Par 2 arrêts, le Conseil d’État rappelle qu’avant la mise en recouvrement, la société tête de groupe d’intégration fiscale doit être informée du montant des pénalités mises à sa charge dans le cadre du redressement d’une filiale intégrée ainsi que des modalités de détermination de ces pénalités, afin d’être en mesure de contester utilement les sommes ainsi réclamées.
Dès lors qu’une société tête d’intégration fiscale est amenée à supporter les droits et pénalités résultant d’une procédure de rectification suivie à l’égard d’une société membre de l’intégration, l’Administration doit lui adresser, préalablement à la notification de l’AMR correspondant, un document l’informant du montant global par impôt des droits, des pénalités et des intérêts de retard dont elle est redevable. L’AMR qui peut être alors émis sans délai, fait référence à ce document (art. R 256-1 du LPF).
L’information qui doit être donnée à la société tête d’intégration avant cette mise en recouvrement peut être réduite à une référence aux procédures de redressement qui ont été menées avec les sociétés membres de l’intégration et à un tableau chiffré qui en récapitule les conséquences sur le résultat d’ensemble, sans qu’il soit nécessaire de reprendre l’exposé de la nature, des motifs et des conséquences de chacun des chefs de redressement concernés.
Elle doit toutefois comporter, en ce qui concerne les pénalités, l’indication de leur montant et des modalités de détermination mises en œuvre par l’Administration (CE 13 décembre 2013, n°338133, 9e et 10e s.-s., EURL Pub Finance).
En l’espèce, le montant des pénalités pour abus de droit de 80 % (art. 1729 du CGI) qui avait été mentionné dans la lettre transmise à la société tête d’intégration avant la mise en recouvrement, ne correspondait pas à l’application du taux de 80 % au montant des cotisations supplémentaires réclamées par l’Administration.
Par conséquent, le Conseil d’État confirme la position de la CAA de Versailles qui a considéré qu’en l’absence de toute indication sur les modalités de détermination des pénalités, l’information donnée à la société tête d’intégration était insuffisante et justifiait la décharge des pénalités correspondantes.
Nous profitons de cette décision du Conseil d’État pour rappeler que la jurisprudence a, par le passé, déjà clarifié l’étendue de l’obligation d’information pesant sur l’Administration en application de l’article R 256-1 du LPF et notamment précisé :
- Sur le contenu de l’obligation : une référence aux procédures de rectification menées avec les sociétés membres doit être mentionnée et un tableau chiffré récapitulant les conséquences sur le résultat d’ensemble doit être joint (CE, 7 février 2007, n°279588, min. c/ Sté Weil Besançon ; et CE, 2 juin 2010, n°309114, Sté France Telecom). La société mère doit, en outre, être informée du montant des pénalités appliquées ainsi que de leurs modalités de détermination (CE, 13 décembre 2013, n°338133, EURL Pub Finance)
- Sur la forme de l’obligation : le courrier est une information, non une notification de redressement, devant suivre les règles procédurales de l’article L. 57 du LPF (CE, 19 novembre 2008, n°298728).
- Sur la portée de l’obligation :
- Seule l’information de la société mère est nécessaire, sans que celle-ci puisse se prévaloir d’un droit à présenter des observations (CE, 15 février 2019, n°407694).
- La CAA de Nantes a dernièrement refusé de prononcer la décharge des impositions supportées par une filiale intégrée alors que l’AMR reçu ne faisait pas référence au document d’information reçu par la société mère, ainsi que le requièrent les dispositions du LPF. Dans la lignée de la décision de la CAA de Douai, elle a estimé qu’il s’agissait d’une simple erreur matérielle qui n’avait pas privé la société mère d’une garantie, ni de la possibilité de contester utilement les montants mis en recouvrement (CAA Nantes, 17 janvier 2019, n°17NT01944, demande de pourvoi rejetée par le Conseil d’État).
- Récemment, le Conseil d’État rappelait que la société tête d’intégration fiscale devait être informée préalablement à la mise en recouvrement des conséquences chiffrées sur le résultat d’ensemble du redressement d’une des sociétés membres de l’intégration fiscale, y compris lorsque la société redressée est la société mère elle-même (CE 3 avril 2020, n°426146).
- Sur le délai d’information :
- Ce document doit être transmis à la société mère préalablement à la mise en recouvrement des rappels correspondants : pas de décharge d’imposition en cas de réception de l’information avant la notification de l’AMR à la société mère et de la proposition de rectification à la société contrôlée (CE, 15 février 2019, n°407694).
- La réception de l’information concomitamment à l’AMR justifie la décharge des impositions mises en recouvrement (TA Montreuil, 1er décembre 2016, n°1510172).
L’avis du praticien : Alice de Massiac
On ne saurait rappeler l’importance de vérifier les conditions de forme de cette fameuse lettre d’information. Dans l’affaire en cause, le contribuable finit par se retrouver déchargé de la pénalité de 80 %, alors que ses nombreux arguments quant au fond du redressement et la procédure appliquée n’avaient pas réussi à convaincre. Qui plus est, le montant de la pénalité de 80 % mentionné dans la fameuse lettre était inférieur à celui calculé sur les redressements en impôt en raison d’autres corrections apportées relatives à des sociétés membres de l’intégration…