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Sécurité juridique et dialogue fiscal : vers une nouvelle ambition pour l’accompagnement des entreprises

Le nouveau Gouvernement doit aller très vite, et la loi de finances sera l’objet de toutes les attentions dans les prochaines semaines. Pourtant, au-delà des débats parlementaires, des pistes d’amélioration concrètes émergeront déjà à travers le rapport qui sera remis au Premier Ministre dans les jours qui viennent, consacré à l’accompagnement des entreprises par l’administration fiscale – une mission confiée par François Bayrou en juillet dernier, dans le cadre d’une mission d’amélioration des relations entre administration fiscale et contribuables.

Nous avons eu l’opportunité de contribuer à la rédaction de ce rapport, convaincus qu’il est possible de bâtir une relation plus constructive et sécurisante entre l’administration et les entreprises. Plusieurs axes de réflexion ont guidé nos propositions.

Renforcer la sécurité juridique à l’issue des contrôles, notamment en matière de prix de transfert

Ces dernières années, les services de contrôle tendent désormais à préciser les points de la vérification qui bénéficient d’une garantie fiscale, mais cette pratique demeure trop marginale. Il est essentiel que cette garantie soit apportée plus fréquemment et que les positions prises par les vérificateurs soient plus explicites et documentées, afin d’apporter une véritable sécurité juridique aux entreprises et d’éviter que les mêmes sujets soient remis en cause lors de contrôles ultérieurs.

En matière de prix de transfert, alors que ce sujet reste un axe majeur des vérifications, la garantie fiscale demeure l’exception. Sans qu’il s’agisse de valider un prix précis, il paraît pourtant possible de sécuriser les principes qui sous-tendent la méthode de détermination des prix de transfert : choix méthodologique, base de calcul, profil fonctionnel du groupe… Autant d’éléments qui pourraient bénéficier d’une reconnaissance explicite, apportant stabilité et prévisibilité.

Ouvrir plus largement le débat avec les services de vérification, dans un contexte de recours accru aux pénalités

La généralisation des pénalités lors des contrôles fiscaux soulève de nombreuses questions, d’autant plus que leur annonce intervient souvent en toute fin de procédure, limitant la possibilité d’un véritable échange sur leur bien-fondé. Cette situation est d’autant plus paradoxale que, dans le même temps, les marges de discussion pendant les opérations sur place se réduisent : certaines rectifications ne sont présentées qu’en fin de contrôle, les résultats des traitements informatiques sont parfois présentés dans la proposition de rectification, repoussant le dialogue sur le fond au stade du recours hiérarchique.

Il est donc impératif de rappeler l’importance d’un débat oral et contradictoire effectif, avec une présentation suffisamment précoce et claire de la position de l’administration, pour garantir à chaque partie la possibilité d’exposer ses arguments de façon équilibrée et transparente.

Limiter le poids financier de certaines rectifications sans impact réel pour le Trésor

Certaines rectifications « de décalage » n’ont, en pratique, pas d’incidence significative sur les recettes de l’État, tout en générant des conséquences financières et administratives lourdes pour les entreprises.

L’efficacité administrative commanderait que les services de contrôle intègrent, dans le calcul des conséquences financières, les effets à venir sur les exercices futurs – par exemple, en corrigeant les rehaussements sur provisions à raison des reprises correspondantes, évitant ainsi des dégrèvements contentieux ultérieurs.

S’agissant des prix de transfert, la suspension de la mise en recouvrement pourrait être envisagée durant la procédure amiable, quand il s’agit de transactions avec des pays à fiscalité comparable et hors pays à régime fiscal privilégié. Ce dispositif limiterait les tensions de trésorerie inutiles pour les entreprises.

S’engager sur ces sujets, c’est assurer la sécurité juridique, défendre une vision d’une fiscalité plus prévisible, plus lisible et mieux adaptée à la réalité économique. En portant la voix des entreprises et en participant à ces travaux, notre ambition reste la même : favoriser un dialogue constructif et exigeant avec l’administration, afin que chaque décision fiscale s’inscrive dans la durée et soit le socle d’une confiance renouvelée. Ce n’est qu’à cette condition que l’attractivité et la compétitivité de notre économie pourront durablement progresser.

  • Béatrice Hingand

    Associée, Béatrice Hingand développe son expertise au sein du Comité scientifique fiscal, renforce l’éminence Deloitte et les liens avec l’administration.…

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    Eric Lesprit

    Eric a plus de 25 ans d’expérience en matière de fiscalité internationale, notamment en matière de prix de transfert. Il…

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    Alice de Massiac

    Alice a développé depuis plus de 20 ans une large expertise en accompagnant de grands groupes en France et à…