Réduction d’impôt mécénat : Nécessité d’une décorrélation entre l’avantage publicitaire obtenu et le versement effectué ?

Selon le CE, le bénéfice de la réduction d’impôt mécénat (RIM) est subordonné à ce que l’avantage publicitaire retiré par la société versante à la suite de ce don ne représente pour cette dernière qu’une contrepartie très inférieure au montant du versement.

La distinction entre le « parrainage » et le « mécénat » est d’importance en fiscalité directe. Le parrainage génère par principe une charge déductible, alors qu’à l’inverse le mécénat, qui suppose une absence de contrepartie pour la partie versante, ne peut constituer une charge déductible. En revanche, le mécénat peut, sous réserve de remplir les conditions requises, donner droit à une réduction d’impôt.

En effet, l’article 238 bis du CGI ouvre droit, sous certaines conditions, à une réduction d’impôt au profit des entreprises mécènes égale à 60 % des versements effectués (pourcentage réduit par la LF 2020 à 40 % pour la fraction des dons supérieure à 2 m€).

À ce titre, l’article 238 1, a) du CGI précise que le fait pour l’entreprise mécène d’associer son nom aux opérations réalisées par l’organisme bénéficiaire des dons n’empêche pas celle-ci de bénéficier du dispositif.

Les commentaires administratifs publiés au BOFiP limitent cette faculté ouverte à l’entreprise versante et précise qu’elle ne doit pas constituer une prestation publicitaire réalisée par l’organisme bénéficiaire. Dans ce dernier cas, la nature lucrative de l’opération fait tomber le versement dans les dispositions relatives aux opérations de parrainage (visées à l’article 39, 1, 7° du CGI et destinées à promouvoir l’image du « parraineur » dans un but commercial). Le versement effectué par l’entreprise n’étant que la rémunération de la prestation de publicité rendue par l’organisme, elle ne peut ouvrir droit à une réduction d’impôt. En revanche, cette charge de parrainage est déductible.

Selon l’Administration, les opérations de parrainage se distinguent essentiellement du mécénat par la nature et le montant des contreparties considérées : la réduction d’impôt n’est accordée que s’il existe une disproportion marquée entre les sommes versées et la valorisation de la « prestation » rendue par l’organisme. Ainsi, le versement doit être manifestement disproportionné par rapport aux contreparties reçues pour que l’intention libérale soit caractérisée (BOI BIC-RICI-20-30-10-20-20190807 n° 140 et s.).

Le Conseil d’État vient de se prononcer dans le cas d’une société qui avait consenti au titre des exercices 2010 et 2011 des dons à une association d’intérêt général dont l’objet était de promouvoir le sport automobile féminin. La société avait considéré que ces versements lui donnaient droit à la RIM alors même que son nom était apposé sur les véhicules de course. Justement en raison de l’apposition du nom de la société sur les véhicules, l’Administration, suivie par le TA de Lyon, avait remis en cause la qualification de mécénat.

Au contraire, la CAA de Lyon avait fait droit aux arguments de la société en considérant que le mécénat ne s’oppose pas à ce que le nom de la société versante soit associé aux opérations réalisées par l’organisme bénéficiaire (CAA de Lyon, n° 17LY00187, 28 juin 2018). Dans ce cadre, la Cour avait précisé que la circonstance que la société ait, de ce fait, bénéficié d’une couverture médiatique à l’occasion des courses des pilotes ne fait pas obstacle au bénéfice de la réduction d’impôt, quelle que soit la valeur économique qui pourrait être attribuée à cet avantage.

C’est justement ce que lui reproche le Conseil d’État : en cas d’apposition du nom de l’entreprise versante, il convient de rechercher la valeur économique de l’avantage ainsi obtenu par le donataire et sa corrélation ou non avec le montant versé. Ce n’est que si la valeur économique est très inférieure au montant versé que ce dernier peut être qualifié de don, et donc ouvrir droit à la RIM.

Par conséquent, le Conseil d’État reprend la position de l’Administration telle qu’exprimée dans ses commentaires publiés au BOFiP.

On notera par ailleurs 2 points complémentaires apportés par l’Administration (BOI BIC-RICI-20-30-10-20-20190807 n° 170) :

  • La vérification de la correcte qualification de l’opération peut notamment être effectuée par la concordance du traitement fiscal dans les comptes du donataire et du donateur (non-lucratif/mécénat ou lucratif/parrainage) ou à partir des pièces justificatives (facture, reçu etc.) émises par le bénéficiaire
  • Si l’entreprise versante a, par erreur, traité une opération de mécénat en parrainage, il n’y a pas de conséquences pour le bénéficiaire

Rappelons enfin que si l’Administration n’a donné aucune indication permettant de quantifier cette « disproportion marquée », elle a néanmoins fourni certains exemples à titre indicatif (BOI-BIC-RICI-20-30-10-20-20190807 n° 180).

Dans le cadre de l’ancien dispositif de déduction mécénat, cette condition de disproportion était satisfaite, pour la remise de menus biens aux entreprises donatrices, lorsqu’il existait un rapport de 1 à 4 entre la valeur du bien remis et celle du don (« règle des 25 % »). Cette indication n’a toutefois pas été expressément reprise dans les commentaires administratifs postérieurs à la réforme de 2003 (Inst. 13-7-2004, 4 C-5-04 n° 51).

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Myriam Mouloudj

Myriam, Avocate, possède une expérience de près de 15 ans en fiscalité. Arrivée chez Deloitte Société d’Avocats en 2006, elle réintègre le cabinet en 2019 pour rejoindre le Comité Scientifique […]