PLF 2024 : un recentrage du pacte Dutreil ?

Comme attendu, le Gouvernement a profité de l’examen du Projet de Loi de Finances (PLF) pour 2024 pour déposer, le 17 octobre dernier, un amendement visant le pacte Dutreil et l’intégrer dans le texte qui sera adopté dans le cadre du « 49.3 ».

Cette intervention vise à encadrer la notion d’activité commerciale éligible au dispositif fiscal de faveur disposé à l’article 787 B du Code Général des Impôts (CGI). En revanche, cet amendement a créé la surprise avec sa portée et les évolutions qu’il annonce.

Pour rappel, le 29 septembre dernier, le Conseil d’Etat a rendu un arrêt qui annulait la doctrine administrative excluant la location meublée des activités éligibles au pacte Dutreil, aux motifs qu’il s’agissait en principe d’une activité de nature commerciale lorsqu’elle était exercée à titre habituel. Cette décision de la haute juridiction administrative faisait écho à un arrêt rendu par la Cour de cassation le 1er juin dernier qui reconnaissait la commercialité de l’activité de location de locaux meublés et donc son éligibilité au pacte Dutreil (voir nos commentaires actualités semestrielles).

Une exclusion de l’activité de gestion de son propre patrimoine

Sans que cela ne nous surprenne, la réaction du législateur a été très rapide.

L’article 787 B serait aménagé afin de reconnaitre l’éligibilité des activités commerciales citées aux articles 34 et 35 du CGI sous la réserve qu’elles ne forment pas pour la société qui les exercent « une activité de gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier ». Le motif présenté dans l’exposé préalable invoque explicitement l’incohérence de l’analyse rendue par la Cour de cassation le 1er juin dernier,  avec l’esprit du dispositif de faveur qui veut accompagner la transmission des actifs professionnels et non des actifs privés mis en société.

Relevons qu’il s’agit d’un alignement sur le régime de l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) qui reconnait en principe le caractère commercial des activités citées aux articles 34 et 35 du CGI mais les exclut par exception à l’article 966 du CGI lorsque lesdites activités consistent à la gestion de son propre patrimoine.

Nous comprenons que le législateur rejoint la position de l’administration fiscale qui raisonne de longue date, en ce qui concerne le pacte Dutreil, par analogie, hier avec feu l’ISF, et aujourd’hui avec l’IFI.

Une consécration inattendue de l’activité mixte

Par ailleurs, l’amendement ne s’arrête pas là et propose d’ajouter au 1er aliéna de l’article 787 B que le dispositif de faveur est réservé aux sociétés exerçant l’activité éligible « à titre principal ».

Cet ajout confirme une jurisprudence acquise qui reconnait la possibilité pour la société d’exercer une activité patrimoniale pour autant qu’elle reste minoritaire. Cette consécration légale devrait confirmer les nombreuses jurisprudences, reprises désormais dans la doctrine fiscale, qui nous permettent d’apprécier la prépondérance de l’activité opérationnelle.

Holding animatrice : enfin une définition !

La définition légale de la holding animatrice de groupe était attendue de longue date des praticiens. Ce sera chose faite avec cet amendement puisque l’article 787 B ouvre de plein droit le dispositif Dutreil aux holdings animatrices d’un groupe de sociétés.

Cette longue attente n’a pas été vaine puisque sera qualifiée de holding animatrice une société ayant pour « activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe constitué de sociétés contrôlées directement ou indirectement, exerçant une activité » opérationnelle. Le législateur reconnait du même coup la possibilité à la holding animatrice d’exercer une activité patrimoniale si l’activité d’animation reste prépondérante et indique que l’animation doit s’apprécier sur l’ensemble du groupe qu’il s’agisse de filiales ou sous-filiales. 

Les commentaires indiqués dans l’exposé préalable de l’amendement indiquent que l’éligibilité de la holding animatrice « s’opérerait dans les conditions de droit commun définies ci-dessus, au même titre que les autres sociétés dont l’activité principale est opérationnelle » permettant un alignement de cette dernière avec les sociétés opérationnelles, notamment au regard des critères d’appréciation.

L’adoption définitive de cet amendement, et la modification du dispositif Dutreil qui en résulterait, ne manqueront pas d’ouvrir la voie à de nouveaux débats jurisprudentiels et doctrinaux s’ajoutant à ceux déjà existants (voir nos articles à ce sujet). La sécurisation du caractère animateur restera donc un enjeu pour les contribuables qui devront s’en remettre à des conseils aguerris à ce sujet.

Vers une réforme d’ampleur ?

Le diable se cache parfois dans les détails.

Ici, c’est la dernière phrase de l’exposé préalable qui nous interpelle. En effet, le Gouvernement conclut en écrivant « Cette mesure permet de clarifier le champ d’application de l’exonération « Dutreil » dans l’attente d’autres précisions qui pourraient centrer la mesure sur la transmission d’actifs professionnels. »

Est-ce à dire que nous devons nous attendre à une réforme qui recentrera le dispositif sur la valeur des actifs professionnels et non sur la valeur globale de la société ?

Nous resterons attentifs à ces « précisions » tant leur portée pourrait avoir un impact sur ce dispositif et les stratégies de transmission poursuivies par les contribuables concernés.

Mikael Eveno

Mikaël est en charge du développement de l’activité sur la Région Occitanie et la zone Méditerranée. Fort de 14 années en tant qu’Associé et de son expérience à la tête […]

Sylvain Cuvigny

Sylvain Cuvigny est avocat associé de Deloitte Société d’Avocats au sein du département Legal. Il conseille les entreprises de toutes tailles et de tous secteurs ainsi que les familles de […]

Arnault Schmit

Venant du notariat, Arnault a intégré le bureau toulousain de Deloitte Société d’Avocats en qualité de juriste patrimonial. En collaboration avec l’ensemble des équipes du cabinet, il accompagne les dirigeants […]