L’année écoulée a illustré de façon flagrante l’attention croissante portée par l’administration fiscale aux prix de transfert. Les vérifications de comptabilité en la matière se sont multipliées, donnant souvent lieu à des redressements importants et de mieux en mieux documentés. Alors que la période de réponse aux notifications reçues en fin d’année vient de s’achever, nous avons souhaité mettre un coup de projecteur sur les principales orientations en matière de redressements de prix de transfert relevées au sein du cabinet. La liste qui suit ne vise pas à l’exhaustivité, mais se fonde sur l’ensemble des propositions de rectifications reçues par notre équipe prix de transfert au cours de l’année civile 2019.
Mise en demeure de produire une documentation
Bien qu’elles soient en augmentation, les mises en demeure de produire une documentation restent relativement limitées et ne concernent que 14% des contribuables notifiés. Cette tendance illustre à la fois la relative tolérance dont fait preuve l’administration fiscale vis-à-vis du contribuable lors des premiers rendez-vous du contrôle, ainsi que l’effort significatif des groupes multinationaux entrepris au cours des dernières années pour documenter leurs transactions intragroupes.
Les sociétés notifiées en situation de pertes récurrentes
Sans surprise, près d’un quart des sociétés notifiées étaient dans des situations de pertes récurrentes. L’administration fiscale tend à redresser les entités françaises déficitaires depuis plusieurs années, quand bien même elles assument un certain niveau de risque ou sont considérées comme des entrepreneurs pour les transactions considérées.
L’étude de comparables présentée par l’entité notifiée
Remise en cause dans plus de 40% des cas, le redressement se traduit par une remise en cause de l’étude de comparables présentée par l’entité notifiée pour justifier la rémunération de ses flux intragroupes. Dans la mesure où les comparables retenus par le contribuable (ainsi que ceux éventuellement retenus par l’administration) sont tout particulièrement examinés par les juges lorsque le différend se poursuit au contentieux, ce pourcentage réaffirme l’importance d’un benchmark solide et cohérent.
Les principaux flux redressés
Les principaux flux redressés sont, dans cet ordre, les achats de produits effectués par les distributeurs (35% des contribuables notifiés), les charges d’intérêt (21% des contribuables notifiés) et les flux de redevance (17% des contribuables notifiés) :
- La rémunération des distributeurs reste le premier motif de redressement, l’administration considérant souvent que la marge d’exploitation obtenue par ces sociétés est insuffisante ou que la politique du groupe concernant les distributeurs est inadaptée au cas d’espèce.
- La non-déductibilité des charges financières, sur le fondement de l’article 212-I-a du Code général des impôts (« CGI »), est également un sujet récurrent. L’administration rejetait en effet jusqu’à présent, de manière quasi-systématique, les différentes études présentées par le contribuable, sur lequel repose la charge de la preuve, pour défendre le caractère de marché des taux intragroupe pratiqués. Elle limitait ensuite la déduction des intérêts aux taux établis à l’article 39-1-3 du CGI. Néanmoins, eu égard à (i) l’avis du Conseil d’Etat du 10 juillet 2019 (avis n°429428, SAS Wheelabrator Group) qui admet, sous certaines conditions, le recours à un référentiel obligataire pour déterminer les taux intragroupes, et (ii) le nombre croissant de litiges sur ce sujet allant au contentieux, ce type de redressement est attendu à la baisse sur les prochains exercices.
- Les flux de redevance sont également régulièrement redressés, aussi bien quand l’entité française déduit cette redevance que lorsque cette dernière en est la bénéficiaire, le taux de redevance étant dans ce second cas jugé trop faible.
Curieusement, alors que ce flux est habituellement dans le viseur de l’administration fiscale, nous avons observé un seul redressement des services de management payés par une entité française. Là encore, plusieurs interprétations sont envisageables : la montée en compétence de l’administration qui procède désormais à des redressements plus sophistiqués, le consensus dégagé par BEPS autour des services à faible valeur ajoutée et l’application d’une marge de 5%, et l’expérience accrue des contribuables pour défendre ce type de services.
Mauvaise foi et documentation incomplète
Enfin, les pénalités pour mauvaise foi ou documentation incomplète ont été appliquées dans près de 30% des cas (il semblerait que les pénalités soient appliquées de manière automatique sur les redressements de prix de transfert par certaines brigades) ; ce qui démontre une nouvelle fois un durcissement des pratiques de l’administration fiscale.