Les dispositions relatives à la forme par laquelle la cession de contrat devient opposable au cédé ont été clarifiées grâce à l’introduction de l’article 1216 du code civil par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
Rappel du contexte post-réforme
Avant la réforme, les juges du fond appliquaient les dispositions prévues pour la cession de créance à l’article 1690 du code civil, dont la lourdeur des formalités était vivement critiquée. La jurisprudence avait apporté diverses clarifications (plus ou moins aisées à saisir). D’abord, en distinguant la cession de contrat de la cession de créance, les deux opérations étant possibles. Puis elle avait finalement assoupli ces règles en matière de cession de contrat, se contentant de formes équivalentes à la signification : une assignation en résolution de la vente (Cour de cassation, Chambre commerciale, du 4 juin 1996, 94-14.768), une mise en demeure et des actes de procédure devant les juridictions (Cour de cassation, Chambre civile 2, 8 novembre 2007, 06-14.448), une déclaration de la créance résultant du contrat cédé au passif du cessionnaire en procédure collective (Cour de cassation, Chambre civile 3, 17 février 2009, 08-12-019), ont par exemple été reconnues comme des formes valables d’acceptation par le cédé de la cession du contrat.
Une volonté de clarification de la part de la Cour de cassation
La Cour de cassation vient de rendre un premier arrêt précisant les contours des nouvelles dispositions de l’article 1216 du code civil. Cet article dispose que les parties au contrat peuvent prévoir « par avance » la cession de celui-ci directement au sein du contrat lui-même (clause). Dans cette hypothèse, la cession prend effet à l’égard du cédé « lorsque le contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire lui est notifié ou lorsqu’il en prend acte ».
Par un arrêt rendu le 9 juin 2022 (Cour de cassation, Chambre commerciale du 9 juin 2022, 20-18.490), la Chambre commerciale a fait pour la première fois application de ce texte et affirme ainsi que la prise d’acte par le cédé de la cession de contrat est effective dès lors que le cédé, ayant accepté contractuellement, donc par avance, une telle cession, exécute son obligation de payer auprès du cessionnaire et non au cédant :
en payant un loyer entre les mains du cessionnaire, Mme [D] avait pris acte de la cession intervenue entre les sociétés Leasis et Grenke, le tribunal en a exactement déduit que cette dernière avait qualité à agir contre Mme [D] au titre du contrat en cause. »
Le contexte de l’arrêt
En 2017, une personne physique souscrit auprès d’un établissement financier un contrat de location financière pour une durée de 12 mois, dont les conditions générales comprenaient une clause permettant la cession du contrat. Ce contrat est alors cédé par l’établissement financier à un tiers, le même jour. Face à l’inexécution par le cocontractant de ses obligations de payer, le cessionnaire a mis ce dernier en demeure de payer, à deux reprises, mais n’a obtenu le règlement que d’un seul des loyers impayés. Le cessionnaire a alors résilié le contrat dans les conditions prévues par celui-ci et a assigné le cocontractant en paiement des loyers impayés.
Le cocontractant cédé a alors soulevé une fin de non-recevoir au titre du défaut de qualité à agir, considérant que « n’était pas établie l’existence d’une cession de contrat intervenue entre le cédant et le cessionnaire » ; il fait ensuite grief à l’arrêt attaqué (Tribunal de commerce de Rennes, 14 novembre 2019) d’avoir rejeté sa demande et de le condamner au paiement de diverses sommes « sans constater que cette cession ait été notifiée [au requérant] ou qu'[il] en ait pris acte ».
La décision de la Cour de cassation.
La Cour rejette le pourvoi. Elle constate que le cédé avait consenti contractuellement à la cession du contrat.
La Cour relève ensuite que le locataire, en ayant accepté de régler une partie des sommes dues à l’établissement financier cessionnaire (un des loyers impayés), a pris acte de la cession puisqu’en réglant un des loyers impayé, il prenait acte de ce que le nouvel établissement était son cocontractant.
Cette première jurisprudence vient donc préciser que la preuve de l’accord par une prise d’acte du cédé concernant la cession de contrat peut donc résider dans la poursuite de l’exécution, même résultant d’une mise en demeure, des obligations par le cédé auprès du cessionnaire lorsque le contrat contient une clause permettant sa cession.
La Cour de cassation ne rend pas une décision innovante, puisqu’elle a toujours attaché des effets à une exécution, mais elle apporte une indéniable sécurité juridique en jugeant sans ambiguïté que la poursuite de l’exécution constitue le fait de « prendre acte » de la cession intervenue au sens de l’article 1216 du code civil.