales de l’activité des entreprises (art. 41).

Enfin, les opérateurs de compétences (OpCo), organismes agréés par l’État et chargés d’accompagner la formation professionnelle, devront informer les entreprises sur les enjeux liés au développement durable et les accompagner dans leurs projets d’adaptation à la transition écologique, notamment par l’analyse et la définition de leurs besoins de compétences (art. 43).

La Loi Climat réserve donc une place importante aux partenaires sociaux dans la mise en œuvre de ces mesures. Ainsi, observe-t-on que l’essentiel des dispositions dépend du dialogue social dans l’entreprise. La réussite de l’ambition de la loi Climat viendra bel et bien de l’implication des différents acteurs de l’entreprise.

Mise en conformité

Garantir la sensibilisation aux enjeux environnementaux des élus au CSE et des délégués syndicaux au travers de leurs formations en se faisant accompagner par les OpCo.

De nouvelles obligations vis-à-vis de la société civile

La protection du consommateur et de l’employé

Publicité

Un autre volet de la Loi Climat qui impacte directement les entreprises concerne la protection du consommateur. Cette protection prend, notamment, la forme d’un encadrement plus strict de la publicité à destination des consommateurs. Pour cela, le législateur a précisé les dispositions sanctionnant les publicités trompeuses sur l’origine d’un produit. Le caractère trompeur étant désormais apprécié au regard des règles justifiant l’apposition de mentions telles que « fabriqué en France », ou « origine France » ou de toute mention, signe ou symbole équivalent sur l’origine non-préférentielle des produits (Article 4 de la Loi).

Le non-respect de cette obligation sera sanctionné par une amende de 20 000 € pour une personne physique et de 100 000 € pour une personne morale. Ces montants pourront être portés jusqu’à une somme couvrant la totalité des dépenses consacrées à l’opération illégale.

Mise en conformité

Apposer une mention sur l’origine d’un produit uniquement dans les cas encadrés par la loi.

Frais de transport domicile-lieu de travail

L’avantage résultant du cumul de la prise en charge du forfait mobilités durables avec la prise en charge obligatoire des frais de transport publics ou de services publics de location de vélos est désormais exonéré d’impôt et de cotisations sociales dans la limite, par salarié, de 600 euros (contre précédemment 500 euros) par an ou, s’il est supérieur, du montant de la prise en charge obligatoire des frais de transports publics (art. 128).

Mise en conformité

Revoir sa politique de prise en charge des frais de transport des employés.

Congé d’accompagnement spécifique

L’ordonnance n° 2020-921 du 29 juillet 2020 portant diverses mesures d’accompagnement des salariés dans le cadre de la fermeture des centrales à charbon est ratifiée et certaines de ses dispositions concernant le congé d’accompagnement spécifique sont clarifiées (art. 44).

Le volet des marchés publics

En ce qui concerne les règles applicables aux énergies vertes, et la création d’un cadre pour les énergies alternatives, la loi Climat et résilience prévoit des appels d’offres pour faciliter le développement de la filière du stockage de l’électricité. Elle met également en place un cadre ou enrichit celui existant en matière d’hydro-électricité, d’hydrogène et de biogaz. Enfin, elle précise le régime des sanctions en cas de fraude aux certificats d’économie d’énergie. Elle renforce ainsi l’arsenal des sanctions encourues, par la création de nouvelles incriminations.

Le délit de « mise en danger de l’environnement » pourra être caractérisé par le fait d’avoir exposé l’environnement à un risque de dégradation durable de la faune, de la flore ou de l’eau en violation d’une obligation de sécurité ou de prudence. Il s’accompagne désormais d’une sanction de 3 ans de prison et 250 000 euros d’amende.

La loi Climat ne s’arrête pas là et attache une nouvelle conséquence au non-respect de l’obligation d’établir un plan de vigilance : l’exclusion d’un candidat à une procédure de passation de marché public.

Cela peut, en premier lieu, prendre la forme d’une injonction sous astreinte prononcée par le juge à la demande de toute personne justifiant d’un intérêt à agir (C. com. art. L 225-102-4, II), après mise en demeure dans un délai de trois mois. En second lieu, ce manquement peut également engager la responsabilité extracontractuelle de la société contrevenante en l’obligeant à réparer le préjudice que l’exécution de ses obligations aurait permis d’éviter (C. com. art. L 225-102-5).

La loi Climat introduit également plusieurs dispositions en droit des sociétés sur lesquelles nous revenions dans notre dernier article :

  • l’introduction d’un droit de préemption au profit des communes et intercommunalités concernant certaines opérations sociales 
  • l’obligation de publication d’informations environnementales dans le cadre des déclarations extra-financière des entreprises 
  • l’élargissement du devoir de vigilance à la lutte contre la déforestation importée 
  • l’exclusion d’un candidat à une procédure de passation de marché public en cas de manquement à l’obligation d’établir un plan de vigilance et l’engagement de la responsabilité de la société mère pour les actes commis par sa filiale dans le domaine minier.

La loi Climat et résilience introduit ainsi de nouvelles contraintes pour les entreprises, assorties de sanctions dissuasives qui vont nécessiter d’être prises en compte pour protéger Ses intérêts.

Les piliers formation et information complètent la montée en compétences des salariés et facilite le dialogue social, l’expression des salariés et, plus généralement, la prise en compte des besoins de la société civile.

Ainsi, la loi Climat entend impliquer plus activement les salariés d’une entreprise dans la protection de l’environnement aux moyens de briques pédagogiques.

La pratique montrera dans quelle mesure les sanctions qui accompagnent ce volet « pédagogique » de la loi ne perturberont pas la méthode privilégiée d’une incitation au renforcement du dialogue social et à la co-construction d’un monde de demain « plus vert ».

 

Photo d'Arnaud Raynouard
Arnaud Raynouard

Professeur des Universités à l’Université Paris-Dauphine, Arnaud Raynouard anime le Comité Scientifique Juridique du cabinet Deloitte Société d’Avocats. Agrégé en droit privé et sciences criminelles, et diplômé en gestion, Arnaud […]