Remise en cause de la déductibilité de la provision pour dépréciation d’un élément de stock acquis à prix majoré

La CAA de Lyon juge que l’Administration est fondée à remettre en cause la provision pour dépréciation déduite à raison d’un élément de stock acquis à prix majoré.

Rappel

L’inscription d’un bien à l’actif du bilan pour un prix excessif n’entraîne, en elle-même, la constatation d’aucun profit (CE, 17 novembre 2000, n°179429).

En revanche, l’Administration peut, en se plaçant sur le terrain de l’acte anormal de gestion, contester le prix d’inscription d’un élément d’actif au bilan de l’entreprise afin, notamment, de contester la déduction fiscale d’une dépréciation (voir sur ce point les conclusions du rapporteur public sous la décision CE, 27 avril 2001, Société générale de transport et d’industrie, n°212680).

L’histoire

Le 30 décembre 2013, une société exerçant une activité de promotion immobilière a acquis une parcelle de terrain à bâtir, auprès du père du gérant et associé unique de la société. En raison de son activité, ce terrain a été comptabilisé dans un compte de stock.

Au titre de l’exercice 2016, la société a constaté la dépréciation de cette parcelle par le biais d’une provision en raison du projet de son classement en zone non constructible, pour un montant proche du prix d’acquisition de la parcelle. Elle a considéré la dotation déductible fiscalement.

A l’issue d’une vérification de comptabilité portant sur l’exercice 2016, l’Administration a contesté la déduction de la provision, sur la base de l’acte anormal de gestion, à hauteur du prix d’acquisition qu’elle a considéré comme excessif compte-tenu notamment de l’étroite communauté d’intérêt entre les parties à l’opération.

La décision de la CAA de Lyon

La CAA de Lyon juge que le prix de revient d’un élément d’actif n’est opposable à l’Administration, en particulier pour la constitution d’une provision pour dépréciation, que dans la mesure où la décision d’acquérir cet élément d’actif, lorsqu’elle a été prise, ainsi que le prix alors consenti au vendeur, peuvent être regardés comme se rattachant à une gestion commerciale normale.

Elle décline ensuite au cas d’espèce, de manière implicite et symétrique, la jurisprudence applicable en matière d’acquisition à prix minoré (CE, 5 janvier 2005, n°254556, S Raffypack, transposé aux opérations d’apports de titres à une valeur délibérément minorée, CE, 9 mai 2018, n°387071, S Cérès). Rappelons qu’en pareille hypothèse, l’Administration doit établir l’existence, d’une part, d’un écart – sans contrepartie – significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien et, d’autre part, de l’intention d’octroyer une libéralité et, pour le bénéficiaire, de la recevoir. On retiendra que la jurisprudence présume l’intention libérale en présence d’une relation d’intérêts entre les parties.

Sur l’existence d’un écart entre le prix d’acquisition et la valeur vénale de la parcelle

Pour procéder à l’évaluation de la valeur vénale d’un immeuble, l’Administration doit, en principe, se référer à des transactions portant sur l’immeuble même, ou sur des immeubles similaires situés à proximité et intervenues à une date proche de celle du fait générateur de l’impôt.

Au cas précis, pour déterminer la valeur vénale de la parcelle, l’Administration s’est basée sur 5 acquisitions de terrains à bâtir situés dans la même section cadastrale, effectuées par des entreprises de promotion immobilière ou des marchands de biens, entre 2011 et 2013 et leur a affecté un coefficient d’occupation des sols similaire.

La Cour approuve la méthodologie retenue, mais exclut du panel un des terrains à bâtir, dont la superficie était nettement inférieure à celle de la parcelle litigieuse.

Sur cette base, la Cour confirme l’écart significatif entre la valeur vénale de la parcelle ainsi reconstituée et son prix d’acquisition (environ 28 %).

Sur la preuve de l’intention libérale du vendeur

L’Administration apporte, sans difficulté, la preuve de l’existence d’une étroite communauté d’intérêt entre les parties à l’opération, le vendeur de la parcelle se trouvant être le père du gérant et associé unique de la société – de sorte que l’intention libérale est présumée.

Si la société acquéreuse soutenait que le projet de construction immobilière qu’elle entendait réaliser sur la parcelle aurait dû lui permettre de dégager une marge de 11 %, elle n’a produit aucun élément permettant de justifier cette allégation (absence de contrepartie de nature à établir l’existence d’un intérêt propre).

La Cour en conclut à l’existence d’un acte anormal de gestion, et donc à la réintégration de la provision litigieuse.

Cette décision est dans la continuité de la position prise par la même Cour, dans une affaire similaire (CAA Lyon, 27 avril 2023, n°21LY02306, SARL Financière GC investissement).

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Alice de Massiac

Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à l’international, tant en conseil qu’en contentieux, anticipant les impacts dans […]

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Clara Maignan

Clara Maignan, avocat, a rejoint les équipes de Deloitte Société d’Avocats en 2011. Elle exerce au sein du Comité Scientifique Fiscal.

Agathe Saint Joanis

Agathe Saint Joanis a intégré Deloitte Société d’Avocats en 2019. Elle y a rejoint l’équipe du Comité Scientifique Fiscal.