Non-cumul des dispositifs des articles 238 A et 182 B

Le Conseil d’Etat juge que seules entrent dans le champ de l’article 182 B les sommes versées en rémunération de prestations qui correspondent à des opérations réelles. A contrario, la retenue à la source de l’article 182 B ne saurait s’appliquer à des sommes dont le caractère de charges déductibles a été remis en cause en application de l’article 238 A du CGI.

Rappel

Le dispositif de l’article 238 A (Paiements à des résidents étrangers soumis à un régime fiscal privilégié)

Les dispositions de l’article 238 A du CGI font échec à la déduction en France de certaines charges payées ou dues par un résident de France (personne physique ou personne morale) à un bénéficiaire situé dans un Etat où il bénéficie d’un régime fiscal privilégié, lorsque le débiteur n’est pas en mesure d’établir que ces dépenses correspondent à des opérations réelles et qu’elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré.

Si le bénéficiaire est domicilié ou établi dans Etat ou territoire non coopératif (ETNC), la déduction n’est possible que si le débiteur démontre, en plus, que les opérations auxquelles correspondent les dépenses ont principalement un objet et un effet autres que de permettre la localisation de ces dépenses dans un ETNC.

Retenue à la source sur certains revenus non salariaux et assimilés (CGI, art. 182 B)

En l’absence de convention fiscale, l’article 182 B du CGI soumet à une retenue à la source en France les paiements effectués en rémunération de prestations de toute nature fournies ou utilisées en France, par un débiteur domicilié ou établi en France à une personne qui n’y possède pas d’installation professionnelle permanente.

En règle générale, son taux est fixé à 25 %, mais peut être porté à 75 % lorsque les sommes en cause sont payées à des personnes domiciliées ou établies dans un ETNC.

L’histoire

A l’issue d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2013 à 2015, l’Administration a remis en cause, sur le terrain de l’article 238 A du CGI, la déduction, par une société française, de sommes versées, en 2014, en rémunération de prestations de conseil, à une société immatriculée aux Iles Vierges britanniques (territoire figurant alors sur la liste des ETNC), en considérant que n’était pas apportée la preuve que ces dépenses correspondaient à des opérations réelles.

Elle a, dans le même temps, soumis ces sommes à la retenue à la source de l’article 182 B, au taux majoré de 75 %.

La décision

Le Conseil d’Etat écarte l’application de la retenue à la source de l’article 182 B, en jugeant que seules entrent dans son champ les sommes versées en rémunération de prestations qui correspondent à des opérations réelles.

En cohérence, elle ne peut être appliquée à des sommes dont le caractère de charges déductibles a été remis en cause en vertu de l’article 238 A.

Réglant ensuite l’affaire au fond, il admet la substitution de base légale invoquée en cours d’instance par l’Administration.

Elle sollicitait, à cet égard, que soit substituée à la retenue à la source de l’article 182 B, celle prévue par l’article 119 bis du CGI, considérant que les bénéfices supplémentaires qui procèdent de la réintégration des sommes acquittées sans contrepartie par la société française devaient être regardés comme des sommes distribuées en application des dispositions de l’article 109, 1 du CGI.

Le Conseil d’Etat confirme l’application de la retenue à la source de l’article 119 bis, mais pas au taux de 75 % dont se prévalait l’Administration.

En effet, si la bénéficiaire des sommes était domiciliée aux Îles Vierges britanniques, les sommes en question avaient été payées sur le compte bancaire dont elle disposait au Luxembourg. Or, les dispositions de l’article 119 bis prévoient l’application du taux majoré de 75 % lorsque les sommes sont payées dans un ETNC.

En conséquence, la retenue à la source était applicable au taux de 30 % (taux en vigueur à l’époque).   

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.