Tous les pans du droit mobilisés par la loi Climat et résilience

Finalité d’un processus démarré il y a deux ans avec la mise en place d’une Convention citoyenne pour le climat, la loi « portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets », dite « loi Climat et Résilience », a été promulguée et publiée au Journal officiel, le mardi 24 août 2021.

S’inscrivant dans la continuité des lois écologiques votées au cours de ces dernières années, ce texte porte une ambition nouvelle : il entend transformer notre manière de consommer, de produire, de travailler, de se déplacer, de se loger, de se nourrir et de renforcer la protection judiciaire de l’environnement.

Cette loi, qui aura porté beaucoup d’espoir et souvent déçu, entre désormais « dans le quotidien des français », malgré une entrée en application échelonnée jusqu’en 2030. Ainsi, tant le contexte général dans lequel la loi a vu le jour que ses implications juridiques variées, méritent d’être développés.

 

 

La loi climat et résilience : un contexte ambitieux.

La loi résilience et climat est, avant tout, le fruit d’un processus consultatif inédit. À l’origine, la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC), composée de 150 membres tirés au hasard parmi la population française, a débattu et présenté en juin 2020 146 propositions réunies en 65 articles. C’est ensuite sous forme de loi que l’essentiel de ces propositions a vu le jour le 22 août 2021.

Ambitieuse, cette nouvelle loi s’inscrit cependant dans la continuité des lois écologiques votées depuis plus d’une douzaine d’années, en prenant comme point de repère les deux lois dites Grenelle de l’environnement (2008 et 2010). Qu’il s’agisse de la « Loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire » (loi EGALIM, 2018), de la « Loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique » (loi ELAN, 2018), de la « Loi relative à l’énergie et au climat » (2019), de celle relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (2020), ou encore la « Loi relative à la transition énergétique pour une croissance verte » (2015), le but demeure la mobilisation du plus  grand nombre d’acteurs de la société, tant publics que privés, en vue de modifier leurs comportements et de rendre opérationnelle la transition écologique.

La loi Climat et résilience concentre plus de 300 articles ayant pour objectif de « définir les mesures structurantes pour parvenir à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici 2030 par rapport à 1990 », afin « (d’)accélérer la transition de notre modèle de développement vers une société neutre en carbone, conformément à l’Accord de Paris sur le Climat ».

Les dispositions adoptées sont doublement diversifiées : elles concernent plusieurs secteurs d’activité et touchent de nombreuses branches du droit (droit de la consommation, droit de l’environnement, droit immobilier, droit de la commande publique, droit du travail, droit de l’urbanisme, droit des collectivités territoriales, droit de l’énergie, etc.).

Mais avant même de s’intéresser aux règles sectorielles, il faut présenter les traits généraux de la loi Climat et résilience.

Traits généraux de la loi Climat et résilience.

Les reproches les plus souvent entendus portent sur le choix d’une mise en œuvre par étapes, que certains jugent trop longue. D’autres y verront au contraire une approche pragmatique eu égard à l’importance des évolutions impliquées.

Certaines mesures entrent immédiatement en vigueur comme l’éducation à l’environnement dans tous les établissements scolaires. D‘autres mesures s’étalent dans un horizon plus ou moins éloigné avec un calendrier prévoyant une mise en œuvre en plusieurs étapes jusqu’en 2030.

Parallèlement, la loi met en place un système d’évaluation permanente de ses effets. Le Haut Conseil pour le climat sera chargé d’évaluer tous les ans la mise en œuvre des mesures prévues et, tous les trois ans, l’action des collectivités locales en matière de réduction des gaz à effet de serre (GES) et d’adaptation au changement climatique. Aussi, pour préciser ces mesures, une centaine de décrets sont prévus.

La loi est-elle synonyme de grande avancée ?

Selon la Ministre de la Transition écologique, il s’agirait d’une loi « unique au monde » opérant une « bascule culturelle ». Sans doute faut-il nuancer ce propos.

Un grand nombre de dispositions ne sont pas véritablement nouvelles mais plutôt précisent, ou généralisent, des dispositions existantes ou le renouvèlement de dispositifs expérimentaux. Ensuite, pour beaucoup, les mesures ne sont pas immédiatement applicables, et ce, sans que cela ne soit toujours justifié de manière convaincante. Enfin, et surtout, la loi prévoit un grand nombre d’obligations à vocation simplement incitative dont la portée contraignante et la formulation d’effets acceptables ne sont pas garanties.

En dépit de l’affirmation à l’article 1er de la loi qui fait état d’un lien de filiation entre les mesures adoptées et les engagements de l’État en matière de lutte contre le changement climatique, à savoir la réduction de 40% de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, celles-ci n’ont convaincu ni le Haut conseil pour le climat, ni le Conseil économique social et environnemental, ni même le Conseil national de la transition écologique. L’on peine alors à comprendre comment l’État pourra se conformer à l’injonction qui lui est faite, à la suite de sa condamnation par le Conseil d’État le 1er juillet dernier dans l’affaire Grande-Synthe, de « prendre toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national ».

Pour autant, ce texte n’est pas forcément une « loi blabla », selon la formule usitée par ses détracteurs si l’on considère que toute mesure susceptible de faire évoluer les comportements dans la lutte contre le réchauffement climatique est importante et si l’on admet que, malgré l’urgence, le changement de modèle social implique une méthode douce et progressive.

Photo d'Arnaud Raynouard
Arnaud Raynouard

Professeur des Universités à l’Université Paris-Dauphine, Arnaud Raynouard anime le Comité Scientifique Juridique du cabinet Deloitte Société d’Avocats. Agrégé en droit privé et sciences criminelles, et diplômé en gestion, Arnaud […]