La pérennisation du privilège de post money

Dans notre dernier article, nous insistions sur le changement de paradigme qui semblait s’opérer en droit des entreprises en difficulté avec l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021. Longtemps ancré dans un schéma de nature à donner la priorité au maintien de l’activité, ce droit, amendé par la réforme, s’intéresse de plus en plus à la place donnée aux créanciers. Cette évolution s’illustre notamment avec la pérennisation du privilège de post money, mécanisme hérité des mesures exceptionnelles prises dans le cadre de la crise sanitaire.

Quel est l’apport du privilège de post money pour les entreprises en difficulté ?

Le privilège dit de « post money » compte parmi les nombreuses mesures de soutien aux entreprises instaurées durant la crise sanitaire par l’ordonnance n°2020-596 du 20 mai 2020. Plus précisément, ce dispositif, dont l’appellation rappelle le bien connu privilège de « new money » en matière de procédure de conciliation, a pour objet d’encourager et faciliter les apports de trésorerie aux sociétés en procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire.

Ledit privilège étant initialement une simple mesure d’adaptation du droit instituée dans le contexte de la crise du Covid-19, il n’avait pas vocation à s’appliquer au-delà du 31 décembre 2021. Cette mesure s’étant toutefois révélée fort efficace, et partant salutaire pour l’objectif poursuivi d’apports de nouveaux de financement, l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 publiée le 16 septembre a consacré ce dispositif au sein du Code de commerce.

A l’instar du privilège de « new money » prévu à l’article L611-11 du Code de commerce, lequel est applicable aux créanciers ayant consenti des apports d’« argent frais » en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité formalisés dans un protocole de conciliation homologué, les créances bénéficiant de ce privilège de « post money » bénéficieront en sauvegarde ou en redressement judiciaire d’un rang préférentiel.

Les différentes hypothèses offertes aux créanciers pour bénéficier du privilège de « post money »

Procédures

Le privilège de post money ne concerne que les procédures de sauvegarde ou de redressement judiciaire.

Cas visés

En période d’observation (article L. 622-17 du code de commerce)

L’apport de trésorerie peut être consenti en vue d’assurer la poursuite de l’activité pour la durée de la procédure. Il doit être autorisé par le juge commissaire, et ce dans la limite nécessaire à la poursuite de l’activité pendant la période d’observation. L’apport doit faire l’objet d’une publicité.

Lors de l’arrêté d’un plan de sauvegarde ou de redressement (article L.626-10 du code de commerce)

Le privilège de post money peut aussi bénéficier aux personnes qui se sont engagées à effectuer un apport de trésorerie pour l’exécution du plan de sauvegarde ou de redressement arrêté par le tribunal. Ce privilège ne peut toutefois pas bénéficier, directement ou indirectement, aux créanciers au titre de leurs concours antérieurs à l’ouverture de la procédure.

Lors de la modification d’un plan de sauvegarde ou de redressement (article L.626-26 du code de commerce)

Le privilège de post money peut bénéficier aux personnes qui se sont engagées à effectuer un apport de trésorerie pour l’exécution du plan de sauvegarde ou de redressement modifié par le tribunal.

Rang des paiements

Les créances bénéficiant du privilège de post-money, bien que postérieures à l’ouverture de la procédure, seront payées à l’échéance ou, à défaut, par priorité sur d’autres créances d’un rang inférieur.
 

Il est à noter que :

  • les créanciers concernés bénéficieront d’un droit général sur le patrimoine du débiteur, à l’exception des actifs grevés de sûretés réelles, en ce compris les sûretés propriété telle que la fiducie (l’actif concerné ayant quitté le patrimoine du débiteur).
  • Les créances concernées pourront être primées par certaines créances bénéficiant d’un rang supérieur (par exemple les créances salariales ou bénéficiant du privilège de new money) et
  • le rang de chaque privilège évolue en fonction de la procédure ouverte au profit du débiteur (articles L.622-17 et L.643-8 du code de commerce).

 
La loi précise cependant que le privilège de « post money », à l’instar du privilège de « new money » ne pourra pas s’appliquer aux apports consentis par les associés de la société en difficulté au titre d’un augmentation de capital. A l’inverse, les apports en compte courant d’associés pourront, quant à eux, bénéficier de ce dispositif. Néanmoins, il garantit au créancier concerné que, dans le cadre du plan de sauvegarde ou de redressement, selon le cas, sa créance ne pourra faire l’objet de remises ou de délais sans son accord.

La pérennisation du dispositif de privilège de « post money » mérite d’être saluée en ce qu’elle garantit, et ce faisant encourage, le financement des sociétés placées en sauvegarde ou en redressement judiciaire. Espérons que la pratique lui réserve le même succès que son grand frère (le privilège de New Money) prévu en matière de conciliation.

 

 

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Stéphanie Chatelon

Stéphanie Chatelon, Avocat Associée, dirige le département droit des affaires. Elle conseille les entreprises en difficulté et gère régulièrement toutes les questions relatives aux mesures de prévention, procédures collectives et […]

Marie Waechter

Marie est senior manager dans l’équipe Legal et traite plus particulièrement des questions relatives aux entreprises en difficulté. Avant de rejoindre Deloitte Société d’Avocats, Marie avait exercé au sein d’un […]

Hermine Robert

Hermine est Senior au sein de l’équipe Restructuring.

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Arnaud Raynouard

Professeur des Universités à l’Université Paris-Dauphine, Arnaud Raynouard anime le Comité Scientifique Juridique du cabinet Deloitte Société d’Avocats. Agrégé en droit privé et sciences criminelles, et diplômé en gestion, Arnaud […]