Modification exceptionnelle et temporaire du dispositif du carry-back dans le cadre du COVID (1re LFR 2021) : illégalité partielle des commentaires administratifs

Le Conseil d’État juge que les commentaires administratifs limitant le bénéfice d’imputation aux seuls bénéfices déclarés par l’entreprise, à l’exclusion donc de ceux qui résulteraient de redressements consécutifs à un contrôle fiscal, sont contraires à la loi. On notera que le Conseil d’État se saisit de l’occasion pour réaffirmer, de manière claire, qu’une société peut, dans le délai de réclamation ouvert au titre d’un exercice, demander par voie de réclamation contentieuse le bénéfice du report en arrière, sur le résultat de ce même exercice, tel qu’il a, le cas échéant, été rectifié par l’Administration.

Eléments de contexte

Dans le cadre de la crise sanitaire liée au COVID19, le législateur était venu aménager, de manière exceptionnelle et temporaire, le mécanisme de report en arrière des déficits en en modifiant le timing et le montant (1re LFR 2021).

Il était ainsi prévu que le 1er déficit constaté au titre d’un exercice clos entre le 30 juin 2020 et le 30 juin 2021 pouvait, sur option, être imputé sur les bénéfices des 3 exercices précédents (2019, 2018 et 2017 pour une entreprise clôturant au 31 décembre), et ce, sans limitation de montant (non-application de la limite de 1 m€).

Cette mesure avait fait l’objet de commentaires au BOFiP, en date du 23 août 2021 (BOI-IS-DEF-20-30, 23 août 2021).

L’Administration avait notamment précisé, s’agissant de la détermination des bénéfices d’imputation, que la créance de carry-back devait être déterminée à partir des résultats fiscaux déclarés. Aussi, elle indiquait expressément, que le montant de cette créance était insusceptible d’être revu à la hausse si le ou les bénéfices d’imputation se trouvaient être augmentés à la suite d’un contrôle fiscal (§ 120 du BOFiP précité).

Le recours pour excès de pouvoir

Des sociétés ont formé un recours pour excès de pouvoir contre ces précisions, en ce qu’elles limitaient les bénéfices d’imputation dans le cadre du renforcement exceptionnel et temporaire du dispositif du carry-back.

Le Conseil d’État accueille favorablement leur demande.

Il juge, à cet égard, qu’il résulte des dispositions de la 1re LFR 2021, telles qu’éclairées par les travaux préparatoires dont elles sont issues, que les bénéfices sur lesquels, en application du dispositif exceptionnel qu’elles instituent, en vue d’aider les entreprises à surmonter les difficultés liées à la pandémie de COVID, un déficit constaté au titre d’un exercice postérieur est imputable, doivent être déterminés (exception faite du nombre d’exercices concernés et des règles de plafonnement), dans les conditions « de droit commun » prévues à l’article 220 quinquies du CGI.

Or, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le montant des bénéfices sur lesquels est effectuée l’imputation de déficits postérieurs soit déterminé en prenant en compte les rectifications opérées, le cas échéant, par l’Administration (confirmation, sur ce point, de sa jurisprudence SARL Fiorim, 16 novembre 2022, n°462305).

On notera, à cet égard, que le Conseil d’État prend le soin de rappeler, de manière très claire, « qu’une société peut, dans le délai de réclamation ouvert au titre d’un exercice, demander par voie de réclamation contentieuse le bénéfice du report en arrière, sur le résultat de ce même exercice, tel qu’il a le cas échéant été rectifié par l’Administration ».

Il en conclut que ce § 120 « restreint incompétemment la portée de la disposition législative qu’il a pour objet de commenter ».

Bien que l’impact de cette décision soit limité, elle est bienvenue.   

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Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.